Mounia Senhaji
21 Mai 2025
À 17:44
La
fonction ressources humaines (RH) se retrouve en première ligne pour bâtir l'entreprise de demain, confrontée à une accélération de la digitalisation, à l'évolution des attentes des collaborateurs et à une guerre des talents intensifiée. C'est dans ce contexte que s'inscrit la dernière étude réalisée par DRH.ma, le média digital dédié aux
décideurs RH. Menée auprès de 232
directeurs des ressources humaines (DRH) exerçant au sein d’entreprises marocaines de plus de 250 collaborateurs, celle-ci offre un éclairage précieux sur leurs perceptions face aux bouleversements à venir dans l’organisation du travail.
Réalisée entre le 9 et le 14 mai 2025, cette enquête explore six axes majeurs, allant des transformations anticipées aux compétences clés à développer. Ses résultats dressent le portrait d'une
fonction RH lucide, consciente des défis, mais encore en phase de calibrage stratégique.
La digitalisation, un consensus quasi total
Parmi les constats les plus frappants, 96% des
DRH anticipent une accélération de la
digitalisation. Cette transformation est perçue comme la plus majeure à horizon 5 à 10 ans, devant d'autres changements significatifs. La
pénurie de compétences clés arrive en deuxième position, citée par 84% des répondants, suivie par l'automatisation des tâches (citée par 55%), et le
développement du travail à distance ou hybride (49%). L'évolution des attentes des collaborateurs (18%), le vieillissement de la population active (9%) ou encore la mondialisation des talents (2%) sont jugés moins impactants par les
DRH interrogés. Ces chiffres soulignent la centralité de la
digitalisation et de
l'automatisation dans les transformations à venir.
Priorités : transformer les modèles et attirer les talents
Face à ces mutations, les
DRH marocains ont identifié des enjeux prioritaires. En tête de liste, 98% placent la transformation des
modèles organisationnels. L'attraction et la fidélisation des talents suivent de près, jugées prioritaires par 97% des DRH. La redéfinition du
leadership est également considérée comme essentielle par 95% des participants. Ces chiffres mettent en évidence la nécessité d'adapter les structures et les
pratiques managériales pour répondre aux défis technologiques et sociétaux, tout en faisant face à la «guerre des talents». Curieusement, la formation continue et le développement des compétences, bien qu'essentiels (31%), sont moins cités que ces enjeux organisationnels et humains, suggérant un besoin d'intégration plus stratégique de la montée en compétences dans les
transformations globales.
L'IA : un levier de transformation reconnu, mais avec prudence
Le
rôle de l'intelligence artificielle (IA) fait l'objet d'une perception mesurée. 87% des DRH reconnaissent un
rôle significatif de l’IA dans la transformation des métiers et des organisations. Une part importante d'entre eux pensent même à une transformation en profondeur (37% des réponses sur le rôle de l'IA). Cependant, la prudence domine, et
l'IA est davantage perçue comme un levier d'évolution plutôt qu'une menace immédiate. Seule une minorité estime que son influence sera modérée (7%) ou mineure (6%) à court terme. Malgré la reconnaissance de son impact potentiel, l'IA semble encore peu intégrée comme un levier prioritaire à court terme dans les plans d'action, ce qui pourrait refléter un besoin d'acculturation plus poussé.
Le travail harmonieux : équilibre, management et flexibilité
Qu'est-ce qu'un
travail harmonieux pour les DRH ? Pour 81% des répondants, il s'agit avant tout d'un équilibre entre performance et bien-être. Le management participatif et bienveillant est également crucial, cité par 59%. La
collaboration fluide entre équipes (45%) et la
flexibilité des modes de travail (43%) sont aussi considérées comme des composantes importantes d’un travail harmonieux. Bien que valorisés,
l'usage éthique des technologies (31%) et une culture inclusive et respectueuse (35%) sont cités dans une moindre mesure. Cette vision reflète une évolution vers des
modèles de management plus humains et collaboratifs.
Compétences clés : les soft skills en tête, le numérique moins prioritaire
Concernant les compétences essentielles pour le futur, les
soft skills dominent largement. Le
leadership et l'influence positive sont cités par 67% des DRH. La créativité et l'innovation arrivent en deuxième position (65%), suivies par la capacité à apprendre en continu (61%) et
l'intelligence émotionnelle (59%). Si les compétences numériques restent importantes, elles sont moins prioritaires (43%) que ces
aptitudes comportementales. Ce focus sur les
soft skills adaptatifs est notable, mais l'étude pointe une sous-évaluation potentielle des compétences techniques, qui pourrait limiter la capacité des entreprises à opérer leur
transformation digitale.
Éducation et formation, actions prioritaires
Pour construire ce
futur du travail, les
DRH placent le renforcement de l'éducation et de la formation professionnelle en tête des actions prioritaires, cité par 88% des répondants. Viennent ensuite l'égalité des chances et la diversité en entreprise (59%), le
soutien à l'entrepreneuriat et à
l'innovation sociale (55%), et la sensibilisation à la transformation des mentalités (53%). Le développement des
écosystèmes territoriaux et numériques est également jugé important (49%). Ces priorités démontrent que les DRH misent sur la formation continue et l'inclusion comme leviers essentiels pour réussir la transformation.
Entre lucidité et besoins d'alignement
L'étude met en évidence un triple enjeu pour les
DRH : réinventer les modèles internes (organisation, leadership, compétences), accélérer l'alignement entre ambitions digitales et compétences, et ancrer l'harmonie du travail dans des pratiques managériales solides. Elle révèle une
fonction RH lucide face aux défis, mais encore en quête d'alignement stratégique entre les
transformations perçues comme inévitables (digitalisation massive, IA) et les leviers opérationnels activés (formation, leadership, bien-être). L'accent est mis sur les mutations internes et la gouvernance humaine, avec une approche pragmatique, mais qui pourrait nécessiter une meilleure synchronisation stratégique pour éviter des décalages structurels.