14 Septembre 2022 À 17:37
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La production de lait connaît actuellement une importante baisse. Ce qui s’est répercuté et d’une manière sensible sur l’approvisionnement du marché, comme en témoignent les commerçants que nous avons interrogés. Si ce recul de la production, qui serait compris entre 30 et 50% et qui touche toutes les régions du pays, est dû plutôt aux facteurs conjoncturels, il n’en demeure pas moins qu’il renvoie aussi à la situation d’un secteur où la crise sévit depuis quelques années déjà, d’après les avis que nous avons collectés. Pour un professionnel digne de foi, qui a requis l’anonymat, l’actuelle baisse de production du lait est due à deux facteurs.
Le premier est la fermeture d’un nombre important de fermes, qui reste à déterminer, sous l’effet de la sécheresse. Les éleveurs-propriétaires de ces fermes ont vendu leurs vaches laitières pour l’abattage, ne pouvant plus assurer leur alimentation. En fait, explique ce professionnel, les ressources fourragères, que ce soit la matière verte ou sèche (foin), connaissent une importante pénurie en raison de la sécheresse qu’a connue le pays. L’autre solution qu’est l’aliment composé est difficilement accessible, poursuit notre interlocuteur. Les prix des matières premières qui entrent dans ces aliments de bétail ont, en fait, connu une hausse sans précédent, ce qui s’est répercuté sur leurs prix. Sachant, souligne-t-il, que l’alimentation du bétail représente autour de deux tiers du coût de production du lait. De ce fait, la collecte du lait auprès des éleveurs pour les unités de production s’est repliée de 30% au cours du premier semestre de cette année par rapport à la même période de l’année dernière, selon ce professionnel. Et qu’en est-il du recours au lait en poudre ? Ce recours n’est plus vraiment une solution, vu que ce produit est très cher sur le marché international, rétorque notre interlocuteur. Par ailleurs, on ignore si c’est lié à cette conjoncture ou pas, mais le gouvernement vient d’approuver la décision de l’importation de génisses laitières (20.000 têtes) par l’octroi de subventions.
Pour faire face à toute cette situation, les producteurs ont demandé au gouvernement de répercuter les coûts sur le client final par l’augmentation des prix du lait pasteurisé, et ce lors d’une réunion au ministère de l’Agriculture jeudi dernier, nous révèle la même source. Une demande rejetée catégoriquement. Ce que Mohamed Taher Srairi, professeur de l’enseignement supérieur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, explique par le fait que le lait de boisson (dont la consommation constitue 80% au Maroc, contre 20% pour les produits dérivés du lait, ce qui est l’inverse de l’Europe) est considéré comme un produit ultra stratégique, et ce depuis 1993. De ce fait, pour toute augmentation de prix, l’autorisation d’une commission interministérielle est requise.
Rappelons que le lait UHT et les produits dérivés ont connu une hausse de prix. Le deuxième facteur qui explique la baisse de la production laitière, d’après notre source, est l’informel qui atteint des «proportions importantes», représentant 15 à 20% de l’activité. Cette prise d’ampleur de l’informel est attribuée par ce professionnel au fait qu’il est plus rémunérateur pour les éleveurs. En effet, précise-t-il, les colporteurs du lait paient le litre entre 5 et 5,50 DH, contre 3,60 à 4,00 DH par le secteur formel.Autant dire que le secteur laitier, qui est déjà en crise depuis quelques années, risque de s’enfoncer davantage. En effet, relève Mohamed Taher Srairi, la filière laitière souffre depuis 5 ou 6 ans, passant d’une crise à l’autre. Il s’agit notamment du boycott des produits laitiers d’une société de la place, qui a déstructuré le secteur en donnant lieu à une redistribution des parts de marché. Il s’agit aussi de la Covid qui a causé un ralentissement de la consommation et une baisse des revenus, de la sécheresse et, enfin, de l’inflation. «Le secteur est vraiment à genoux», martèle-t-il, en avançant que des multinationales qui ont investi dans ce secteur au Maroc sont sur le point de vendre leurs parts et de partir. D’ailleurs, rappelle-t-il, certains investisseurs ont déjà franchi le pas et sont partis.