06 Octobre 2025 À 16:31
Sous les verrières de l’Institut National des Postes et Télécommunications (INPT), à Rabat, la Fondation Al Mada et l’INPT ont lancé, ce lundi, un master inédit consacré à la Data et à l’Intelligence Artificielle. Conçu sur le principe de l’alternance, ce programme ambitionne de rapprocher la formation académique du tissu économique national, dans un domaine où les besoins en compétences ne cessent de croître.
Fruit de douze mois de travail conjoint entre l’INPT et plusieurs entreprises partenaires — Attijariwafa bank, inwi, Managem et Marjane Group — le cursus repose sur un équilibre entre théorie et pratique. D’un côté, une formation académique approfondie ; de l’autre, une immersion en entreprise, destinée à confronter les étudiants aux enjeux concrets de la donnée et des technologies intelligentes.
Le processus de sélection a été particulièrement exigeant. Plus de six cents candidatures ont été examinées, mais seules trente ont été retenues après un parcours rigoureux comprenant épreuves écrites, entretiens et évaluation par les directions des ressources humaines des groupes partenaires. Ces étudiants, issus de différentes régions du Royaume, formeront la première promotion 2025-2026.
Le master s’étend sur deux années d’études : la première est consacrée à un tronc commun axé sur les fondamentaux de la Data et l'IA, tandis que la seconde ouvre sur des parcours de spécialisation en lien avec les besoins spécifiques des entreprises partenaires. Les étudiants bénéficieront également de séminaires, de conférences thématiques et d’un accompagnement conjoint assuré par l’INPT et les structures d’accueil.
Pour Ahmed Tamtaoui, directeur par intérim de l’INPT, cette coopération entre le monde académique et les entreprises marque une évolution profonde du modèle de formation au Maroc: « Ce master illustre notre ambition de former des profils capables de relever les défis de la transformation numérique du Royaume. En conjuguant rigueur scientifique et expérience de terrain, nous préparons des talents conscients des dimensions technologiques, économiques et humaines de l’intelligence artificielle ».
Un constat partagé par Hassan Ouriagli, président de la Fondation Al Mada, qui affirme que la maîtrise des données et de l’intelligence artificielle conditionnera désormais la compétitivité des nations: « L’avenir de nos économies et de nos sociétés se jouera dans la maîtrise et l’usage responsable des données et de l’intelligence artificielle. Ce master traduit notre volonté d’investir dans le capital humain et d’accompagner la montée en compétences du pays ».
L’inauguration a rassemblé plusieurs acteurs de l’écosystème numérique marocain et international, parmi lesquels les représentants du Boston Consulting Group (BCG). Les données partagées à cette occasion illustrent l’accélération fulgurante de l’IA à l’échelle mondiale : près de 78 % des entreprises mondiales ont déjà intégré ces technologies dans leurs processus internes, un taux d’adoption plus rapide encore que celui d’Internet ou du smartphone.
Selon Hamid Maher, directeur associé du BCG, cette mutation bouleverse les équilibres économiques. Les entreprises qui investissent tôt dans l’IA créent des avantages compétitifs durables, tandis que celles qui tardent à s’y engager s’exposent à une dépendance accrue vis-à-vis de modèles extérieurs. « Le Maroc doit devenir producteur d’intelligence artificielle ».
Ce passage de l’usage à la conception suppose de renforcer la capacité du pays à développer ses propres modèles et ses propres outils. Le Maroc, estime l'expert, dispose d’atouts considérables : une communauté d’ingénieurs en expansion constante, un écosystème technologique structuré et un intérêt croissant pour les métiers de la data. Les études du BCG confirment cette dynamique : sur le continent africain, le Royaume compte l’un des plus vastes viviers de spécialistes du numérique. Malgré une population plus réduite que celle d’autres pays africains, il enregistre l’une des croissances les plus rapides du nombre de développeurs et de data scientists au cours des cinq dernières années.
Dans la continuité de ces échanges, Hajar Moussanif, professeure à l’Université Cadi Ayyad et experte en intelligence artificielle, a souligné que la réussite d’un tel programme repose avant tout sur une pédagogie repensée: « Former à l’intelligence artificielle ne consiste pas à transmettre des outils, mais à apprendre à penser, à questionner et à relier la technologie aux usages réels ».
Elle rappelle que l’IA dépasse largement le champ de l’informatique. Elle irrigue la santé, le droit, l’énergie, la biologie ou encore la finance. Pour elle, le Maroc doit encourager une approche interdisciplinaire, où la science des données s’articule aux enjeux économiques et sociaux. « La créativité, la pensée critique et la curiosité demeurent les qualités humaines que la machine ne saura jamais reproduire ».
Dès janvier 2026, la première promotion rejoindra les entreprises partenaires pour une immersion professionnelle prolongeant les cours entamés le 22 septembre 2025. Ce passage de la théorie à la pratique marquera une étape clé pour ces étudiants et, peut-être, pour la formation au Maroc. Que ce modèle trouve écho dans d’autres universités, tant l’apprentissage par l’expérience s’impose aujourd’hui comme une évidence. Comme l’a rappelé le président de la Fondation Al Mada, « le terrain reste le meilleur lieu pour apprendre ».