Les mille et un chantiers du Royaume

L'école des futures gloires du ballon rond

L'Académie Mohammed VI constitue un pilier fondateur de la nouvelle stratégie de la formation footballistique au Maroc. Les clubs doivent suivre ce modèle qui n'a pas d'égal en Afrique.

13 Avril 2010 À 14:20

Erigé sur 14 hectares, l'Académie Mohammed VI de football est parmi les meilleurs centres de formation au monde, nous a indiqué le directeur technique de l'académie Nasser Larget.

« L'Académie Mohammed VI de football est un centre de football qui a été érigé selon un cahier des charges pour être aligné aux standards internationaux, c'est-à-dire qu'on a souhaité mettre la barre très haute pour avoir un bon centre de formation parmi les trois meilleurs européens. Je pense qu'en Afrique, il n'y a pas d'égal à ce centre», a-t-il indiqué. Il s'agit de la première expérience au Maroc en matière de formation sportive, et actuellement, ce sont 48 jeunes joueurs, repérés à travers tout le Royaume pour leurs qualités sportives, qui sont hébergés, nourris, scolarisés et effectuent des entraînements de haut niveau à raison, pour les 13, 14 et 15 ans, d'une séance par jour, et pour les 15-16 ans, de deux séances quotidiennes. Ces entraînements sont assurés par des cadres de haut niveau, dont Nasser Larguet, qui était directeur de formation de plusieurs centres de formation au sein de clubs professionnels en France, Pascal Théaut, 30 ans d'expérience et ancien directeur du centre de formation de l'ASEC d'Abidjan, Thomas Pavillon, un préparateur physique professionnel, qui a déjà exercé au sein de PSG et Younès Kataya, entraîneur des gardiens de but. La zone couverte, qui s'étale sur 7.320 m2, comprendra trois parties. La première sera affectée à l'administration, la seconde aux activités pédagogiques et sportives et la troisième abritera une école de football, un centre d'accueil des élèves et une mosquée. La composante sportive, qui s'étend sur 1.656 m2, abritera une salle de musculation et quatre vestiaires, un centre médical, un autre réservé à la rééducation et un troisième consacré à la médecine homéopathique. Le pôle administratif, d'une superficie de 782 m2, comprendra des bureaux, une salle de conférences et un espace d'accueil. Quant à la composante pédagogique, prévue sur une superficie de 712 m2, elle comprendra 10 salles de classes, une pour l'apprentissage des langues en plus d'une salle d'informatique et d'une administration pédagogique. L'académie abritera sur 2.156 m2 un centre d'accueil destiné aux élèves sportifs, constitué de 30 chambres doubles, de quatre autres individuelles ainsi que de deux ailes réservées aux dortoirs, en plus d'un espace commun et d'une école de foot qui s'étendra sur 858 m2 et comprendra une administration, huit vestiaires et une buvette. Pour pratiquer le football, l'académie est équipée de 4 terrains réglementaires de normes Fifa, notamment deux avec le gazon synthétique qui viennent d'être homologués, un autre en herbe naturel qui sera opérationnel en septembre prochain, un autre terrain de terre battue et un terrain de sable pour pratiquer le beach-soccer et un autre terrain en synthétique pour la coordination et la motricité, ainsi qu'un espace pour les gardiens de but et un ''parcours de santé'' appelé ''la piste finlandaise'' qui est faite du liège pour ne pas protéger les articulations des enfants qui sont en pleine croissance.

Par ailleurs, une école de loisirs est prévue pour les enfants de 6 à 12 ans. Son objectif, distinct de celui de l'académie, vise essentiellement à offrir un cadre adapté ainsi que des conditions de confort et de sécurité optimales aux parents désirant initier leurs enfants au football. Cette école, qui bénéficiera d'un accès indépendant, comportera 2 terrains de football synthétiques, 8 vestiaires, 1 service d'accueil et 1 cafétéria. L'institution revêt le statut juridique d'une association à but non lucratif s'appuyant sur un groupement.

Soixante enfants stagiaires bénéficieront d'une formation allant de 3 à 5 ans. L'objectif : préparer des joueurs de haut niveau. La première promotion sera prête en 2014.

