Économie

Assurances obligatoires intelligence artificielle : les courtiers tracent les lignes de transformation

À l’heure où le secteur de l’assurance marocain entre dans une phase de mutation profonde, la Fédération Nationale des Agents et Courtiers d’Assurance du Maroc (FNACAM) a tenu ce mercredi 9 octobre 2025 sa 9ᵉ Rencontre annuelle à Casablanca. Le thème choisi, « Les assurances obligatoires & l'intermédiaire en assurance face à l’IA », reflète les deux dynamiques majeures qui secouent la profession : l’expansion des couvertures obligatoires et la montée en puissance de l’intelligence artificielle dans les pratiques du secteur.

Farid BENSAID – Président FNACAM

08 Octobre 2025 À 15:04

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En ouverture, Farid Bensaid, président de la FNACAM, a dressé un panorama du chemin parcouru depuis 2019. L’objectif initial de doter les intermédiaires d’un outil de représentation fédérateur a progressivement pris forme avec la mise en place de deux groupements (agents et courtiers) chacun doté de son président, ainsi que d’une couverture régionale complète. La Fédération revendique aujourd’hui 857 membres, dont 197 courtiers et 660 agents, et a accueilli cette année deux amicales de compagnies d’assurance (Sanlam et AXA), un signe perçu comme un gage de légitimité à l’approche de l’entrée en vigueur du Livre IV.

Cette structuration intervient dans un marché évalué à 59 milliards de dirhams en 2024, où les intermédiaires concentrent 53% du chiffre d’affaires, un poids encore sous-estimé si l’on neutralise la part croissante de la bancassurance. Toutefois, la croissance du réseau ne garantit pas une meilleure répartition : 63% des intermédiaires génèrent moins d’un million de dirhams de commissions annuelles, seuil minimal pour assurer la qualité du service et la viabilité de l’activité.

Assurances obligatoires : un levier de transformation sociale

La FNACAM entend mettre les assurances obligatoires au cœur du débat stratégique. Le président Bensaid a rappelé que le Maroc ne compte aujourd’hui que six couvertures obligatoires, un nombre très en deçà des standards internationaux. L’enjeu est de renforcer la protection des citoyens et offrir des relais de croissance pour un secteur souvent perçu comme sous-exploité. L’exemple de l’assurance habitation, encore peu souscrite malgré des risques importants, illustre ce potentiel. Le basculement prévu vers une généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) constitue un tournant qui pourrait profondément affecter les équilibres économiques du secteur, avec des conséquences non négligeables sur les revenus des compagnies comme des intermédiaires.

Intelligence artificielle : menace ou levier ?

L’autre grand thème de la rencontre – l’intelligence artificielle – a été abordé sans ambiguïté : elle constitue une onde de choc, mais aussi une promesse. Le président de la FNACAM a défendu une posture d’appropriation plutôt que de résistance. L’IA, bien utilisée, peut devenir un atout pour les agents et courtiers, notamment les plus petits acteurs, en automatisant certaines tâches, en renforçant la qualité du conseil et en facilitant l’accès aux services. Des start-up spécialisées et des experts internationaux sont venus partager leurs expériences sur le sujet.

Une lecture institutionnelle : les précisions d’Abderrahim Chaffai

Présent à l’ouverture, Abderrahim Chaffai, président de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), a d’abord nuancé les chiffres de croissance des intermédiaires en précisant que la moitié des nouvelles immatriculations provenaient de transformations de bureaux existants, et non de créations nettes. Sur dix ans, le réseau a crû de 3% par an, contre 5% pour le chiffre d’affaires du secteur, une dynamique équilibrée selon lui, qui favorise l’extension de la couverture nationale.

Sur le fond, Chaffai a rappelé que les assurances obligatoires incarnent des valeurs fondamentales : responsabilité, solidarité et cohésion sociale. Si elles ne suffisent pas à elles seules à structurer un marché durable, elles demeurent des piliers à consolider. Par ailleurs, il a souligné les progrès enregistrés par le secteur en 2024, avec un chiffre d’affaires de 60 milliards de dirhams (+5%), poursuivis au premier semestre 2025 avec une croissance de 7%, tout en reconnaissant que le taux de pénétration reste à 4%, en dessous du potentiel national.

Particularité de cette édition, le Liban était invité d’honneur, une manière pour la FNACAM de renforcer ses ponts régionaux dans un contexte où les défis de transformation sont souvent partagés.
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