Culture

M’Hammed Kilito n’en finit pas d’alerter sur la disparition des oasis

Sous les lumières tamisées de la Wellcome Collection à Londres, l’exposition «Thirst: In Search of Freshwater» explore le lien de l’humanité avec l’eau douce, source essentielle de vie et pilier d’une bonne santé. Le photographe marocain M’Hammed Kilito y présente sa photographie «A Sacred Moment at a Dried-Up Oasis».

31 Juillet 2025 À 16:30

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La scène a toute sa place dans la sélection curatée par Janice Li et accompagnée par un livre qui compte des auteurs stars tels que Robert Macfarlane, Lucy Jones ou encore Elif Shafak. Prise sur le vif, durant un voyage à Merzouga, la photo n’est pas mise en scène.

Elle montre un homme – qui n’est autre que le guide Mustapha – penché sur un puits asséché, accomplissant un geste qui s’apparente à une prière, une supplique. Portant bien son titre, «A Sacred Moment at a Dried-up Oasis», cette photographie est l’une des images phares d’un projet plus vaste et documenté sur la disparition des oasis au Maroc : «Before It’s Gone».

Dans un article paru cette semaine dans le «Guardian», Kilito partage sa démarche et souligne une urgence qui semble échapper à tous : Dans un monde obnubilé par les frontières, la migration climatique est déjà en marche et elle n’est pas près de s’arrêter. Son œuvre «A sacred moment at a dried-up oasis» y résonne comme un témoignage local et un avertissement universel.

De toute urgence

Pour Kilito, la détresse des écosystèmes oasiens sous l’effet du réchauffement climatique, de la surexploitation des nappes phréatiques et des mutations économiques, augure de la fin proche de tout un univers. C’est en 2018 que l’artiste a entamé un voyage photographique des oasis du Maroc, de Skoura à Merzouga, pour documenter ce qui risque de disparaître.

«Before It’s Gone» reste donc telle une archive visuelle de lieux en sursis. Dans ses clichés, la détresse de la nature occupe une place importante, mais aussi celle des humains qui font face à l’inconnu, l’inquiétude au ventre et l’espoir s’évanouissant sur leurs visages. On y trouve des portraits d’apicultrices, de cultivateurs, et de jeunes tiraillés entre l’attachement à leur territoire et la fatalité de la perte.

De Merzouga à Londres

Reconnue internationalement pour ses expositions innovantes, à la croisée de l’art, la science et l’histoire, avec une approche originale et souvent engagée, la «Wellcome Collection» est une institution prestigieuse de Londres. Mais Kilito la vaut bien. Avant cela, le projet «Before It’s Gone» a été sélectionné comme finaliste au prestigieux Leica Oskar Barnack Award en 2023, ainsi que son exposition individuelle à la Galerija Fotografija de Ljubljana la même année. L’artiste a également intégré le programme de mentorat «VII Mentorship», soulignant la reconnaissance de son travail dans le milieu photographique professionnel.

Au-delà des expositions, «Before It’s Gone» continue à exister au sein même des oasis. M’Hammed Kilito y a lancé une série d’ateliers et de projections destinés aux jeunes de la région, afin de les former à la photographie et les encourager à continuer à alerter sur la détresse et les besoins de leur propre territoire : une démarche artistique citoyenne à défaut d’une mobilisation politique salutaire.
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