Fadwa Misk
01 Février 2024
À 10:45
Qu’est-ce que l’art sinon un regard nouveau posé sur les choses habituelles ? C’est précisément le propos de cette sixième exposition de l’artiste
Mohamed El Baz, portée par sa galerie partenaire,
L’Atelier 21. Dans une scénographie étudiée, le spectateur se balade entre des collections de titres de films ou de chansons, chargées de messages clairs ou d’idées floues, jonglant avec les matériaux et les techniques au gré de l’humeur de l’artiste, rappelant que sa matière première est avant tout... la liberté. Et il en faut de la liberté d’être, de penser et de créer pour aligner des savons en résine au formats démesurés, aux côtés d’une constellation de planètes ou encore de morceaux de ciel piégeant des envols d’oiseaux.
Dans
«Ad Astra», titre emprunté au cinéaste
James Gray,
Mohamed El Baz explore le thème du tarot et ses arcanes sérigraphiées sur des miroirs, en prenant le malin plaisir de pixelliser les figures, jouant ainsi sur la perspective, l’image, la vue et la voyance. Plus loin, Mohamed El Baz prend du recul pour contempler le cosmos. Il nous présente alors
«Flower Moon» : une série de sculptures en résine prenant en otage des photos de planètes, leur offrant une troisième dimension, tout en volume et en poésie, et «invitant un ailleurs à s’installer sur les murs de la galerie», explique-t-il.
C’est encore un titre de film qui inspire l’artiste dans la série «Don’t Look Up». Ces pièces exceptionnelles mettent en scène des nuages peints piégeant des oiseaux en vol, créant une métaphore visuelle de l’instant figé dans le temps. La résine offre une transparence éthérée, ajoutant une dimension onirique à la composition. L’écrivain
Olivier Rachet dira dans la préface du catalogue : «Les oiseaux qui apparaissent furtivement dans une collection de nuages par essence déterritorialisés sont eux aussi les victimes collatérales de ses jeux de dupes qui font l’Histoire».
Dans la lignée de la pop art, El Baz transforme un objet du quotidien en une œuvre d’art. Son choix s’arrête sur des savons aux formes vues et reconnaissables, mais dont les formats démesurés (75x45x20) réinventent la magie de l’ordinaire.
«Soap Opera» fait également référence à un poème de Francis Ponge, dans lequel il déclame : «Le savon a beaucoup à dire. Qu’il le dise avec volubilité, enthousiasme. Quand il a fini de le dire, il n’existe plus»...
Autre série de l’exposition, «Strange Fruits», désigne une série de photos sur verre sérigraphié. Cette collection présente des arbres pixellisés parmi lesquels on reconnaît un cerisier, un oranger, un prunier, un arganier et un pêcher... et dont les fruits sont pointés dans un collimateur, car «devenus des dommages collatéraux d’un monde qui ne jure plus que par l’accumulation, la spoliation et la dénaturation», explique
Olivier Rachet.
Dans une dernière série de gravures sur miroir, on reconnaît les ombres de la
Koutoubia, la
Tour Hassan,
Santa Maria Maior et
La Giralda qui, en reflétant l’espace et l’altérité, changent de scénographie et créent une interaction unique avec le spectateur.