11 Avril 2023 À 19:59
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L’économiste et ancien parlementaire Abdelali Doumou était l’invité, lundi dernier, de l’émission l’Info en Face. Commentant divers sujets d'actualité, l’économiste a livré son analyse du contexte inflationniste actuel. Il a souligné à cet égard que la situation était complexe et que chacun devait jouer son rôle pour résoudre le problème. Selon lui, il y a trois facteurs qui contribuent à la hausse des prix au Maroc : l'effet importé, l'effet structurel et l'effet des intermédiaires.
Le premier facteur est lié à l'augmentation des prix des intrants importés pour la production et la consommation, due à la récession économique mondiale et à la décision des pays de l'OPEP de réduire leur production de pétrole. Le deuxième facteur, structurel, est dû au stress hydrique, à la sécheresse et à l'interdiction d'irrigation qui ont conduit à une baisse de la production agricole. Le troisième facteur est l'effet des intermédiaires qui augmentent les prix lors du transport et de la distribution des produits.r>Pour toutes ces raison, M. Doumou estime qu’il est difficile de prédire les perspectives des prix pour 2023, d’autant que la situation géopolitique actuelle est fluctuante et impacte les dynamiques économiques. Mais il a toutefois relevé qu'il était important de mettre en place des mesures pour se prémunir de nouveaux canaux de transmission d'une inflation qui prendrait sa source au niveau des intrants et de trouver des solutions pour améliorer la production agricole en utilisant des méthodes d'irrigation plus efficaces.
Est-ce que le gouvernement doit revoir sa stratégie d'anticipation de l'inflation ? En réponse à cette question, Abdelali Doumou a souligné que la mauvaise anticipation de la question hydrique est un exemple de l'échec du gouvernement à anticiper les problèmes. Bien que le Maroc ait fait de la construction des barrages le fondement de sa politique agricole, le pays a tardé à se rendre compte de l'urgence de la question hydrique. Aujourd'hui, le choix entre l'eau potable et la production alimentaire est difficile à faire. La question de l'eau est complexe et nécessite une coordination entre les différents acteurs du domaine de l'eau et de l'agriculture. Abdelali Doumou recommande de déléguer cette question à un ministre relevant directement du Chef du gouvernement, avec toutes les prérogatives de coordination et d'arbitrage.
Est-ce qu'il est encore temps d'anticiper de nouvelles menaces inflationnistes ? Concernant les menaces extérieures, répond-il, il existe des mécanismes qui atténuent l'impact sur les populations locales, tels que les taxes sur les recettes des hydrocarbures ou les subventions directes accordées aux populations vulnérables. Cependant, le marché des hydrocarbures est oligopolistique et résiste à la logique du marché, ce qui empêche une baisse des prix au niveau local, même en cas de baisse mondiale. C'est un problème fondamental qui nécessite une régulation politique.
De plus, Abdelali Doumou observe que les subventions actuelles ne profitent pas aux couches vulnérables et pense que la mise en place d'un revenu universel est nécessaire. Toutefois, cette mesure doit s'inscrire dans le cadre d'une vision politique et d'une réforme fiscale pour mobiliser les moyens nécessaires. Pour Abdelali Doumou, les initiatives sectorielles sont insuffisantes si elles ne sont pas coordonnées dans le cadre d'une vision politique globale. Il recommande donc de mettre en œuvre les réformes fiscales envisagées lors des Assises et de la loi-cadre pour réformer le système fiscal de manière proportionnelle aux revenus.
Abdelali Doumou souligne aussi que notre problème actuel qui nécessite un traitement urgent est la restructuration des marchés de gros et la question des intermédiaires. Une loi a été proposée, mais elle doit être mise en place rapidement pour éliminer les rentes qui affectent les populations vulnérables. Pour lui, Il y a une crise hydrique en cours qui a gravement affecté la production agricole, entraînant une panique et une augmentation des prix des produits alimentaires, y compris la viande importée pour la première fois. La mise en valeur des terres agricoles coûte désormais le double de ce qu'elle coûtait en 2019, ce qui affecte non seulement les populations rurales, mais aussi les couches moyennes, explique-t-il. Cette situation dramatique nécessite une alerte politique sérieuse et une vision politique horizontale, ainsi qu'une synchronisation des interventions publiques dans les territoires.
Enfin, ajoute-il, la solution au problème hydrique prendra des années et des programmes de développement régionaux ont été mis en place pour donner la priorité à la question de l'eau dans les Conseils régionaux. Il est urgent de prendre des mesures pour éliminer les rentes, restructurer les marchés de gros et piloter efficacement les investissements et le secteur public, afin de protéger les populations vulnérables et réduire l'impact économique de la crise hydrique sur le pays.
Sur un autre sujet, Abdelali Doumou souligne que la Charte de l’investissement ne peut produire des effets concrets sans une refonte de la politique publique d'investissement, qui doit être repensée pour renforcer l'économie de marché et garantir l'égalité des chances pour les TPE, les PME, les entreprises moyennes et tous les acteurs du marché. «Si cet aspect n'est pas renforcé au niveau de la politique d'investissement public, les mesures prises en aval seront inutiles, car l'amont va dans un sens contraire», explique-t-il. En effet, l'effet d'éviction peut annuler les options politiques du gouvernement, malgré l'arsenal mis en place. En outre, il souligne que le faible rendement de l'investissement public est un deuxième problème majeur qui doit être abordé. «Sans une réforme du secteur public, rien ne changera», a-t-il ajouté. Par conséquent, une refonte de la politique publique d'investissement est nécessaire pour améliorer l'efficacité de l'investissement public et assurer une croissance durable et équitable pour tous les acteurs économiques.
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