Économie

Ce que pèserait l’ensemble Crédit du Maroc-BMCI en cas de fusion

Holmarcom, propriétaire de Crédit du Maroc, et BNP Paribas, maison mère de la BMCI, ont confirmé les révélations médiatiques sur des négociations en cours en vue du rachat par la famille Bensalah de la filiale marocaine du groupe français. Si ces négociations aboutissent et se traduisent plus tard par une fusion CDM-BMCI, ce nouvel ensemble deviendrait 4e ou 5e acteur du secteur bancaire selon l’indicateur de mesure retenu.

14 Décembre 2025 À 19:00

Les rumeurs sur la sortie de BNP Paribas du marché marocain, dans le sillage de son désengagement du continent africain et son recentrage sur les marchés européen et asiatique, circulent depuis plusieurs années. Après les révélations médiatiques de négociations pour le rachat de la BMCI par Holmarcom auprès du groupe français, ces derniers ont confirmé le processus en cours et précisé les éléments suivants :
  • Holmarcom confirme être entré en discussions exclusives avec BNP Paribas, en vue d’une éventuelle acquisition de sa participation de 67% dans le capital de la BMCI, dans laquelle le Groupe est déjà actionnaire depuis 30 ans (8,44% du capital).
  • Holmarcom a la volonté d’accompagner l’évolution continue du secteur financier marocain, dans le cadre de la dynamique de croissance structurée du Groupe, axée sur un développement durable et pérenne.
  • BNP Paribas profiterait d’un impact positif sur son ratio de solvabilité (CET1) de +15 pbs si la transaction devait se conclure en 2026.
  • Les discussions sont à un stade préliminaire et les deux groupes communiqueront en temps voulu si ce projet venait à se concrétiser, conformément à la réglementation en vigueur.
Il apparaît clairement que le processus est encore à ses débuts. Le rachat d’une banque est une opération complexe sur le plan financier, réglementaire et technique. Elle devrait précéder un chantier encore plus stratégique et pointu, celui de la fusion. Car le repreneur potentiel de la BMCI est propriétaire à hauteur de 67,4% de Crédit du Maroc.



Parler à ce stade de fusion entre les deux banques peut sembler prématuré, car on ignore les plans du groupe Holmarcom en cas de rachat de la BMCI, la vision et les orientations des autorités monétaires et les contraintes multiples liées à une telle opération sur les plans marketing (rebranding, positionnement marché, produits...), humain (culture d’entreprise, postes en doublon...), technique (systèmes d’information, procédures...), financier (coût de la fusion...), réglementaire (perte d’agrément, ratios prudentiels...). Mais la ligne directrice de Bank Al-Maghrib depuis plusieurs années est d’encourager la nationalisation du capital et la consolidation de la taille des banques marocaines, dans l’objectif d’une meilleure régulation du secteur et d’un accompagnement plus marqué des stratégies de développement du Royaume. Sans parler de l’impact positif que pourrait avoir la fusion sur les banques fusionnées elles-mêmes : complémentarités métiers et produits, synergies et optimisation des moyens, réduction des fragilités opérationnelles et prudentielles... Car il faut dire que si Crédit du Maroc a évolué positivement ces dernières années, ce n’est pas vraiment le cas pour la BMCI.

Il y a une décennie, la BMCI réalisait plus du double des bénéfices de Crédit du Maroc (640 MDH contre 246 MDH en 2013). Aujourd’hui, le classement s’est inversé : 507 MDH pour la BMCI en 2024 (hors éléments exceptionnels qui plombent davantage le résultat) contre 741 MDH pour CDM. Que ce soit en termes d’optimisation des coûts (coefficient d’exploitation de 59% pour la BMCI contre 48% pour CDM) ou de maîtrise des risques (coût du risque de 1,2% pour la BMCI contre 0,7% pour CDM), sans parler de la capacité de génération de revenus, il y a d’importantes marges d’amélioration en cas de fusion entre les deux banques.

