Dans son communiqué, le Conseil estime que le niveau actuel du taux directeur demeure approprié au regard des conditions économiques en vigueur. La décision s’inscrit dans un environnement toujours caractérisé par la persistance des tensions géoéconomiques à l’échelle mondiale, auxquelles s’ajoutent des aléas climatiques internes pesant sur l’activité et les équilibres macroéconomiques.
Bank Al-Maghrib réaffirme, par ailleurs, son approche fondée sur l’analyse continue des indicateurs conjoncturels. La Banque centrale indique qu’elle continuera de suivre de près l’évolution de la situation économique et financière et qu’elle ajustera, si nécessaire, ses décisions de politique monétaire réunion par réunion, sur la base des données les plus récentes.
Voici les arguments du Conseil de Bank Al-Maghrib :
A l'international :Le Conseil a ensuite examiné l’évolution de la conjoncture économique ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de Bank Al-Maghrib. Il a relevé, au niveau international, un certain apaisement des tensions commerciales et la fin du blocage budgétaire américain, mais que le niveau d’incertitude reste élevé, en lien notamment avec l’évolution et les implications de la politique tarifaire américaine ainsi qu’avec la persistance des tensions géopolitiques. Dans ce contexte, et malgré une relative résilience au premier semestre, favorisée par l’effet d’anticipation des hausses tarifaires, l’économie mondiale devrait continuer de ralentir et ne connaitrait d’amélioration qu’en 2027. De même, l’inflation poursuivrait sa décélération, avant de s’accélérer de nouveau en 2027, avec des évolutions hétérogènes d’une économie à une autre.
Au niveau national : Le Conseil a relevé la performance remarquable des activités non agricoles ainsi que les signes de reprise sur le marché du travail. Cette dynamique devrait se maintenir à moyen terme, soutenue par l’effort d’investissement. Il s’est également arrêté sur les données de la Loi de Finances 2026 et de la Programmation Budgétaire Triennale 2026-2028 qui font ressortir une poursuite de la consolidation budgétaire et un allègement progressif de l'endettement du Trésor.
Inflation : S’agissant de l’inflation, elle continue d’évoluer à des niveaux bas, ressortant à 0,8% en moyenne sur les dix premiers mois de 2025, sous l’effet notamment de l’amélioration de l’offre de certains produits alimentaires, en particulier l’huile d’olive, et de la baisse des prix des carburants et lubrifiants. Elle devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, s’accélérer graduellement pour converger vers des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix. Ainsi, après un taux de 0,8% prévu pour l’ensemble de cette année, elle s’établirait à 1,3% en 2026 puis à 1,9% en 2027. Sa composante sous-jacente ressortirait à 0,7% cette année et l’année prochaine, avant de s’accélérer à 1,9% en 2027.
Pour ce qui est des anticipations d’inflation, elles restent bien ancrées. Les experts du secteur financier interrogés dans le cadre de l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib tablent au quatrième trimestre 2025 sur un taux moyen de 2% à l’horizon de 8 trimestres et de 2,2% à celui de 12 trimestres.
Matières premières : Sur les marchés internationaux des matières premières, les cours du pétrole poursuivraient leur tendance baissière, tirés par une offre importante émanant des pays de l’OPEP+ parallèlement à une croissance toujours faible de la demande mondiale. Le cours du Brent, en particulier, reculerait de 14,3% cette année à 68,4 dollars le baril en moyenne puis à 63,1 dollars en 2026 avant d’enregistrer une légère augmentation à 65,8 dollars en 2027. Pour ce qui est du phosphate brut d’origine marocaine, son prix devrait diminuer graduellement, passant de 214 dollars la tonne en 2024 à 182 dollars en 2027. Quant à ses dérivés, après une forte progression en 2025, leurs cours devraient se contracter à moyen terme, en lien notamment avec la hausse des capacités de production au niveau international et l’assouplissement attendu des restrictions de la Chine sur ses exportations. Ils reviendraient de 712 dollars la tonne en moyenne cette année à 641 dollars en 2027 pour le DAP, et de 521 dollars à 487 dollars pour le TSP. En revanche, après une baisse en 2024, les prix des produits alimentaires s’orienteraient à la hausse, l’indice FAO devant s’accroître de 4,8% en 2025, de 0,7% en 2026 et de 2% en 2027.
Les prévisions macroéconomiques actualisées de BAM
S’agissant de la
croissance de l’économie mondiale, elle poursuivrait son ralentissement, revenant de 3,2% en 2024 à 3,1% cette année puis à 2,7% en 2026, avant une amélioration à 3% attendue en 2027. Dans les principales économies avancées, la croissance emprunterait des trajectoires divergentes. Elle décélérerait aux Etats-Unis de 2,8% en 2024 à 1,9% en 2025 et à 1,8% en 2026 et en 2027, impactée en particulier par les incertitudes engendrées par la politique tarifaire. Dans la zone euro, elle s’améliorerait de 0,8% en 2024 à un taux oscillant de 1,2% à 1,5% entre 2025 et 2027, soutenue par la consommation privée et la reprise de l’investissement. Au niveau des principaux pays émergents, la croissance ressortirait modérée mais régulière en Chine, se situant à près de 5% en 2025 et autour de 4,5% les deux années suivantes. En Inde, elle resterait vigoureuse, avec un rythme de 7,3% cette année, mais ralentirait à 6,1% en 2026, pâtissant de la hausse des tarifs américains, avant de se redresser à 6,7% en 2027.
