Moncef Ben Hayoun
07 Avril 2025
À 17:10
Le soutien du
Fonds monétaire international (FMI) ne se limite pas à des chiffres. Dans une nouvelle analyse, le
cabinet BMI, affilié à
Fitch Solutions, souligne que l’appui accordé au Maroc dans le cadre de la
Facilité pour la résilience et la durabilité (RSF) devrait renforcer sa capacité d’adaptation aux
risques climatiques, notamment la pénurie d’eau.
Pour rappel, le
Maroc a récemment bénéficié d’une troisième et dernière tranche de 496 millions de dollars dans le cadre de ce mécanisme. Avec ces fonds, le total des décaissements atteint 1,24 milliard de dollars (environ 0,7% du PIB), soit seulement 6,1% de moins que les 1,32 milliard de dollars initialement approuvés par le
FMI en 2023. Le gouvernement a pu accéder à la quasi-totalité du
financement en mettant en œuvre 16 des 17 réformes prévues dans l’accord.
La troisième tranche de 496 millions de dollars représente environ 11,8% des 4,2 milliards de dollars inscrits au budget 2025 pour
l’investissement public dans l’eau et les infrastructures. Une partie de ces fonds sera allouée au
Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI, 2020-2027), dont le coût est estimé à 14,3 milliards de dollars. Le PNAEPI s’inscrit dans le cadre du Plan national de l’eau (PNE, 2020–2050), qui vise à renforcer la sécurité hydrique à long terme à travers des investissements dans les barrages, les usines de dessalement, le recyclage de l’eau et les réseaux de distribution. Les installations de dessalement et de recyclage seront également intensives en énergie, et seront soutenues, dans le cadre du
RSF, par les efforts du gouvernement pour réduire les importations d’énergie grâce au développement des
énergies renouvelables.
Un avantage comparatif sur ses voisins nord-africains
Dans un contexte régional marqué par une vulnérabilité croissante aux dérèglements climatiques, l’agence estime que le Maroc dispose d’un avantage comparatif sur ses voisins nord-africains, grâce à sa stabilité politique, un niveau d’endettement jugé soutenable et une dynamique de réforme. Le
RSF, conjugué à d’autres financements comme celui de la
Banque européenne d’investissement (500 millions d’euros), devrait, selon l’analyse, accroître la marge de manœuvre du pays pour anticiper les chocs liés à la sécheresse.
D’ailleurs, la RSF contribue aussi aux efforts de
réduction du déficit public. Le dispositif offre au Maroc un financement à conditions préférentielles, avec des échéances plus longues et des taux plus avantageux, ce qui aide à maintenir la stabilité budgétaire sans alourdir excessivement le service de la dette.
En outre, la mesure de réforme n° 8 prévoit l’intégration du
risque climatique dans les analyses de viabilité de la dette publique, augmentant ainsi la sensibilisation aux effets potentiels du
changement climatique sur les
finances publiques.
De même, grâce à la réforme n° 11, le gouvernement prévoit également une suppression progressive des subventions au gaz butane, ce qui contribuera à la maîtrise des dépenses. Ces réformes s’inscrivent dans la volonté du
gouvernement de consolider les finances publiques, et BMI estime que le déficit budgétaire marocain continuera à se réduire.
Une réforme climatique trop sensible
Mais tout n’est pas au vert. Parmi les 17 réformes convenues avec le
FMI, une seule n’a pas été mise en œuvre : la création d’une taxe carbone explicite. Fitch Solutions doute qu’elle puisse être instaurée en 2025, en raison de ses effets inflationnistes et du risque de
tensions sociales. Une prudence renforcée par un contexte marqué par une hausse persistante des prix, et un
pouvoir d’achat fragilisé depuis les chocs inflationnistes de 2022 et 2023. Le gouvernement mènerait des consultations et des analyses d’impact social sur cette mesure. D’ailleurs, dans son rapport, le FMI a souligné que « la
taxe carbone n’a pas été mise en œuvre, les autorités ayant jugé nécessaire de mener une analyse plus approfondie de son impact et de poursuivre les concertations avec les parties prenantes publiques et privées».
Impact limité du CBAM sur les exportations marocaines
Autre point abordé : le
mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) de l’Union européenne, qui entrera pleinement en vigueur en janvier 2026, obligeant les importateurs européens à acheter des certificats pour compenser les émissions liées à certains produits. L’UE est le premier partenaire commercial du Maroc, absorbant environ 63,5% des exportations marocaines en 2023. Mais BMI se veut rassurant : l’impact de la taxe carbone européenne sur les
volumes d’exportation marocains devrait rester limité, d’autant que seuls 15% des
produits concernés par le CBAM sont actuellement exportés vers l’UE.