Il y a des soirées où la littérature reprend pleinement ses droits. Celle tenue à Chellah, à l’invitation du «Book Club Le Matin», en fut une. Entouré de lecteurs attentifs et de passionnés de lettres, Tahar Ben Jelloun, invité d’honneur, est venu présenter le second volet de son ouvrage «Les Amants de Casablanca», son roman intitulé «Ils se sont tant aimés». Une conversation empreinte d’émotion, de lucidité et d’espoir conduite par la journaliste Meryem Ezzakhraji.
Les réseaux sociaux leur déforment l’esprit». Une mise en garde adressée à une jeunesse désorientée, mais aussi un appel à retrouver l’essence de ce qui nous unit. Ben Jelloun dénonce également un recul inquiétant de l’esprit critique et de l’empathie. Mais tout en gardant sa positive attitude, l’écrivain dit croire en la force de la bonté, du lien humain, et en la capacité de la littérature à faire œuvre de résistance. Il voit dans le couple de son roman une métaphore : celle d’un monde blessé qui pourrait encore se rassembler autour de valeurs communes. «La littérature, peu importe la langue dans laquelle elle est écrite, reste un espace de consolation et d’espérance», affirme-t-il avec conviction.
L’écrivain a aussi partagé une vision sans fard de la géopolitique. Le Maroc, selon lui, est un pays envié, car il fonctionne, contrairement à nombre de ses voisins. Il met en garde contre les forces hostiles, contre la jalousie et la volonté de nuire. «Il faut rester vigilants, unis, et conscients que notre bonheur n’est jamais garanti», lance l'homme des lettres. Il salue toutefois la solidarité exceptionnelle du peuple marocain, qu’il a pu observer lors du séisme d'Al Haouz, mais aussi lors de la ferveur populaire suscitée par la qualification des Lions de l’Atlas pour la demi-finale de la Coupe du Monde 2022.
Invité, enfin, à résumer son roman en une phrase, l’auteur répond simplement : «L’amour est plus fort que la maladie». Une réponse à la hauteur de l’œuvre : sensible, lumineuse et profondément humaine.
L’amour au fil du temps
Dans «Ils se sont tant aimés», Tahar Ben Jelloun poursuit l’exploration des destins croisés de Lamia et Nabil, personnages principaux du roman «Les Amants de Casablanca». Il y interroge les secondes chances, la manière dont les blessures du passé peuvent devenir les fondations d’un lien renouvelé. Après une séparation marquée par la trahison et les non-dits, les deux protagonistes se retrouvent, mûris par les années et confrontés à la fragilité de la vie. La mort du mari de Lamia, suivie par la maladie de cette dernière, devient un point de bascule. Nabil revient alors dans sa vie, non pas pour reconquérir, mais pour accompagner. «Il voulait être là, à ses côtés, sans chercher à redevenir son époux», explique Ben Jelloun, faisant de ce retour un acte d’amour désintéressé et profondément humain. Le roman célèbre cette tendresse mature, nourrie par les souvenirs, le pardon et l’épreuve partagée. Loin des clichés romantiques, il offre une réflexion sensible sur les relations durables, sur ce que signifie vieillir ensemble, et sur cette vérité simple qu’il résume en une phrase : «Le premier amour est toujours le dernier».Un plaidoyer pour la tendresse et la solidarité
Au-delà de la trame amoureuse, l'œuvre est traversée par une profonde réflexion sur le monde contemporain. À travers les voix de ses personnages, Tahar Ben Jelloun interpelle le lecteur sur l’état de nos sociétés, gagnées par l’indifférence, le cynisme et la violence symbolique des réseaux sociaux. Il oppose à cette brutalité ambiante des valeurs simples, mais puissantes : l’amour de l’autre, la tendresse, la fidélité, l’amitié, la solidarité. Face à l'assistance, l’auteur a rappelé combien ces sentiments, souvent relégués au second plan dans nos vies modernes, sont en réalité essentiels à la reconstruction collective. Il cite une phrase de son roman qui en dit long sur sa vision du monde : «N’oublie pas notre décision : nous vieillirons ensemble. Nos enfants ont encore besoin de nous. Ils se croient forts, mais au fond ils sont naïfs.Les réseaux sociaux leur déforment l’esprit». Une mise en garde adressée à une jeunesse désorientée, mais aussi un appel à retrouver l’essence de ce qui nous unit. Ben Jelloun dénonce également un recul inquiétant de l’esprit critique et de l’empathie. Mais tout en gardant sa positive attitude, l’écrivain dit croire en la force de la bonté, du lien humain, et en la capacité de la littérature à faire œuvre de résistance. Il voit dans le couple de son roman une métaphore : celle d’un monde blessé qui pourrait encore se rassembler autour de valeurs communes. «La littérature, peu importe la langue dans laquelle elle est écrite, reste un espace de consolation et d’espérance», affirme-t-il avec conviction.
Un islam réconcilié avec la modernité
Interpellé sur la spiritualité dans son œuvre, l’écrivain a livré une réflexion nuancée sur l’islam. Défenseur d’un islam éclairé et humaniste, il plaide pour une relecture intelligente des textes, à l’opposé des approches littérales adoptées par certains courants religieux. «Ce qui était valable au VIIe siècle ne l’est plus nécessairement aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les droits des femmes», insiste-t-il. L'invité se dit d'ailleurs «déterminé à lutter contre ceux qui ont dénaturé cette religion pour en faire un instrument de haine». Il revendique un islam de justice, de solidarité et de bonté, à l’image du Prophète Mohammed (Paix et bénédictions soient sur Lui).Casablanca, ville de contrastes
Ville centrale dans les deux romans, Casablanca occupe une place ambivalente dans l’imaginaire de l’auteur. À la fois admirée et critiquée, elle est décrite comme bruyante, désordonnée, parfois impitoyable, mais toujours humaine. «Une ville, pour moi, ce sont d’abord des visages, des histoires, des amis», dit-il. Observateur attentif, l’auteur livre à travers la ville un portrait de la société, notamment de la bourgeoisie casablancaise, avec ses contradictions et ses silences.L’écrivain a aussi partagé une vision sans fard de la géopolitique. Le Maroc, selon lui, est un pays envié, car il fonctionne, contrairement à nombre de ses voisins. Il met en garde contre les forces hostiles, contre la jalousie et la volonté de nuire. «Il faut rester vigilants, unis, et conscients que notre bonheur n’est jamais garanti», lance l'homme des lettres. Il salue toutefois la solidarité exceptionnelle du peuple marocain, qu’il a pu observer lors du séisme d'Al Haouz, mais aussi lors de la ferveur populaire suscitée par la qualification des Lions de l’Atlas pour la demi-finale de la Coupe du Monde 2022.
Un cri d’alerte pour la lecture
Avec émotion, Tahar Ben Jelloun a évoqué la disparition de certaines librairies emblématiques, comme «Les Belles Images» à Tanger, qu’il fréquentait jeune étudiant. Il s’inquiète de la baisse de l’appétit pour la lecture et appelle à soutenir les lieux de culture. «Ce n’est pas seulement sauver une librairie, c’est faire vivre une mémoire, un espace d’éveil et d’ouverture».Invité, enfin, à résumer son roman en une phrase, l’auteur répond simplement : «L’amour est plus fort que la maladie». Une réponse à la hauteur de l’œuvre : sensible, lumineuse et profondément humaine.