01 Mars 2023 À 20:13
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De l’éducation à l’agriculture biologique, en passant par les énergies renouvelables, la santé, le recyclage… beaucoup d’entrepreneurs choisissent d’investir dans des projets orientés impact, ce qui en fait des entrepreneurs sociaux. Entreprendre dans l’économie sociale et solidaire (ESS) est une façon d’impulser un changement social et de faire évoluer la société dans son ensemble. Ceci passe inévitablement par le fait de placer l’efficacité économique au service de l’humain et de l’environnement.
Or l’ESS attend toujours sa loi-cadre ! Pourtant, depuis avril 2022, le département de l’Artisanat et de l’économie sociale et solidaire avait enclenché le processus de restructuration et de renforcement du cadre juridique régissant ce secteur. La mission de préparation de ce nouveau cadre juridique a été confiée au cabinet Southbridge pour près de 4 millions de dirhams. Pour le ministère, l’élaboration d’une loi-cadre dédiée à l’ESS est une étape importante qui marque la volonté commune de dynamiser et de développer encore plus cette économie. À travers ce nouveau cadre réglementaire, le Maroc souhaite encourager et accompagner le développement et le changement d’échelle de l’ESS, du point de vue économique, social, environnemental et culturel.
Lors de leur neuvième Congrès, les experts-comptables s’étaient penchés sur la question et avaient formulé une série de recommandations pour l’élaboration d’un cadre légal de l’activité. L’Ordre des experts-comptables a notamment suggéré la mise en place d’un cadre légal opérationnel adapté au contexte marocain, le développement du savoir-faire dans le domaine de l’innovation sociale, la mise en œuvre d’une fiscalité adaptée et l’encouragement des partenariats public-privé ainsi que le secteur associatif afin de garantir un meilleur encadrement. L’entrepreneuriat social, qui évolue au sein de l’ESS, sera plus fort avec un tel cadre législatif qui comprendra l’ensemble des acteurs d’utilité sociale.
En attendant la loi-cadre sur l’ESS, le développement de l’entrepreneuriat social se fait ressentir grâce à un certain nombre d’acteurs qui agissent comme des boosters de cette dynamique, notamment auprès des jeunes. En effet, le Maroc compte plusieurs programmes pour soutenir l’entrepreneuriat de manière générale. Toutefois, beaucoup d’experts appellent à créer des programmes avec un focus sur l’entrepreneuriat social. Et c’est la mission que s’assigne le Centre marocain pour l’innovation et l’entrepreneuriat social (MCISE). Il est l’un de ces acteurs qui ciblent la sensibilisation et l’accompagnement des jeunes porteurs de projets à impact social. Le MCISE, qui vient de fêter ses 10 ans d’existence, joue la proximité en favorisant le travail sur le terrain dans les 12 régions du pays.
Le centre, aux côtés de plus de 100 partenaires, œuvre à la sensibilisation, l’éducation, l’apprentissage, l’incubation et l’accompagnement des porteurs de projet, ainsi qu’à la recherche en matière d’entrepreneuriat social. Ainsi, plus de 4.000 projets ont été incubés réalisant près de 50 millions de dirhams de chiffre d’affaires, soutenus par des subventions dont le montant total s’élève à plus de 20 millions de DH. Ces réalisations ont pu être accomplies à travers plus de 30 programmes implémentés dans plus de 10 pays et plus de 2.000 évènements organisés (hackathons de génération d’idées, bootcamps, formation, etc.). Le centre s’active également pour diversifier les partenariats pour l’impact régional et contribuer directement et indirectement à la création d’opportunités économiques. Le MCISE est également engagé pour le dialogue intergénérationnel en réunissant des centaines d’entrepreneurs accompagnés pendant 10 ans avec des lycéens et des étudiants qui ont pu développer leur esprit d’innovation sociale, notamment à travers le programme «Tanara» dédié à la promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat social au sein des lycées marocains.
«Un entrepreneur doit d’abord avoir une mission sociale et une mission économique. Il doit dégager des bénéfices tout en mettant l’humain au centre de son business. Il vient agir sur des problématiques sociétales que d’autres ne vont pas oser investir, ni l’État ni le privé», note Ghizlaine Maghnouj Elmanjra, présidente de «Maroc Impact». En rappelant que l’entrepreneuriat social, et l’ESS en général, contribue à hauteur de 12% du PIB européen et de 2% du PIB national, elle appelle les parties prenantes à s’engager pour une économie sociale à haut potentiel. Le point clé pour y parvenir est d’encourager l’innovation sociale au même niveau que ce que l’État fait pour promouvoir l’innovation digitale. «Aujourd’hui, nous avons besoin d’innovation parce que notre modèle s’est essoufflé. Nous avons besoin surtout d’innovation sociale et le digital est l’un des outils à mettre à son service. L’innovation sociale suppose la création d’une synergie collective pour réinventer notre mode de création de valeur et de richesses au service des territoires», explique la militante sociale.
C’est ce que confirme également une nouvelle étude publiée par l’«International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and Economics» (IJAFAM) sur l’écosystème de l’innovation sociale au Maroc. Selon ce rapport, le Royaume doit chercher de nouvelles alternatives de développement social mettant l’humain au cœur des actions, et aligner ses politiques sociales avec les bonnes pratiques de l’innovation sociale. Cela permettra l’évolution économique et sociale du pays ainsi que l’insertion socioprofessionnelle des individus dans une aventure de création du bien-être individuel et collectif.
Autre constat alarmant, émanant cette fois-ci de l’Organisation internationale du travail (OIT) : «un manque de synergies entre les nombreux acteurs gouvernementaux agissant à différentes échelles du territoire sur la question de l’innovation sociale et une absence de gouvernance globale sur la question. Les acteurs publics territoriaux valorisent de manière limitée les innovations sociales. Donner aux régions un rôle d’accélérateur du développement des innovations sociales permettrait aux territoires de piloter des actions à l’échelle de leur zone».
Encore des défis à relever pour dynamiser l'entrepreneuriat social