13 Septembre 2023 À 16:46
Your browser doesn't support HTML5 audio
Alors que le bilan humain du séisme qui a frappé le centre du Maroc continue de s’alourdir, les appels à la générosité auprès du grand public se multiplient. Sauf que ces initiatives, même bien intentionnées, ne sont pas toujours conformes à la législation, échappant ainsi au contrôle des autorités compétentes. Ceci sans parler des arnaques et faux appels à la générosité publique qui trouvent dans des situations de crise un terrain fertile pour proliférer.
En effet, au lendemain du drame survenu dans la nuit du vendredi dernier, les réseaux sociaux ont pratiquement été inondés par les appels aux dons lancés aussi bien par des associations que par des particuliers, suscitant un vaste élan de générosité bienvenu, certes, mais pas systématiquement légal. Pourtant, ce domaine, régi auparavant par une loi lacunaire datant de 1971, bénéficie aujourd’hui d’un nouveau cadre législatif mieux ficelé. Il s’agit de la loi 18.18 qui réglemente désormais l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives.
>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz : voici les besoins des populations sinistrées
Ce nouveau texte, publié au bulletin officiel en janvier dernier, permet d’apporter un tour de vis vigoureux aux opérations caritatives afin de garantir leur transparence et d’éviter qu’elles ne soient détournées à des fins autres que celles annoncées. Il définit à cet effet les conditions d'appel aux dons, les règles régissant leur collecte et les modalités de leur utilisation, les conditions et règles de distribution des aides collectées, les modalités de contrôle ainsi que les sanctions prévues. Il faut dire que l’entrée en vigueur de la loi 18.18 tombe à point nommée vu qu’elle compte parmi ses nouveautés des dispositions exceptionnelles en cas de «catastrophes, fléaux et sinistres ayant occasionné des dégâts», dont l’obligation de l’obtention d’une autorisation préalable, à déposer auprès de l’administration 24 heures avant le lancement de l’opération (au lieu de 30 jours en temps normal).
Mais d’après les témoignages recueillis auprès de certaines associations et de bienfaiteurs particuliers, sa mise en application sur le terrain reste compliquée, surtout dans des situations d’urgence telles que ce séisme d’une ampleur sans précédent. Ce qui nous amène à nous poser des questions sur la légalité des centaines d’appels aux dons qui ont été lancés depuis samedi dernier via différents canaux dans un immense élan de solidarité. «Un grand nombre de ces appels à la générosité sont fort probablement dans l’illégalité et l’État est en droit de mettre la main sur tous les comptes créés dans le cadre de ces opérations», affirme Me Abdelkbir Tabih, avocat au barreau de Casablanca. Pour les dons en nature (denrées alimentaires, couvertures, médicaments…), le contrôle est plus compliqué, voire impossible.
Globalement, les avis convergent pour dire qu’en situation de catastrophe, l’urgence prime la loi puisqu’il s’agit de sauver des vies. «Je pense qu’au regard de l’impact de ce séisme qui a dévasté des villages entiers et du besoin d’aide urgente des populations sinistrées, les autorités préfèrent lâcher du lest et ne pas être très regardantes sur cette question d’autorisations», explique un observateur qui a requis l’anonymat. «Il y aura, certes, des dépassements et des escroqueries, mais une proportion conséquente de l’aide collectée arrivera certainement à destination et c’est l’essentiel», ajoute-t-il, soulignant qu’après le chaos des premiers jours du séisme, la collecte des aides devrait désormais mieux s’organiser en conformité avec la loi en vigueur.
Le mieux serait désormais de ne donner qu’aux associations régulièrement constituées ou encore de contribuer via le «Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre ayant touché le Royaume du Maroc» pour plus de garanties, ou encore de faire des dons en nature à l'Armée ou à la Fondations Mohammed V pour la solidarité. Pour rappel, seules les associations de la société civile dûment constituées sont autorisées à lancer des opérations d’appel à la générosité publique. Cependant, cette autorisation s’étend, à titre exceptionnel, aux personnes physiques si le but est d'apporter une aide urgente à des personnes en détresse en cas de catastrophes, fléaux et sinistres ayant occasionné des dégâts, à condition également d'obtenir l’autorisation préalable.
La loi 18.18 permet de protéger les donateurs, mais aussi les organisateurs des opérations ainsi que les bénéficiaires des aides. En effet, pour chaque opération de dons, la partie organisatrice est tenue de communiquer à l'administration un rapport détaillé sur l'avancement de cette opération, ainsi que de tous les documents et informations prouvant l'affectation de toutes les sommes collectées aux fins annoncées, tandis que l'entité distributrice devra soumettre à l'administration toutes les informations et les documents relatifs à la distribution de l'aide, et de préciser la valeur financière estimée de l'aide à distribuer, tout en précisant les sources de son financement.