Nadia Ouiddar
20 Février 2024
À 16:59
Le Matin : Pourriez-vous nous présenter le Centre de promotion de la darija ?
Noureddine Ayouch : Le Centre de promotion de la darija a été créé il y a une dizaine d’années. Il a publié un dictionnaire en darija qui explique les racines des mots et comporte des contes. Le centre a aussi publié une grammaire en darija pour montrer que c’est une langue écrite et non seulement parlée. Il a, par ailleurs, sorti des livres, un glossaire pour expliquer l’étymologie des mots et verbes en darija. Notre centre a organisé des colloques, dont un maghrébin, où les experts des autres pays ont touché l’avancement du Maroc par rapport à eux.
Vous célébrez ce 21 février la Journée internationale de la langue maternelle. Que présenterez-vous lors de cet événement ?Le 21 février est la Journée mondiale décidée par l’Unesco pour préserver et promouvoir les langues maternelles à l’échelle mondiale. Le Centre de promotion de la darija en profite pour célébrer la darija et organiser la première édition de «Darija Day». On a choisi cette appellation parce que les jeunes marocains parlent aujourd’hui plus darija et anglais et aussi pour que ce soit universel. Nous espérons célébrer cette journée tous les ans. Au programme cette année, il y a un débat sur la darija : identité et avenir, de la musique (melhoun, zajal...), ainsi que le partage de 3 histoires de personnes qui utilisent la darija. On présentera une expérience d’enseigner à travers la darija à Essaouira, la réalisation d’un livre en darija et l’expérience d’enseignement de la darija aux enfants aux États-Unis. On parlera aussi de la darija et la communication. Actuellement, les affichages montrent partout des mots écrits en cette langue maternelle. Les moyens de communication passent à 90% en darija. Même la télévision utilise cette langue pour faire passer les messages importants, comme lors de la période de la pandémie de Covid-19. 2M présentera un montage de petites scènes de théâtre, de la musique, des scènes de séries autour de la darija. Aujourd’hui, 98% des Marocains comprennent la darija. En célébrant cette langue maternelle, on n’exclut pas tachelhit, tamazight et tarifit.
Vous encouragez l’enseignement de la darija au Maroc, mais cette initiative n’est pas vue d’un bon œil par tous les Marocains ?
C’est un problème idéologique. L’enseignement de la darija doit se faire en préscolaire. Les personnes qui comprennent à travers la darija réussissent mieux. L’enseignement de cette langue maternelle n’est pas contre l’arabe classique. Au contraire, nous sommes dans la symbiose. Le conflit entre l’apprentissage de la darija ou de l’arabe classique qui est la langue du Coran est un faux procès. Il faut savoir que tous les enseignants enseignent déjà en darija, notamment en primaire. Nous devons être fiers de notre langue maternelle, car elle représente notre identité. On doit apprendre notre patrimoine en darija dans les universités. C’est un enrichissement.
Est-ce que le Centre de la promotion de la darija permet de préserver cette langue, surtout avec tous les nouveaux mots inventés par la jeune génération ?
Certainement, il y a une normalisation, mais il ne faut pas brimer la créativité. La darija est un arabe simple. Elle est ouverte vers les autres langues.