Économie

Assurance : les annonces du régulateur aux agents et courtiers

Pour la 7e rencontre des agents et courtiers d’assurance, le président par intérim de l’ACAPS n’est pas venu les mains vides. Voici les révélation de Othman Khalil El Alamy.

Farid Bensaïd, président de la FNACAM. Ph. Seddik

06 Juillet 2023 À 17:12

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L’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) poursuit la construction de l’écosystème juridique régissant les produits d’assurance. Après le lancement du régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques en 2020, du Takaful et de la micro-assurance en 2022, le gendarme du secteur prépare actuellement les textes d’application de l’assurance Tous Risques Chantier (TRC) et RC décennale. Ces derniers seront publiés d’ici la fin de l’année. Annonce en a été faite par Othman Khalil El Alamy, président par intérim de l’ACAPS, lors de l’ouverture de la 7e édition de la rencontre des agents et courtiers d'assurance au Maroc, le 6 juillet à Casablanca. El Alamy invite ainsi la profession, assureurs et intermédiaires, à s’y préparer pour une entrée en vigueur en 2024.

Sur le chantier de digitalisation, le gendarme du marché affirme avoir créé une structure dédiée à l’innovation et à l’insurtech. «Cette structure se veut une interface pour les porteurs de projets qui souhaitent proposer des solutions innovantes au service des assurés et/ou de l’inclusion financière. J’invite les intermédiaires d’assurances, au même titre que les assureurs, à se rapprocher de cette structure pour les accompagner et les soutenir dans la concrétisation de leurs projets innovants », lance le président de l’ACAPS devant plus d’une centaine d’intermédiaires d’assurance. Et ce n’est pas tout.

Pour diversifier les sources de revenus des intermédiaires d’assurances, l’ACAPS affirme avoir travaillé de concert avec le département des Finances, la Fédération marocaine de l’assurance (FMA) et la Fédération nationale des agents et courtiers d’assurance du Maroc (FNACAM) sur un aménagement réglementaire pour étendre l’activité des intermédiaires à de nouvelles prestations dont les services de paiement, la gestion des sinistres ou les services administratifs pour le compte d’autrui. «Ces ouvertures permettront aux intermédiaires d’exercer de nouvelles activités génératrices de revenus et avoir l’opportunité de multiplier les contacts avec une nouvelle clientèle pour placer les produits d’assurances», souligne le président par intérim de l’Autorité.

Code des assurances : la refonte du livre IV avance

Le projet de refonte du livre IV du Code des assurances est sur la bonne voie. Selon le président par intérim de l’ACAPS, une première mouture est fin prête. Les grandes lignes de ce draft ont été soumises à la FMA et la FNACAM. À en croire El Alamy, le texte en projet sera mis dans le circuit législatif, d’ici la fin de l’année, une fois les discussions terminées. «Nous sommes conscients que la refonte du cadre légal régissant la distribution de l’assurance au Maroc reste un chantier structurant et déterminant pour le développement du marché national avec des enjeux importants sur l’écosystème», assure le gendarme du secteur. L’ambition portée par l’ACAPS est de doter la profession d’un dispositif de distribution «moderne» au service des assurés et de l’inclusion financière. «Nous veillerons dans le cadre de cette réforme au renforcement de la protection des assurés et à la consolidation du rôle des intermédiaires d’assurances dans le processus de souscription des contrats d’assurances.

L’objectif ultime étant d’asseoir le réseau de distribution sur des bases saines et solides pour lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la chaine de valeur et consolider, par là, sa position dans la relation entre l’assureur et l’assuré», fait valoir El Alamy. Ce projet de réforme ambitionne également d’allier le respect des normes et des bonnes pratiques dans la distribution d’assurance, tout en tenant compte de la politique économique générale du pays et de la réalité du marché national.

Agent et courtier d’assurance : les compétences plus que la licence universitaire

La réforme du livre IV du Code des assurances entend affranchir le secteur de la distribution de certaines contraintes qui font obstacle à son développement. L’objectif étant de libérer les énergies, aussi bien des entreprises d’assurances que des intermédiaires. Ainsi, cette réforme prévoit de supprimer la condition de disposer d’une licence universitaire et de réussir à l’examen professionnel comme unique possibilité d’accès à la profession et de la remplacer par d’autres conditions de compétences plus adaptées au métier de distributeur d’assurances de demain. «L’expérience nous a montré que cette condition a handicapé le développement du secteur et a instauré une instabilité en matière de succession pour les intermédiaires et de sécurisation du portefeuille pour les entreprises d’assurances. La suppression de cette condition sera de nature à favoriser et à sécuriser l’investissement aussi bien pour les intermédiaires que pour les entreprises. Bien sûr, il ne s’agit nullement de cannibaliser votre profession, mais de penser à des exigences alternatives en termes de compétences pour attirer des profils à forte valeur ajoutée et ainsi améliorer l’attractivité du métier, et ce en phase avec les normes internationales en la matière», détaille El Alamy. Dans le projet de réforme, l’accent est ainsi mis sur la valorisation du capital humain en tant qu’axe majeur.

