La décision de Bank Al Maghrib (BAM) d'augmenter le taux directeur à 3% «est une décision qui s'inscrit dans l'air du temps», souligne le directeur de l’ISCAE-Rabat et membre du Centre marocain de conjoncture, Tarik El Malki. Expliquant qu'il existe deux façons de maîtriser l'inflation, dont une passe par le biais de la politique monétaire, qui tente de la juguler sur un plan technique en augmentant les taux d'intérêt et donc en freinant la demande et la consommation des ménages, M. El Malki fait remarquer que dans le cas du Maroc, «il n'y a pas de choc de demande excessive». Au Maroc, précise-t-il, «nous avons l'inverse, c'est-à-dire un choc d'offre négatif». Et en réalité, constate l'invité de «L'Info en Face», «la demande n'augmente pas ou n'augmente que très peu». Et «ce qui me paraît un peu surprenant, c’est que l'impact de cette augmentation du taux directeur va gruger les politiques d'investissement des entreprises, freinant par là même la relance économique», dit M. El Malki, qui est, rappelons-le, membre de l’USFP.
L'impact direct et indirect de la hausse des taux sur l'inflation n'aura pas réellement d'effet important
La décision de BAM, de l'avis de M. El Malki, n'aura donc pas d'impact sur l'inflation, et ce pour plusieurs raisons. Au-delà du choc d'offre négatif, la masse monétaire en circulation, indique-t-il, n'est pas l'apanage des banques, mais plutôt des particuliers, en raison du taux de bancarisation qui reste encore faible. «Pour un pays comme le Maroc, il me semble que l'impact direct et indirect de la hausse des taux sur l'inflation n'aura pas réellement d'effet important», affirme-t-il. Cette décision, ajoute-t-il, va à l'encontre des échéances économiques en termes d'investissement, notamment le renforcement de l'investissement privé tel que prôné par le nouveau modèle de développement.
La maîtrise de l'inflation doit passer par une approche sociale
Du point de vue de l'économiste, les mesures de lutte contre l'inflation au Maroc sont à prendre en fonction de paramètres sociaux qui tiennent compte de la revalorisation des salaires, de la sécurité alimentaire et de la réforme fiscale. En ce qui concerne le premier point, M. El Malki est favorable à une augmentation des salaires qui doit se faire de manière responsable et résulter d'un dialogue social multidimensionnel. À la question de savoir si une telle augmentation ne reviendrait pas à alimenter davantage l'inflation, l'économiste rétorque qu'en économie, il faut bien se garder des certitudes. «Ces dernières années ont montré qu'il y a un flou», affirme l'économiste, ajoutant que «la prudence, la raison et surtout le bien-être collectif doivent nous guider» et qu'«il y a un dialogue (social) à engager par secteur en évitant d'arriver avec des décisions toutes faites».
Quant à la sécurité alimentaire, M. El Malki plaide pour une sécurisation de l'approvisionnement et une lutte sans faille contre les spéculateurs et les intermédiaires. Parfois, note-t-il, «le rapport entre le prix à la consommation et le prix à la production est multiplié par quatre». La lutte contre ces phénomènes spéculatifs est donc incontournable, de même que la restructuration des filières agricoles et le raccourcissement des chaînes de valeur. L’économiste se prononce également en faveur d’un plafonnement et/ou contrôle des prix de première nécessité.
En ce qui concerne la réforme fiscale, M. El Malki se prononce en faveur d'une réduction, voire d'une suppression de la TVA sur certains produits de première nécessité. L'économiste est également favorable à l'introduction du concept de foyer fiscal, qui consiste à taxer non pas les individus isolément, mais plutôt le ménage qu’ils constituent, et à déduire certaines dépenses (frais de scolarité des enfants, par exemple) de la base imposable.Lire aussi : L’inflation au Maroc est purement monétaire (Nabil Adel)