Jeunes, impulsifs, peu instruits et issus des milieux défavorisés. Au Maroc, la violence dans les stades n'est pas encore structurée. >
LE MATIN
13 Octobre 2008
À 15:46
Il s'agit pour le moment des actes circonscrits dans certaines régions. Seulement, ce phénomène risque de se propager.
Les violences dans et à proximité des stades de football au Maroc sont dues essentiellement aux publics juvéniles. Au Maroc, la violence dans les stades n'est pas encore structurée. Il s'agit pour le moment des actes circonscrits dans certaines régions. Seulement, ce phénomène risque de se propager à l'ensemble du pays si des mesures ne sont pas prises rapidement.
Qui sont-ces casseurs ? D'où viennent ? Sont-ils conscients de la gravité de leur acte ? Autant de questions qui se posent avec acuité depuis que ce phénomène est apparu au Maroc il y a quatre ou cinq ans. A chaque rendez-vous footballistique, c'est le même scénario quel que soit le résultat. Des sièges cassés, des bus et des voitures saccagés.
« Des hooligans » ou plutôt des casseurs sont en grande majorité des jeunes parfois même des mineurs sans histoire et inconnus des services de l'ordre. Ils n'ont pas encore intégré, ni rejoint les rôles et les statuts d'adultes empreints de retenue. La plupart d'entres eux ne mesurent pas la gravité de leurs actes. Les jeunes qui vont chaque week-end aux stades n'y vont pas avec la ferme volonté de détruire les biens publics ni de perturber l'ordre, mais pour encourager leur équipe fétiche. Ce n'est qu'une fois au milieu de la foule que ces spectateurs se métamorphosent en voyous. Plus rien ne peut les arrêter y compris les forces de l'ordre.
Selon Abdelkrim Belhaj, psychosociologue, cette violence s'explique par le contexte d'anomie sociale qui favorise la déviance des comportements. Autrement-dit, une absence de règles à tel point que ces individus ne savent plus comment orienter leurs conduites. Ces jeunes sont en grande majorité issus des milieux défavorisés où généralement le niveau d'instruction est faible, a-t-il dit. A ce facteur s'ajoute le changement perpétuel de l'environnement urbain. Toujours selon la même source, les transformations de l'environnement physique sont un signe de la violence de l'espace sur l'individu. Les gens vivent de plus en plus dans des immeubles appelés par les sociologues des villages verticaux alors que le village par essence et horizontal.
En outre, un jeune qui casse des sièges au sein d'un stade exprime son ras-le-bol de sa situation et en même temps extériorise la violence refoulée en lui. Ce n'est pas tout. Belhaj explique que ces jeunes vivent sous l'effet de l'émotion et la moindre décision de l'arbitre, des supporters de l'équipe adverse, ou un résultat négatif ou même positif peut engendrer des réactions brutales et incontrôlables. La complexité du phénomène et l'enchevêtrement de plusieurs facteurs fait qu'il faut adopter une approche multidisciplinaire pour juguler les dérives. Ceci dit, la méthode purement sécuritaire avancée par le bureau fédéral ne pourra, à elle seule, résoudre le problème. Belhaj préconise une approche à la fois psychologique, sociologique, urbaniste… pour essayer de comprendre le phénomène.
Autrement dit, faire intervenir la science pour déceler les causes de cette délinquance avant qu'elle ne se développe et devienne le hooliganisme. Chez nous, on est loin d'avoir compris cela. A chaque fois que des actes de vandalisme sont perpétrés avant ou après un match de football, les autorités arrêtent les casseurs, les présentent à la justice qui les condamne et clôt le dossier.
Cette manière d'agir n'a fait qu'empirer les choses et d'années en années les actes de violence se propagent et personne ne sait où cela va s'arrêter. Personne n'a essayé de comprendre le phénomène pour essayer d'y apporter des réponses adéquates. En parallèle, il faut mettre à niveau les stades de compétition notamment en ce qui concerne I'aménagement de leur accès aux stades, leur équipement en systèmes de télésurveillance ainsi que I'installation des tourniquets pour le contrôle des accès des spectateurs afin de garantir le respect de la capacité réelle des stades.
Ceci dit, beaucoup de travail reste à faire pour ramener l'ordre dans nos stades. Ce n'est pas en tout cas les mesures du bureau fédéral qui y réduiront la violence. -------------------------------------------
Renforcement de l'arsenal juridique
Face à la répétition d'incidents violents dans les stades de football, le bureau fédéral de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) en collaboration avec les départements ministériels de l'Intérieur et de la Jeunesse et des Sports a affiché sa la ferme volonté d'agir vite pour débarrasser les stades des casseurs.
Dans la foulée des incidents ayant émaillé la rencontre KACM-WAC pour le compte de la quatrième journée du championnat national de football, le bureau a annoncé la mise en place d'un plan d'action national pour la lutte contre les actes de violence dans les installations sportives. Ces actions porteront sur le renforcement de l'arsenal juridique spécifique à la lutte contre les actes de violence dans les stades. En parallèle, il a été procédé à la constitution d'une commission permanente en vue de veiller à l'élaboration de la stratégie préconisée et de sa mise en œuvre en identifiant les opérations à réaliser à très court et moyen termes. ------------------------------------------------------
Blâme au praésident du KACM
Le bureau fédéral a infligé au KACM six matchs à huis clos dont quatre sur des terrains situés au-delà d'une distance de 100 km de la ville ocre et les deux derniers à domicile et une amende de 200.000 DH, suite aux incidents ayant émaillé la rencontre KACM-WAC comptant pour la quatrième journée du championnat national de football.
Le bureau fédéral, qui a pris en compte les rapports du commissaire du match et de l'arbitre de la rencontre, a décidé également d'adresser un blâme au président du KACM, et il a suspendu à vie le responsable du club chargé de l'organisation du match KACM-WAC. Cette décision qui peut paraître démesurée a été prise, selon Mohamed Moufid, parce que le nombre de spectateurs admis au stade dépasse de loin sa capacité. Ce n'est pas tout. Le bureau fédéral a également interdit l'accès au stade aux personnes âgées de moins de 16 ans si elles ne sont pas accompagnées d'un tuteur.