Culture

«Résilience» : un drame sincère, mais au souffle inégal

Présenté en avant-première à Casablanca, «Résilience» de Mohamed Karrat, coproduit et interprété par Asmaa Khamlichi, ambitionne de raconter la force des femmes marocaines à travers un drame familial intense. Entre émotion sincère, mélodrame et choix esthétiques discutables, le film oscille entre réussite et maladresse, laissant une impression inégale mais captivante.

Équipe du film.

12 Octobre 2025 À 11:40

Your browser doesn't support HTML5 audio

Présenté en avant-première au cinéma Pathé Californie à Casablanca, «Résilience» marque le passage d’Asmaa Khamlichi à la production et son retour à un cinéma à forte teneur sociale, sous la direction de Mohamed Karrat. Le film, annoncé comme un hommage à la force des femmes marocaines, ambitionne de conjuguer drame intime et regard social. Une ambition noble, mais que le résultat ne parvient pas toujours à traduire à l’écran. «Le film parle de la femme et de la relation entre l’homme et la femme dans une société moderne comme Casablanca», explique Asmaa Khamlichi.

À l’écran, le propos social s’efface cependant au profit d’un drame intimiste, centré sur deux sœurs déchirées par la présence d’un homme manipulateur, qui tente d’exploiter la vulnérabilité de l’une d’elles et provoque une rupture douloureuse entre les deux femmes.

Entre drame familial et quête morale

Le scénario se resserre autour du trio principal, où l’amour, la jalousie et la culpabilité nourrissent une tension constante. Le film promettait une réflexion plus large sur les femmes marocaines, mais cette dimension reste en arrière-plan.

Aux côtés d’Asmaa Khamlichi, Asmaa El Arbouini se distingue par une performance tout en nuances. Son jeu naturel et sincère apporte une profondeur émotionnelle aux tensions entre les deux sœurs. Elle réussit à faire passer la fragilité, la colère et la loyauté de son personnage avec un équilibre remarquable, donnant au film une dimension plus authentique et touchante. Dans les scènes de confrontation, elle fait preuve d’une présence magnétique, capable de retenir l’attention du spectateur même face à des situations dramatiques intenses.

Un rythme inégal et une mise en scène hésitante

Le film s’ouvre sur une succession de scènes dont le rythme semble chercher sa cohérence. On attend longtemps que l’histoire commence vraiment, comme si le scénario hésitait entre portrait psychologique et chronique sociale.

Cette mise en place laborieuse finit par affaiblir la tension dramatique, pourtant essentielle dans un récit centré sur la reconstruction et la douleur. Des détails visuels – chambres d’hôpital trop luxueuses par rapport à la réalité, costumes mal situés, figurants peu investis – perturbent le réalisme recherché.

Malgré ces faiblesses, quelques séquences fortes parviennent à capter l’attention, notamment les silences et regards qui traduisent la détresse des personnages.

Asmaa Khamlichi, entre rôle et production

Asmaa Khamlichi porte le projet sur ses épaules, à la fois devant et derrière la caméra. Fidèle à son style, elle incarne une femme à la fois forte et blessée. Mais son interprétation, bien que sincère, semble parfois freinée par sa double casquette de productrice.

Certains moments paraissent mécaniques, comme si l’actrice, trop absorbée par les contraintes du tournage, peinait à se laisser aller à la vulnérabilité du rôle.

Mais son engagement transparaît dans les moments clés : «La production est venue naturellement parce que, depuis le temps que je fais du cinéma, j’ai acquis de l’expérience. Il fallait faire un choix entre la réalisation et la production. Je préfère faire de la production et laisser la réalisation à des amis talentueux comme Mohamed El Karrat».

Entre réalisme et mélodrame

La mise en scène cherche l’émotion et bascule par moments vers un registre proche du cinéma bollywoodien, où faits et gestes accentuent la théâtralité. Ce choix donne au film une couleur populaire, mais l’éloigne du réalisme social annoncé. «Résilience» sera en salles nationales à partir du 15 octobre.
Copyright Groupe le Matin © 2025