La formation continue des agents et courtiers d'assurance coûte que coûte

Concrètement, il sera question de consacrer la formation continue comme levier pour renforcer les compétences des professionnels et accompagner leur montée en expertise. L’objectif, in fine, étant de permettre aux intermédiaires de mener à bien leurs missions et jouer pleinement leur rôle, dans un environnement réglementaire en constante évolution. «L’Autorité a déjà entrepris des actions de formation et de sensibilisation au profit des intermédiaires, à travers la plateforme e-wassite Attaamine sur laquelle nous comptons capitaliser dans le cadre de la nouvelle réforme. Nous envisageons aussi de nous appuyer sur les entreprises d’assurances et les associations professionnelles pour être des relais en matière de formation des intermédiaires d’assurances», souligne le patron par intérim de l’ACAPS.

Le projet de réforme consacre par ailleurs l’obligation d’information et le devoir de conseil à l’égard des assurés. Une exigence qui viendrait réaffirmer, selon El Alamy, le rôle de l’intermédiaire dans le conseil au client pour le choix du produit le plus adapté à son besoin. «Elle vise non seulement à protéger les assurés, mais aussi à valoriser l’apport de l’intermédiaire et consacrer son vrai rôle dans la chaine de valeur en assurance. Je souhaite, à ce titre, souligner que nous allons veiller à établir une certaine équité entre les différents acteurs de la distribution, en termes d’exigence de compétence, d’information et de conseil», insiste le président de l’ACAPS. Sur un autre registre, et dans un environnement en évolution continue où les assureurs, les intermédiaires et les autres acteurs ont besoin de plus d’agilité pour réduire les disparités spatiales et servir l’inclusion financière, l’ACAPS propose de repenser sa fonction dans la régulation de la distribution. L’idée est de revisiter l’approche dans la délivrance des agréments et autorisations pour répondre aux ambitions des différents acteurs visant le développement du marché. Le projet de réforme propose ainsi d’offrir plus d’agilité aux opérateurs pour l’ouverture des points de vente et/ou des succursales, tout en renforçant la responsabilisation des entreprises d’assurances dans leur politique de distribution et dans le contrôle de leurs agents.

TVA sur les commissions et reversement des primes d'assurance: l’énième appel de la FNACAM

C’était attendu. La FNACAM, par le truchement de son président, Farid Bensaïd, est revenue à la charge pour revendiquer la suppression de la TVA sur les commissions des intermédiaires et le règlement définitif de la problématique d’encaissement des primes. La profession demande en effet un non-assujettissement à la TVA des commissions versées aux intermédiaires par les entreprises d’assurance. Pour rappel, la rémunération versée par les compagnies d’assurance aux intermédiaires est assujettie à une TVA de 14%. La profession estime ainsi être doublement taxée puisqu’elle s’acquitte déjà de la taxe sur les assurances. «Nous n’avons cessé depuis des années de dénoncer cette injustice. Nous avons porté le débat à la Chambre des conseillers. Le paradoxe est que tout le monde est conscient de cette injustice mais rien n’a été fait jusqu’ici», déplore Bensaïd qui espère que cette 7e rencontre aboutisse à la définition d’au moins un échéancier pour résoudre cette problématique.

Le président de la FNACAM a, par la même occasion, insisté sur la nécessité de trouver une issue définitive pour débloquer les arriérées des primes d’assurances qui s’élèvent à 3,4 milliards de dirhams. «Une solution définitive à cette problématique est tout aussi importante pour notre secteur qui se trouve confronté à de multiples défis comme la digitalisation qui menace l’activité de distribution», lance Bensaïd à l’ACAPS et la FMA. Le patron de la FNACAM a rappelé que sur les 55 milliards de dirhams de primes émises en 2022, les intermédiaires d’assurance en ont drainé 70%, soit 38 milliards de dirhams. De même, sur l’assurance automobile, plus de 80% des primes transitent par le réseau des distributeurs. Rebondissant sur le volet du reversement des primes, le président par intérim de l’ACAPS relève une évolution «positive» durant les trois exercices écoulés, passant d’une créance globale déclarée par les entreprises d’assurance de 5 milliards de dirhams en 2020 à 3,4 milliards en 2022. «Cette situation est le fruit d’un effort soutenu qui a été fourni par l’ensemble des parties concernées et en particulier les intermédiaires d’assurances», fait valoir El Alamy.

Toutefois, nuance-t-il, cette amélioration reste en-deçà des attentes dans la mesure où elle continue à peser sur le quotidien des intermédiaires, notamment en ce qui concerne le temps imparti aux tâches administratives qui en découlent. Ce qui entrave, selon lui, le travail réel de l’intermédiaire d’assurance, à savoir les actions commerciales susceptibles d’améliorer la pénétration assurantielle. «L’ACAPS, avec les entreprises d’assurances, a entamé une réflexion sur une solution qui permettrait le paiement direct entre les mains de l’assureur et le reversement en temps réel de la commission aux intermédiaires en profitant des facilités offertes par le digital», rassure le gendarme du marché.

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