14 Juin 2023 À 16:39
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La Fondation des enseignants-médecins libéraux (FEML) vient de publier un livre intitulé «Exode des compétences médicales au Maroc : Menaces ou opportunités ?» Cet ouvrage de 85 pages recueille les avis de nombreux experts qui ont été sollicités par la Fondation pour débattre de ce sujet. Il renferme également les principales recommandations et idées qui ont été débattues lors du séminaire organisé par la FEML en avril 2022 sur le même thème. «L’objectif de ce livre est d’étudier le phénomène de l’exode des compétences médicales de façon approfondie en révélant les causes et en proposant des solutions adaptées et durables», indique Pr Mouhcine El Bakkali, secrétaire général de la FEML et auteur du livre. Et d’ajouter que «le chantier de la généralisation de la couverture médicale est confronté à un grand défi, celui du manque de moyens humains. Si le phénomène de l’exode des compétences médicales est un fléau mondial, le Maroc, qui cumule déjà un déficit chronique qualitatif et quantitatif en compétences médicales, se trouvera lourdement handicapé, et toute tentative de réforme visant à améliorer l’offre de soins sera compromise».
Le médecin rappelle également dans le livre que le Maroc enregistre un déficit qui dépasse 30.000 médecins et plus de 60.000 personnels infirmiers. Quant au départ annuel des médecins marocains vers l’étranger, il est estimé à 600. «Les raisons de cet exode sont multiples et variées, allant de la recherche de l’épanouissement scientifique et moral à des motivations matérielles… Mais ces chiffres alarmants nous poussent à ouvrir un dialogue sincère et profond entre les décideurs de la Santé, de l’Enseignement supérieur, du Conseil national de l’Ordre des médecins, du législateur et des professionnels de la santé, tous secteurs confondus», souligne Pr Bakkali dans cette ouvrage. Ce dernier précise également que la nouvelle loi qui autorise les médecins étrangers à exercer au Maroc et qui a suscité un grand débat n’a apparemment pas donné les résultats escomptés. Plus d’un an après son application, il y a eu moins d’une dizaine de demandes d’installation de médecins étrangers au Maroc.
Le secrétaire général de la FEML indique, en outre, qu’en plus de l’exode externe, l’exode interne est aussi grave et plus menaçant pour l’offre de soins dans le secteur public. «Plus de 80% des médecins en formation (résidents) sont bénévoles et refusent d’intégrer le secteur public, pis encore, presque 100% des médecins spécialistes du secteur public refusent de prolonger leur activité dans le secteur public après la fin de leur contrat. Trois principales motivations sont derrière ce tsunami d’abandons de poste. Il s’agit des conditions salariales, des conditions de travail et des raisons familiales».
D’après les témoignages, d’autres raisons expliquent le départ massif des compétences médicales des CHU vers le privé ou vers l’étranger telles que l’absence de démocratie et de méritocratie au niveau des CHU (promotion et nomination obéissant plus au critère de l’ancienneté qu’à celui du mérite), l’absence de gestion collégiale des services, le monopole imposé par certains chefs de service… «Les solutions que nous pouvons proposer pour les CHU et le secteur public sont inspirées des modèles anglo-saxons. On peut ainsi démocratiser et limiter la durée du mandat des chefs de service (trois ans renouvelables une fois), élargir, réglementer et revoir le temps plein aménagé (TPA) pour motiver les médecins enseignants et les médecins de santé publique à ne pas quitter le secteur public en leur accordant une activité à mi-temps dans le secteur libéral (cette mesure doit être élargie au personnel infirmier…). Il faut également ouvrir des postes d’agrégation à l’échelle nationale répondant aux besoins et non être tributaires des contraintes budgétaires…».
Et pour freiner l’exode des jeunes en quête de spécialisation, d’hyper-spécialisation ou de lieu d’exercice attractif, il est recommandé d’élaborer en urgence une politique de motivation et de sensibilisation préventive et en amont auprès des étudiants en médecine dès leur admission. Cette approche devrait être faite sous forme de débats avec des médecins installés dans le public ou dans le privé et surtout privilégier les médecins qui ont choisi de revenir exercer au Maroc (le come-back médical).
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