CDM-BMCI : 5.000 collaborateurs et plus de 100 milliards de DH de crédits et dépôts

Cela dit, combien pèserait l’ensemble BMCI-CDM en cas de fusion ? Tout dépend de l’indicateur de mesure retenu. Le Matin a fait un simple exercice arithmétique pour avoir une idée, exercice à ne pas assimiler à un véritable travail expert d’évaluation et d’intégration.

Capitalisation boursière

BMCI et CDM ont une capitalisation boursière cumulée de 19,8 milliards de DH à la clôture de la Bourse de Casablanca le vendredi 12 décembre 2025. 8,4 milliards de DH pour la première et 11,4 milliards pour la seconde. Ensemble elles pèsent 6,4% de la capitalisation du secteur bancaire coté en bourse (307,3 milliards de DH).

Fonds propres

Les fonds propres stricts consolidés des deux banques totalisent 15,1 milliards de DH à fin 2024 (7,3 pour la BMCI et 7,8 pour CDM). L’ensemble se place ainsi à la 5e place derrière Attijariwafa bank (72,5), BCP (61,2), BOA (36,8) et Saham Bank (15,5), dépassant le Crédit Agricole du Maroc, CIH Bank et Al Barid Bank.

Nombre de collaborateurs

L’ensemble BMCI-CDM emploie près de 5.000 collaborateurs à fin 2024 (2.600 pour la première et 2.400 pour la deuxième banque), se classant 4e après le trio de tête : AWB (23.500), BCP (23.500) et BOA (15.000).

Nombre d’agences

Avec 268 agences pour la BMCI et 284 pour Crédit du Maroc à fin 2024, l’ensemble dispose d’un réseau de 552 agences sur un total secteur de 5.701 selon les données de Bank Al-Maghrib à fin 2024. Il se positionne ainsi à la 5e position derrière la Banque Populaire (1.362), Attijariwafa bank (970), Al Barid Bank (943) et Bank of Africa (649). Notons qu’on parle ici du réseau d’agences conventionnelles hors points de vente des filiales comme les établissements de paiement, et uniquement sur le territoire marocain. Précisons aussi que cet indicateur perd de plus en plus de son poids compte tenu de la digitalisation de la relation client.

Dépôts et crédits

L’ensemble CDM-BMCI affiche en agrégé à fin 2024 des dépôts consolidés de 105,4 milliards de DH et des crédits consolidés de 115,8 milliards. CDM dépasse BMCI dans les dépôts (57 milliards contre 48), mais vient après elle dans les crédits (56 milliards contre 59). L’ensemble se positionne ainsi à la 5e place, loin derrière AWB, BCP et BOA. Le Crédit Agricole du Maroc le dépasse de justesse avec 118 milliards de DH de crédits et 117 milliards de dépôts.

Produit net bancaire, bénéfices et rentabilité

Le produit net bancaire cumulé des deux banques atteint 7,1 milliards de DH à fin 2024, dont 3,8 milliards pour la BMCI et 3,3 milliards pour CDM. Ensemble elles occupent ainsi la 4e place derrière AWB, BCP et BOA. Cela dit, notons une structure de PNB largement dominée par la marge d’intérêts (70%) contre une part limitée des revenus des commissions (12,7%), contrairement à d’autres banques dont les commissions représentent plus de 20% du PNB. Cette structure renseigne sur un niveau d’activité et de développement des produits et services relativement limité par rapport à la concurrence.

Enfin, les bénéfices cumulés des deux banques s’établissent à 1,25 milliard de DH à fin 2024 (hors éléments exceptionnels plombant les résultats de la BMCI), positionnant l’ensemble à la 5e position derrière le trio de tête AWB-BCP-BOA et Saham Bank, qui a réalisé un RNPG, hors éléments exceptionnels, de 1,4 milliard de DH en 2024. Précisons le niveau élevé du coût du risque et des charges opérationnelles de la BMCI qui pèse sur la rentabilité de l’ensemble. Le ROE (rentabilité des fonds propres) de la BMCI se limite à 6,9% contre 9,5% pour CDM (8,3% pour l’ensemble), à comparer aux 13% d’AWB ou aux 10,4% de CIH Bank.
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