Rochdi Mokhliss
23 Octobre 2025
À 15:00
Selon les simulations réalisées, une hausse de 15 points de base du taux des
bons du Trésor à un an entraîne une baisse d’environ 0,1% des prix de l’immobilier après six trimestres. Cet effet, bien que modéré et différé, illustre l’impact d’une politique monétaire restrictive sur la demande de logements et, par conséquent, sur leur valorisation. Bank Al-Maghrib note toutefois que cette réaction limitée pourrait s’expliquer par des rigidités structurelles du marché marocain, notamment le manque de diversification des sources de financement et la prépondérance des
prêts à taux fixes.
En approfondissant l’analyse, l’étude observe qu’une hausse de 12 points de base du taux des bons du Trésor à un an provoque cette fois une baisse plus marquée des prix de l’ordre de 0,3% après six trimestres. Ces résultats apparaissent plus robustes, car la marge d’incertitude statistique exclut l’hypothèse d’un effet nul.
Les chercheurs de la Banque ont également testé l’effet d’une variation du
taux interbancaire, un indicateur plus directement lié aux conditions de financement bancaire. Une hausse de 10 points de base de ce taux se traduit par une diminution de 0,4% des
prix de l’immobilier après quatre trimestres. Cette réaction plus rapide et plus prononcée reflète, selon l’étude, la sensibilité du marché du logement aux coûts d’emprunt, en particulier via les
crédits immobiliers.
De manière plus générale, le resserrement monétaire induit aussi une baisse temporaire du PIB réel, des prix à la consommation et de la masse monétaire, confirmant le caractère transitoire mais restrictif de ces politiques sur l’activité économique.
Bank Al-Maghrib souligne que cette dynamique, bien que modérée, confirme l’existence d’un canal de transmission monétaire passant par les prix des actifs immobiliers. Toutefois, le délai de réaction et la faible ampleur de l’ajustement traduisent une inertie propre au marché marocain. Celle-ci serait liée à la structure du financement immobilier, encore peu développée, et à la part importante du secteur informel dans la construction et les transactions.
Ces conclusions s’inscrivent dans la lignée d’études menées dans d’autres économies émergentes. En
Afrique du Sud, par exemple, une recherche de Ncube et Ndou (2013) a montré qu’une hausse des taux d’intérêt freine également les prix du logement, mais avec un décalage dans le temps. Des travaux similaires réalisés en Turquie (Çatık et Karadaş, 2017) confirment cette tendance, les ajustements du marché immobilier se produisant souvent plusieurs trimestres après les chocs monétaires.
Pour le cas marocain, Bank Al-Maghrib estime que ces résultats ouvrent la voie à une meilleure compréhension du rôle du secteur immobilier dans la transmission de la
politique monétaire. L’institution suggère d’approfondir la recherche en intégrant les différences régionales de prix et la spécificité du logement informel, afin de mieux cerner les interactions entre taux d’intérêt, crédit et dynamique du marché immobilier.
Ainsi, l’étude met en lumière un enseignement essentiel : la politique monétaire, bien qu’efficace pour influencer la demande immobilière, agit lentement et de façon mesurée sur les prix au Maroc. Un constat qui plaide pour une approche équilibrée, tenant compte à la fois des objectifs de stabilité monétaire et de la nécessité de préserver la dynamique du secteur du logement.