Conçue à l'image des centres de formation professionnelle européens, l'académie disposera d'une infrastructure pédagogique et sportive destinée à prendre en charge des enfants à partir de l'âge de 13 ans pour les former à travers un cursus de "sport-études". Le système de formation s'effectuera en trois étapes, à savoir la préformation, réservée aux minimes (13-14 ans), la spécialisation pour la catégorie des ''Espoirs'' (14-16 ans) et enfin l'étape des ''Juniors'' (16-18 ans). Pour permettre aux joueurs de rester en contact avec leurs familles, leurs parents pourront les accompagner durant tout un week-end au sein de l'établissement.
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L'association de l'Académie

Mohammed VI évoluera à la Ligue du Gharb la saison prochaine L'Académie Mohammed VI de football a créé une association qui porte le même nom (elle est affiliée à la fédération). Selon M. Larget, cette association a l'autorisation de signer les licences avec les enfants. « Cette année, on n'est engagé dans aucun championnat, mais nous faisons des matchs amicaux avec d'autres clubs. En 6 mois, chaque groupe de travail a déjà 30 matchs à son actif. La saison prochaine, on va s'engager dans le championnat des minimes et des cadets de la Ligue du Gharb. Et si on est autorisé par la fédération, j'aimerais bien qu'on participe au championnat national des cadets.

Entretien avec Nasser Larguet, directeur technique de l'Académie Mohammed VI

« Le joueur marocain n'a pas de notion de technique collective »

Le Matin Sports: Sur quels critères vous vous êtes basés pour sélectionner les enfants qui ont intégré l'académie?


Nous avons fait le choix de sélectionner les jeunes qui ont entre 13 et 16 ans. Ceux qui avaient 16 ans aujourd'hui, ils avaient 15 ans quand on les avait pris. Cela nous permettra de travailler avec eux au minimum pendant 3 ans. Pour le recrutement, j'ai préféré moi-même me déplacer dans des régions. J'ai sillonné tout le Maroc, j'ai été au Sahara, à l'Oriental, au nord et au centre. A chaque fois qu'il y a avait suffisamment de bons joueurs réunis ayant entre 13 et 17 ans, je me déplaçais. Et je faisais l'observation et je désignais les gamins qui m'intéressaient. Ensuite, tous les deux mois, je rassemblais les meilleurs à Rabat, Bouznika et à l'Institut Moulay Rachid quand c'était libre. El là, on faisait des matchs, des entraînements et j'en profite pour leur faire passer des tests athlétiques pour déterminer leur ''vitesse maximale aérobie'', leur récupération, etc. Cela nous a permis de voir à la fois la valeur sportive et athlétique des jeunes. Avant l'ouverture de l'académie, on a réuni tous les meilleurs joueurs et j'avais choisi sur pratiquement 15.000 enfants que j'ai vus au Maroc 80. Ces 80 jeunes nous les avons réunis à Rabat et on a encore refait des tests et on a sélectionné un groupe de 60 enfants. Après des tests médicaux à l'hôpital Cheikh Zayed, (analyse sanguine, examens ophtalmologique et dentaire, les radios des articulations et des poumons, un examen de cardiologie… on a eu enfin un groupe de 37 jeunes. La première entrée qu'on a faite en 2009, c'était avec ces 37 enfants que nous avons ciblés. Et après avoir vu des jeunes lors de matchs avec des associations, on a également choisi certains jeunes qui avaient les mêmes capacités que celles de ceux que nous avons déjà sélectionnés et aujourd'hui, nous avons 48 jeunes pour cette saison.

Est-ce que vous allez prendre en charge d'autres jeunes l'année prochaine ?

