Small is beautiful

Le pire dans le pire des mondes

Mohamed Nedali, dans son dernier roman, «Triste jeunesse»

02 Mars 2012 À 16:21

Mohamed Nedali, dans son dernier roman, «Triste jeunesse», comme dans les quatre qui l’ont précédé, s’inscrit dans la tradition du roman réaliste. Il décrit la vie des gens simples de son pays et de sa région, à la façon d’un conteur. «Triste jeunesse», parle de la détresse de la jeunesse marocaine, surtout de ces étudiants, issus de milieux pauvres qui, même avec leur diplôme en poche, peinent à trouver un emploi. Le fil conducteur du récit est la relation entre Saïd, le héros-narrateur, et Houda. Ils se sont connus à la faculté, se sont aimés et se sont juré fidélité. Houda rêve de devenir professeur de sciences naturelles. Elle et son amoureux passent plusieurs concours, mais à chaque fois, des milliers de candidats, très peu de places à pourvoir, trop de corruption et de népotisme ont raison de leur volonté. Ils finissent par travailler, avec leur camarade Younès, dans un riad aménagé en maison d’hôte. C’est là que commencent les vrais problèmes pour notre héros. Houda, séduite par le propriétaire du riad, oublie ses promesses et prend de plus en plus ses distances avec Saïd. Younès connaît aussi beaucoup de déboires. Décidément, le destin s’acharne sur les deux copains. Une chose est au moins sûre dans ce roman : les garçons sont des anti-héros, peu intelligents, souvent misogynes, désabusés et sans imagination. Les filles sont en revanche ambitieuses et plus débrouillardes. Mais ce qui déçoit un peu dans le récit, c’est qu’il verse souvent dans la caricature et le cliché pour décrire la réalité complexe de la société marocaine, à tel point qu’il nous semble qu’on quitte le terrain du réalisme, dont se réclame cependant l’auteur, pour se retrouver dans l’univers fataliste d’un conte voltairien. À force de dépeindre les riches et les dépositaires du pouvoir en corrompus et en crapules, les pauvres en victimes éternelles, l’auteur finit par nous présenter une version manichéenne du monde. Pourtant, on aime bien ces personnages, on voudrait seulement qu’ils soient plus nuancés et plus riches, avec une vraie dimension tragique. À part ces réserves et quelques imprécisions dans le texte, le roman reste intéressant, comme les précédents d’ailleurs.


 

>>Biographie

Mohamed Nedali est né en 1962 à Tahennaoute, dans la région de Marrakech, dans une famille de paysans modestes. Après le lycée dans la ville ocre, il entre au CPR et en sort major de la promotion. Après les études supérieures en littérature à Nancy, il est nommé professeur de lycée, en 1985, et enseigne le français dans sa ville natale, Tahennaoute. Son premier roman, publié en 2003, révèle chez lui un talent prometteur. Il est récompensé en 2005 par le prix grand Atlas. Le second roman, «Grâce à Jean de La Fontaine» (2004), est en grande partie autobiographique, comme le premier. Ensuite suivront trois autres romans, toujours racontant le vécu de gens simples, leur misère, leur grandeur d’âme et, parfois, leur petitesse. «En fait, moi, je m’inscris dans une tradition d’écriture naturaliste, réaliste du roman. Je ne cherche pas mes sujets dans les nuages. J’écoute les gens qui m’entourent et j’écris.»

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