Soumiya Labani s'impose

Mohamed Asri, un gladiateur sur le tatami

Le quintuple champion du Maroc et ex-champion d'Afrique et de France a préféré défendre les couleurs du Maroc. À la veille des JO de Londres 2012, Asri est hanté par cette compétition qui représente la meilleure opportunité pour prouver qu'il n'est pas un champion de circonstance.

24 Mai 2011 À 14:47

Quant il vous parle, c'est avec beaucoup d'énergie et surtout avec beaucoup de sincérité. Il vous raconte comment sa vie est arpentée de sentier, parsemée d'embuches et d'ingratitude humaine. Et quand Mohamed (comme il désire être appelé) vous parle de son pays d'origine, le Maroc, il le fait avec beaucoup d'admiration et de fierté, au point de qu'il se retrouve au bord de larmes. Et pourtant, il est natif de France, à Auxerre plus exactement. Son attachement à son pays n'a d'équivalent que son amour pour le judo.
Asri est une icône du judo français. Il a été champion de l'hexagone en 2003-2004 dans la catégorie des 95 kg. Malgré les yeux doux qui le harcelaient, il n'avait qu'une seule envie : défendre les couleurs du pays de ses ancêtres. C'est ainsi qu'en 2004, il participa au championnat du Maroc et gagna le titre pour ne plus le concéder. La catégorie des 95 kg est depuis lors sa chasse gardée, c'est-à-dire depuis bientôt 5 ans. Il n'est pas prêt de céder le témoin, bien au contraire, au gré du temps, il retrouve un appétit de loup. Bénédiction du ciel, le sélectionneur national a trouvé l'oiseau rare, qui est venu de son propre gré. Asri a offert au Maroc le titre de champion d'Afrique en 2007, à l'île Maurice. Dans la foulée, il a été sacré dans de nombreuses manifestations régionales et continentales. On retiendra surtout sa 7e place aux JO de Pékin 2008. Mais une vilaine blessure allait stopper son élan en 2009. Momentanément, fort heureusement. Il participa quand même aux Jeux Méditerranéens de Pescara (Italie) et arracha une médaille d'or aux Jeux de la francophonie de Beyrouth 2010 au Liban.

Il misait sur le championnat d'Afrique au Sénégal pour rattraper le temps perdu. Malheureusement pour lui, il sera victime de l'arbitrage. Il est sorti en demi-finale, injustement, face à l'Algérien Amar Benikhlef, qui n'est autre que le vice-champion olympique ! Asri a pourtant mis la note maximale avec un ippon, mais il n'a pas été comptabilisé. Bien au contraire, il s'est vu infliger une pénalité fantaisiste qui lui a coûté une place en finale et l'a probablement privé d'une médaille d'or. Aussi, allait-il se déchaîner pour la 3e place sur l'autre médaillé olympique, l'Égyptien Hicham Mesbah, qu'il bat par ippon.

À la veille des JO de Londres 2012, Asri est hanté par cette compétition qui représente la meilleure opportunité pour prouver qu'il n'est pas un champion de circonstance, mais bel et bien un grand champion. Sa rage de vaincre ne sera certainement assouvie qu'avec du métal à Londres. Il oubliera cette injustice ressentie aujourd'hui en figurant dans la liste B des sportifs de haut niveau qui sont en concentration au centre des FAR. Il n'a pas compris ce classement et l'impute à sa résidence loin du centre, à Auxerre. Sa force de caractère et son attachement à son pays et cet esprit revanchard et sa lutte contre les injustices qui ont caractérisé son parcours, tout cela fait de lui aujourd'hui une bombe qui n'attend qu'à être actionnée pour exploser au visage de tous ses «adversaires». Toutes ses victoires ne sont pas pour lui, mais il les dédie à son pays et pour la mémoire de son père, décédé en 1999.

Ce leitmotiv, il compte le maintenir à posteriori, après sa retraite un jour, par l'entremise de son petit frère, également champion du Maroc ! Lui, il se recyclera dans la formation, un métier qu'il a anticipé en obtenant le diplôme d'État d'éducateur sportif (1er et 2e degré). Mohamed Asri est tout simplement le profil du judoka moderne qui allie expérience sur le terrain et savoir académique.
Copyright Groupe le Matin © 2025