Il faut savoir que sur les 48, il y aura une dizaine, peut-être moins, qui va quitter malheureusement le centre. Chaque trimestre, on fait une évaluation des jeunes. Il est certain que pour les deux premières saisons, il va y avoir des échecs sportifs et non pas des échecs de formation humaine. Les enfants savent cela parce qu'on leur dit la vérité. Ils sont préparés au cas où ils seraient appelés à quitter l'académie. Mais ces enfants-là, on ne va pas les lâcher dans la nature.
Un enfant, par exemple qui vient d'une région où il y a un club, on va l'aider pour l'intégrer. Et si son niveau augmente, il aura peut-être la chance de réintégrer le centre à nouveau et on va également transférer son dossier scolaire dans son secteur d'origine près de sa famille. Il n'y a pas de disqualification, il y a, au contraire, une continuation de formation. Nous avons fait le pari d'encadrer les jeunes et même si ''l'exigence est très haute'' et que nous sommes extrêmement durs avec eux, nous restons quand même humanistes.
Donc, parmi les 48 jeunes, il y aura une dizaine qui quitteront malheureusement le centre.
Et aujourd'hui, si on renvoie une dizaine, on aura 38 jeunes. L'année prochaine, on aura au maximum 50 jeunes. Je me suis obligé de n'avoir, l'année prochaine, au maximum, que 12 enfants. Et puis cela nous permettra pour la troisième saison d'avoir 60 enfants. On ne va pas prendre chaque année 48 jeunes. Une fois qu'on aura 60 jeunes, le nombre maximum des jeunes à prendre chaque année sera de 6 à 8 au niveau national.

Comment vous allez faire pour placer ces joueurs dans des clubs une fois que leur formation achevée?

Je pense qu'il doit y avoir une complémentarité entre le centre de formation et les clubs de première et deuxième divisions. Pourquoi on forme ces jeunes? On les forme pour le bien de notre football. Ces jeunes, une fois leur formation terminée, vont intégrer des clubs de grande importance. Vous êtes journaliste sportif, vous suivez le football marocain, je pense que notre football est ''malade''. Et aujourd'hui, nous avons ''le devoir de le guérir''. Les clubs doivent aussi aider à l'épanouissement de notre football. Il faut qu'ils observent bien ces joueurs-là pour les choisir et les faire intégrer... Quand Arsenal a choisi un Badtener ou un Nasri, il faut savoir qu'il les a ''vus et suivis 30 fois, voire plus...''
Notre souhait est de voir les gamins ''alimenter'' le maximum de clubs marocains avant d'aller à l'étranger. On conseille donc les enfants de ne pas partir directement à l'étranger.

Quelles sont les lacunes que vous avez détectées chez les jeunes que vous avez supervisés?

Le joueur marocain a un bon rapport avec le ballon, mais qui n'est pas utilisé dans le jeu. Aujourd'hui, on ''s'extasie'' sur un joueur qui fait de petits ponts, mais ce n'est pas ça le football. Pour moi, le joueur marocain a un bon rapport avec le ballon. Après, c'est terminé. Il n'a pas de notion de technique collective. Il a la technique individuelle, mais pas la technique collective.
Comment passer la balle... On n'a pas cette justesse de passe. Le contrôle se fait souvent à un mètre. On le voit cela dans des matchs de GNFE-I et après, ce n'est pas un ballon utilisable parce que le joueur est tout de suite mis dans une situation de duel.
La deuxième lacune est athlétique. Or, le football d'aujourd'hui demande une capacité athlétique hors normes. Quand je dis athlétique, je ne parle pas des joueurs de 2 mètres. Quand on voit Messi au FC Barcelone, on voit son explosivité et sa vitesse d'exécution. C'est un joueur qui va vite et est capable de centrer ou de marquer. Le joueur marocain n'a pas de l'explosivité.
Et s'il n'a pas cette explosivité, c'est parce qu'il n'a pas suffisamment travaillé ce point.
Les tests de vitesse qu'on a faits sont comparables avec ceux européens et cela veut dire que le gamin marocain a des prédispositions à courir vite comme en Europe. Mais comme il n'a pas travaillé ce point, il ne devient pas explosif par la suite.

Est-ce un constat que vous faites ou un procès aux centres de formation des clubs?

Je ne fais de procès à personne. Je fais un constat. Pourquoi on perd lors des Coupes africaines? Récemment, l'AS FAR, le Raja et le DHJ ont perdu lors de compétitions africaines; pourtant, ce sont de bons clubs avec de bons joueurs. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence. La philosophie de la formation est-elle integrée dans les clubs? Quand vous remarquez que des directeurs de clubs qui se font limogés après six mois parce que les minimes ont perdu, on comprend vite la situation actuelle du football marocain. La formation demande une stabilité. Je pense qu'il y a de bons éducateurs et de bons gamins. Certes, il y a un manque d'infrastructures, mais surtout qu'on manque cruellement de philosophie de formation parce que la formation nécessite la patience, un programme et une continuité avec des gens de terrain.
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