Dans ce contexte,
l’inflation poursuivrait sa baisse à l’échelle mondiale, revenant de 3,7% en 2024 à 2,9% en 2025 et en 2026, avant de remonter à 3,1% en 2027. Dans les grandes économies avancées, elle évoluerait à des niveaux proches de la cible de la BCE dans la zone euro, tandis qu’aux Etats-Unis, elle persisterait au-dessus de l’objectif de la FED, sous l’effet notamment du relèvement des tarifs douaniers, s’établissant à 2,8% en 2025 et à 3,1% en 2026 puis à 2,7% en 2027.
Concernant l’orientation des
politiques monétaires dans les principales économies avancées, après 8 baisses opérées depuis juin 2024, la BCE a décidé, lors de sa réunion du 30 octobre, de maintenir, pour la troisième fois consécutive, ses taux inchangés. En revanche, constatant la hausse du chômage et l’accentuation des risques baissiers pesant sur les perspectives de l’emploi, la FED a réduit, à l’issue de sa réunion des 9 et 10 décembre, et pour la troisième fois d’affilée cette année, la fourchette cible du taux des fonds fédéraux de 25 pb à [3,50%-3,75%]. Pour sa part, et après 3 baisses au cours des 10 premiers mois de 2025, la Banque d’Angleterre a décidé, le 5 novembre, de maintenir son taux inchangé à 4%.
Au niveau national, la
croissance économique devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, marquer une accélération notable à 5% cette année et se consolider à 4,5% en moyenne au cours des deux prochaines années. En effet, après une augmentation de 5% en 2025, la valeur ajoutée agricole ressortirait, sous l’hypothèse d’un retour à des campagnes céréalières moyennes de 50 millions de quintaux, en hausse de 4% en 2026 et de 2% en 2027. Pour les activités non agricoles, la croissance resterait vigoureuse à la faveur en particulier de la forte dynamique de l’investissement, s’établissant à 5% cette année, à 4,8% en 2026 et à 4,5% en 2027.
Sur le volet des
échanges extérieurs, les
exportations augmenteraient de 4,5% en 2025, portées par l’amélioration des ventes de phosphate et dérivés à 108 milliards de dirhams, puis de 8,4% en 2026 et de 7,9% en 2027, en lien notamment avec la reprise prévue des expéditions de l’industrie automobile. Ces dernières, après une contraction cette année, connaitraient une progression annuelle autour de 17% pour se situer à 208 milliards de dirhams en 2027. En parallèle, le rythme des importations resterait soutenu, tiré essentiellement par les acquisitions de biens d’équipement et de consommation, alors que la facture énergétique s’allégerait davantage en 2025 et en 2026, avant d’enregistrer une hausse en 2027 à 101 milliards de dirhams. De leur côté, les recettes de voyages maintiendraient leur performance notable pour atteindre près de 155 milliards de dirhams en 2027. Concernant les
transferts des MRE, ils devraient s’accroitre de 3,1% en moyenne annuelle entre 2025 et 2027 à 130 milliards de dirhams. Au total, le déficit du compte courant demeurerait contenu, ressortant à 1,8% du PIB en 2025 et resterait en deçà de 2% les deux années suivantes. De même, les flux d’investissements directs étrangers continueraient de se renforcer, avec des recettes annuelles équivalentes à 3,5% du PIB. Tenant compte des financements extérieurs prévus du Trésor, les avoirs officiels de réserve de Bank Al-Maghrib se raffermiraient graduellement pour atteindre 448 milliards de dirhams à fin 2027, assurant une couverture de près de 5 mois et demi d’importations de biens et services.
S’agissant des
conditions monétaires, le besoin de liquidité bancaire se creuserait progressivement pour se situer à 158 milliards en 2027, en lien notamment avec la progression prévue de la circulation fiduciaire. Pour ce qui est du crédit bancaire accordé au secteur non financier, et tenant compte de l’évolution attendue de l’activité économique et des anticipations du système bancaire, son rythme connaîtrait une accélération à 4,1% en 2025 et à 5% en 2026 et en 2027. Concernant la valeur du dirham, les évaluations trimestrielles réalisées par Bank Al-Maghrib, selon la dernière version de la méthodologie utilisée au niveau international, indiquent qu’elle reste globalement alignée avec les fondamentaux économiques. Le taux de change effectif devrait s’apprécier de 2,2% en termes réels en 2025, résultat d’une hausse de sa valeur en termes nominaux, atténuée par un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des pays partenaires et concurrents commerciaux. Il se déprécierait ensuite de 2,8% en 2026 et de 0,5% en 2027.
Au plan des finances publiques, tenant compte de l’exécution budgétaire à fin octobre, des données de la Loi de Finances de 2026 et de la Programmation Budgétaire Triennale 2026-2028, les projections de Bank Al-Maghrib font ressortir une poursuite de la consolidation budgétaire à moyen terme. Le déficit hors produit de cession des participations de l’Etat devrait revenir de 3,9% du PIB en 2024 à 3,6% en 2025 puis à 3,4% en 2026 et en 2027.
Enfin, le Conseil a validé la stratégie de gestion des réserves de change et approuvé le budget de la Banque ainsi que le programme d’audit interne pour l’exercice 2026. Il a également arrêté les dates de ses réunions ordinaires au titre de la même année aux 17 mars, 23 juin, 22 septembre et 15 décembre.