Culture

«Maroc pluriel, si singulier» : un plaidoyer vibrant pour une nation unie dans sa diversité

Clôture inspirante pour le Cycle «Book Club Le Matin» au SIEL (Salon international de l’édition et du livre), avec Ahmed Ghayet et son ode au vivre-ensemble marocain.

01 Mai 2025 À 12:50

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C’est au cœur du site archéologique de Chellah qu’a pris fin, samedi 26 avril, le cycle de rencontres du «Book Club Le Matin», en apothéose. Pour cette ultime escale, la scène a été confiée à Ahmed Ghayet, militant associatif de longue date et auteur du livre «Maroc pluriel, si singulier». Un titre fort, à l’image du message porté par son ouvrage, qui embrasse avec lucidité ce que le Maroc a de plus précieux : sa diversité.

Dès les premiers instants, le ton était donné. «Un Maroc pluriel, c’est singulier», confie Ghayet, saluant un pays à la fois multiple et profondément uni. L’ouvrage, composé de 23 témoignages, rassemble les voix de personnalités de tous horizons – religieux, artistes, poètes, militants, diplomates – unies par une conviction commune : la richesse du Maroc réside dans sa pluralité assumée et vécue.

Ahmed ne se réclame ni journaliste, ni écrivain, mais plutôt témoin. «Ce que j’écris est réel. C’est ma vie, c’est notre quotidien.» Son engagement remonte à sa jeunesse, à Barbès, lorsqu’un fait divers tragique l’a définitivement ancré du côté des causes à défendre. Depuis, il n’a cessé d’agir, notamment au travers de l’association «Marocains Pluriels», fondée en 2009, à une époque où le mot «pluriel» semblait encore difficile à faire entendre.



Autour de lui, des voix précieuses ont enrichi la soirée. Katia Bitton, co-fondatrice de l’association Salam Lekoulam, ayant contribué à la réalisation de ce livre, évoque avec émotion son enfance à Casablanca, ponctuée de fêtes juives et musulmanes partagées. «Nous étions les gardiens de nos traditions, les uns des autres». Une transmission qu’elle poursuit, aujourd’hui, à travers ses enfants, scolarisés dans une école casablancaise où hébreu et arabe se côtoient au quotidien.



Le poète Kaïsse Ben Yahia, quant à lui, a préféré inventer une fiction incarnant ses valeurs : l’histoire d’un jeune musulman et d’une jeune juive qui, en partageant un moment sur la plage d’Essaouira, découvrent que leurs souvenirs d’enfance sont identiques. «Les enfants portent nos valeurs de manière pure. Ils sont la clef de demain», dit-il.

Des anecdotes puissantes au service du vivre-ensemble

L’intervention d’Ahmed Ghayet a été émaillée d’anecdotes symboliques : comme cette visite, émouvante, à l’église des Sœurs Franciscaines d’Anfa à Casablanca, menée par de jeunes Marocains musulmans et juifs, venus déposer des fleurs à la mémoire du pape. Ou encore ce «Tour Pluriel» organisé à Paris, dans la banlieue de Garges-lès-Gonesse, loin des projecteurs médiatiques. Et c’est bien là un des points de tension soulevés par l’auteur : l’indifférence médiatique face à ce Maroc de la fraternité, de l’action silencieuse et de l’humanité partagée. «On parle toujours du train qui déraille, jamais de celui qui arrive à l’heure.» Pour Ghayet, les jeunes, livrés à eux-mêmes dans les quartiers populaires, méritent mieux que l’abandon numérique : «La prévention passe par la transmission. Il faut leur donner des images positives, leur raconter ce qui va bien», lance l’invité.

Le livre «Maroc pluriel, si singulier», publié aux éditions Le Fennec, s’inscrit dans une démarche résolument humaniste. Dans un monde secoué par les replis identitaires, le Maroc apparaît, sous la plume de Ghayet et de ses contributeurs, comme un îlot de coexistence, un modèle fragile, mais réel. «Nous sommes le seul pays arabo-musulman à inscrire sa diversité dans le préambule de sa Constitution», rappelle-t-il fièrement. L’ouvrage est aussi un appel à la mobilisation. Plusieurs voix dans l’assistance ont exprimé le souhait de contribuer à un éventuel tome 2. Ghayet ne ferme pas la porte. «Il faudra en trouver 23 autres. Mais si vous êtes prêts, je le suis aussi».

En clôturant son intervention, Ahmed Ghayet résume l’essence du livre en une phrase lumineuse : «Dans un monde de violence, nous sommes un îlot de fraternité. Préservons-le».
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