11 Novembre 2013 À 15:09
L’équipe nationale féminine a quitté, la tête basse, les éliminatoires du Championnat d’Afrique des Nations des U20, après deux sévères défaites face à la Tunisie 4-0 au match aller à Rabat et 4-1 au retour. Une correction qui montre que les Lionnes ne rugissent plus comme en 1998 et 2000 où le Maroc s’était qualifié aux phases finales respectivement au Nigéria et en Afrique du Sud. Les lionnes avaient même remporté la Coupe arabe en Égypte en 2000. De la gloire à la décadence, c’est le cas de le dire. Depuis la mise en place de ce championnat féminin, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer le système actuel qui ne permet pas de récolter les résultats escomptés. En effet, l’absence d’une formation des jeunes et d’un championnat des minimes, cadets et juniors, est en partie la principale cause de cette décadence. «Il est impossible d’avoir des joueuses compétitives ou une équipe nationale performante avec le système actuel, explique Salah Ouldarbia, président du club Nasim Sidi Moumen et ex-membre du comité du WAC, président de la commission du football féminin et ancien membre fédéral. Nous n’avons aucun championnat des jeunes et quand les joueuses arrivent dans un club, elles sont séniores et n’ont suivi aucune formation. Plus grave, il n’y a pratiquement pas de formateurs dans les clubs.»
Chez nos voisins algériens et tunisiens, il y a longtemps que les championnats des jeunes sont mis en place et les résultats sont là. «Il y a un manque d’intérêt flagrant de la part des dirigeants, comme si nous étions des pestiférées alors que nous voulons juste jouer au football qui est notre passion», regrette Ghizlaine Chabbak, qui évolue avec l’AS FAR et dont le père, Larbi Chebbak, était un grand joueur de Sidi Kacem (USK). «Il n’y a pas de compétitions, par exemple pour les U17 ou les U20, comme cela se fait dans tous les pays où le football féminin est très développé», déclare Ghizlaine Chebbak. On ne peut pas avoir une équipe nationale à la hauteur tant que cette situation perdure». Dans le système actuel, il y a un championnat national avec une division de 20 clubs, 10 au groupe Nord et 10 au Sud. Du coup, les déplacements sont plus longs et donc plus coûteux alors que la majorité des clubs ne touchent pas plus de 120 000 DH par an comme subvention de la FRMF. «C’est insuffisant, clame Salah Ouldarbia. En 3 ou 4 déplacements, principalement dans les provinces du Sud, un club de Casablanca va épuiser cette subvention. Et il ne faut pas oublier que bon nombre de parents sont réticents à laisser partir leurs filles pour 2 ou 3 jours sans qu’ils aient des assurances sur leur sécurité. Ces longs déplacements auraient pu être évités si les responsables au niveau de la commission du football féminin de la FRMF ont la sagesse de créer un championnat par ligue et même faire de la prospection pour l’équipe nationale au sein de ces ligues», précise le président de Nassim Sidi Moumen. Pour remédier à cette situation, ce dernier propose de remplacer le système actuel de 2 groupes par un championnat à 3 groupes Nord, Centre et Sud. Avec cette formule de 3 groupes, les joueuses auront à parcourir des distances plus raisonnables et les frais de déplacement seront réduits, les équipes enregistreront moins de forfaits et les responsables pourraient s’occuper des jeunes.
C’est donc un championnat, d’un niveau très faible qui est dominé par l’AS FAR qui a recruté les meilleures joueuses du Royaume et qui offre à son équipe toutes les conditions pour jouer au football et survoler la compétition. «Les autres clubs n’ont pas les moyens de s’assurer les services des grandes joueuses. Moi-même, j’ai dû libérer plusieurs joueuses à l’AS FAR, au Raja de Casablanca, à Fkih Ben Salah, explique Ouldarbia. Quant à la 2e division, elle comporte 3 groupes de 8 équipes réparties entre les groupes Nord, Centre et Sud en plus d’un championnat régional et de ligue. Jean Pierre Morlans, l’ancien DTN avait entamé une période de formation de cadres, mais au final, ces derniers n’ont pas trouvé de clubs à la hauteur de leurs ambitions ou ont bifurqué vers le football masculin. C’est la raison pour laquelle, le niveau des joueuses est très faible et l’on ne voit pas ce qu’elles peuvent d’autre que de jouer pour le plaisir sans pouvoir corriger leurs erreurs. Alors qu’en Tunisie par exemple, il y a eu création d’une ligue du football féminin et l’on comprend mieux les raisons de telles défaites dans les compétitions internationales. Si le tir n’est pas rectifié, on risque d’avoir les mêmes résultats pour les prochaines échéances internationales.
Le Matin Sports : Quelle est la situation actuelle du football féminin ?Salah Ouldarbia : C’est une situation critique, la preuve, l’équipe nationale des U20 a été battue par la Tunisie aussi bien lors du match aller 4-0 qu’au retour 4-1. Nous sommes donc éliminés du mondial. On s’attendait un peu à tout cela, car les responsables de la commission du football féminin n’ont pas pris en compte les mises en garde que j’ai personnellement formulées à la fédération lorsque je faisais partie de cette commission.
Quelles sont ces mises en garde ?Il faut tout d’abord mettre en place un championnat des jeunes pour que les filles puissent avoir une certaine formation de base avant d’atteindre l’équipe séniore comme cela se fait chez nos voisins qui ont même créé une ligue du football féminin. Aujourd’hui, nos joueuses font leur apprentissage directement dans la catégorie séniors et n’acquièrent pas toutes les techniques nécessaires pour la pratique du football. Je continue à lancer un appel à tous ceux qui sont concernés par ce football pour qu’ils réfléchissent afin de trouver des solutions pour sortir le football féminin de sa crise.
Le football féminin est également peu médiatisé. Qu’en pensez-vous ?C’est vrai qu’il est peu médiatisé pour la simple raison qu’il n’est pas attrayant. Le manque d’infrastructure et le peu d’intérêts du public n’attirent pas les médias sans oublier les résultats de notre équipe nationale. Avec le système actuel du championnat à 2 poules, les joueuses supportent difficilement les longs déplacements qui perturbent leur scolarité. Malgré tous les sacrifices des joueuses et des dirigeants, notre championnat n’a pas encore pris la place que nous souhaitons tous.
Le Matin Sports : Que faut-il au football féminin pour qu’il retrouve son lustre d’antan ?Ghizlaine Chabbak : Un peu plus d’intérêt de la part des dirigeants, de la fédération, et des médias. Malheureusement, toutes les équipes sont confrontées à l’anonymat. Nous jouons sans public et ce peu d’intérêt n’est pas pour favoriser le développement du football féminin.
Vous-mêmes, comment ressentez-vous cette situation ?Je pense que c’est un sentiment général. Moi, j’ai la chance de jouer dans un grand club comme l’AS FAR qui survole toutes les compétitions nationales. Il faut dire que toutes les joueuses sont bien entourées, nous bénéficions des installations du centre sportif et notre formation se déroule dans les meilleures conditions. Malheureusement, ce n’est pas le cas de bon nombre de clubs.
Quelles sont, à votre avis les solutions qu’il faut pour sortir ce football féminin de cette crise ?Je crois qu’il faut accorder plus d’importance aux catégories des jeunes et à la formation. On a commencé à jouer dans le quartier, mais on n’a pas eu une formation adéquate. Ce n’est qu’une fois en équipe séniore qu’on tente de corriger nos lacunes. Mais encore une fois, je dis qu’il faut accorder plus d’importance à notre football, car les potentialités ne manquent pas.