Culture

Fondation Montresso : une saison culturelle placée sous le signe du voyage et du vide

Pour sa saison culturelle 2025-2026, la Fondation Montresso à Marrakech explore les territoires de l’âme et de la mémoire à travers une programmation audacieuse. Entre introspection et poésie visuelle, les expositions «Pack What You Need» et «Minaye Khaali – Le vide émaillé» invitent à réfléchir sur l’exil, le lien au monde et la puissance des traces laissées par nos existences. Une saison où le voyage, le vide et la transmission deviennent autant de moyens d’interroger notre rapport au passé et au présent.

Santiago Talavera

05 Octobre 2025 À 16:32

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La Fondation Montresso à Marrakech lance sa saison culturelle 2025-2026, marquée par une double invitation à la réflexion sur la mémoire, l’absence et la transmission. Fidèle à sa mission de soutien à la création contemporaine et à la diversité des pratiques artistiques, la Fondation inaugure une programmation où se rencontrent introspection, engagement et poésie visuelle.

«Pack What You Need» ou l’art de voyager avec l’essentiel

L’exposition «Pack What You Need» de Milan Sanka a ouvert la saison en posant une question simple et vertigineuse : qu’emportons-nous dans nos bagages quand le départ nous précède ?
Artiste en résidence à Jardin Rouge depuis 2022, Milan Sanka compose un univers où s’entrelacent héritages familiaux, exil et quête identitaire. Ses œuvres, nourries d’histoires personnelles et de fragments de mémoire, tissent une narration en miroir entre les deux versants de sa lignée : des ancêtres espagnols marqués par la Retirada et une filiation créole issue de la Martinique.

Sur de grands aplats de couleur, ses compositions épurées traduisent les strates culturelles de l’individu. Son trait, à la fois spontané et maîtrisé, conserve la vivacité du dessin à main levée tout en explorant la symbolique des couleurs et des formes. Les cartes, dominos géants et masques qu’il met en scène deviennent autant d’artefacts poétiques, réactivant les souvenirs d’enfance et les récits familiaux. Dans cette traversée visuelle, le jeu devient langage de mémoire et de transmission. L’exposition, présentée en trois temps, mêle arts visuels, conversation et performance, en partenariat avec l’artiste Sanaa Abouayoub et le collectif Dartdachabab.

Le public a été convié à une visite guidée, suivie d’une conversation croisée sur l’exil et la mémoire, avant une performance participative invitant chacun à explorer ses propres territoires intérieurs à travers le dessin et l’écriture. L’exposition se poursuit jusqu’au 29 novembre.

«Minaye Khaali – Le vide émaillé» : un dialogue entre matière et absence

À partir du 18 octobre 2025, la Galerie des Résidents accueille «Minaye Khaali – Le vide émaillé», une exposition qui réunit l’artiste iranienne Golnaz Payani et l’Espagnol Santiago Talavera. Les deux créateurs explorent, chacun à leur manière, les notions d’absence, de trace et de résonance.

Pour Golnaz Payani, le textile devient langage et mémoire. En détissant la matière, elle en révèle la fragilité, questionnant ce qui se cache sous les apparences. Ses œuvres, nourries par les savoir-faire du tissage marocain, portent la voix silencieuse des femmes. Le vêtement devient métaphore du corps social : un objet qui dit l’appartenance, la transmission, mais aussi la vulnérabilité.

«À quel moment le vêtement sublime-t-il le corps et à quel moment le remplace-t-il ?», interroge l’artiste, dont le geste de défaire et de recomposer traduit la tension entre disparition et persistance.

Face à elle, Santiago Talavera déploie des paysages mentaux et post-catastrophiques où la présence humaine s’est effacée. Ses dessins et collages, précis jusqu’à l’énigme, évoquent des mondes en reconstruction. Dans une approche mêlant héritage classique et réflexion écologique, il questionne notre rapport à la nature et aux ruines de la modernité.

«Le dessin est un processus d’avancement par correction d’erreurs», explique-t-il, revendiquant la lenteur et la révision comme formes de résistance à l’immédiateté. Entre textile et dessin, «Minaye Khaali» fait du vide un espace de pensée et de création. Le dialogue entre les deux artistes se transforme en miroir du monde, où le visible et l’invisible, le corps et la mémoire, s’unissent dans une même poésie silencieuse.

L’exposition sera inaugurée lors d’un opening en partenariat avec la Fondation Gautier Capuçon, accompagné d’un concerto des lauréats Luka Ispir (violon) et Léo Ispir (violoncelle), ajoutant une dimension musicale à cette méditation sur l’absence.

«Pack What You Need» et «Minaye Khaali» partagent un même souffle : celui d’artistes qui interrogent leurs racines, traversent le vide et réinventent le lien au monde. Entre voyage intérieur et réflexion collective, la saison 2025-2026 de la Fondation s’annonce comme un manifeste pour un art vivant, inclusif et profondément humain.
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