08 Mars 2023 À 17:09
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Le secteur des assurances est déterminé à intégrer davantage les nouvelles technologies dans ses process et franchir une nouvelle étape de sa transformation digitale. Après l’e-constat, la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR) et l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) planchent sur la dématérialisation de l’attestation de l’assurance auto. Le préalable qui consistait en la mise en place d’un référentiel national de production est aujourd’hui achevé. «Nous attendons, avec impatience, la levée des contraintes réglementaires avec l’espoir de voir ce projet déployé au Maroc au second semestre de cette année», annonce Hassan Bensalah, président de la FMSAR, lors de l’ouverture de la neuvième édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance, le 8 mars. Thème de cette édition : l’assurance automobile entre progrès technologique et évolution des mobilités.
Pour Hassan Bensalah, les nouvelles technologies sont un levier important pour l’évolution du métier de l’assurance et offrent des possibilités «intéressantes» dans l’amélioration de l’expérience client. L’évènement a constitué l’occasion pour la profession d’alerter le régulateur sur certaines problématiques qui minent le secteur à l’instar du processus de recouvrement des primes d’assurance automobile. «Il n’est pas normal que notre secteur reste prisonnier d’un système archaïque, qui peut entraîner, dans certains cas, des situations dramatiques chez les intermédiaires. Les nouvelles technologies monétiques peuvent servir à améliorer ce process et le sécuriser», relève Hassan Bensalah devant une salle archi-comble. Le patron du groupe Holmarcom indique que la FMSAR est actuellement accompagnée par l’un des «leaders mondiaux de la monétique» pour réfléchir aux solutions en mesure de fluidifier la remontée du cash aux compagnies et le versement, dans la foulée, de la commission aux intermédiaires.
Autre sujet qui préoccupe la profession : l’augmentation significative du coût des sinistres matériels, sous l’effet de l’inflation. Selon Hassan Bensalah, les assureurs automobiles n’ont pas répercuté cette hausse sur leurs tarifs. «C’est un phénomène qu’il faudra, en revanche, surveiller de près, pour ne pas déstabiliser nos résultats techniques, à un moment où les marchés financiers ne sont pas au meilleur de leur forme», souligne le président de la FMSAR.
Un autre clin d’œil à l’ACAPS, l’intégration de la norme IFRS 17 dans la publication des comptes des assureurs. «Sur le plan réglementaire, le lancement des études de convergence pour la migration vers une solvabilité basée sur les risques et la préparation de la publication de nos comptes, selon cette norme, a mis notre secteur à rude épreuve ces dernières années. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’évolutions incontournables, mais il est important de garder en vue la taille de notre marché et de ses acteurs», avertit Hassan Bensalah en s’adressant au régulateur.
Othman Khalil El Alamy, président par intérim de l’ACAPS, qui a pris la parole lors de l’ouverture de l’évènement, a assuré que l'institution qu'il dirige est «pleinement engagée» dans le projet de dématérialisation des attestations d’assurance automobile et encouragera les initiatives de vente en ligne de produits d’assurance. Mais ce qui le préoccupe le plus en tant que régulateur, c’est surtout le barème d’indemnisation des victimes des accidents de la circulation. Othman Khalil El Alamy estime, en effet, que le barème actuel, établi depuis déjà 40 ans, doit être révisé pour tenir compte de l’inflation et permettre aux citoyens de faire face à l’augmentation du coût de la vie. Sans mâcher ses mots, le patron par intérim de l’ACAPS a lancé aux assureurs : «notre marché qui est souvent cité en exemple dans son environnement régional ne doit pas occulter cette problématique. On doit s’atteler à trouver une solution pour revoir ce barème». Le régulateur a, par ailleurs, souligné l’urgence de mener la réflexion pour libérer les critères tarifaires et instaurer une «vraie concurrence» dans l’assurance auto obligatoire. «Je suis confiant dans votre capacité d’adaptation, vous l’avez déjà prouvé par l’innovation et la concurrence au service du client au titre des garanties annexes à l’assurance automobile», a-t-il lancé aux assureurs. Sur le plan de la solvabilité des assureurs, Khalil El Alamy a annoncé que le projet de solvabilité basé sur les risques a été lancé. Ce dernier devra être «stabilisé» d’ici la fin de l’année avant sa validation finale et son entrée en vigueur.
La ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, dont le discours a été lu en son nom par Fouzia Zaâboul, directrice du Trésor et des finances extérieures, n’a pas fait d’annonces concrètes pour le secteur. L’argentière du Royaume a surtout indiqué que des opportunités «indéniables» s’offrent aujourd’hui aux assureurs grâce aux nouvelles technologies comme la blockchain, l’intelligence artificielle et le Cloud computing qui génèrent de nouvelles possibilités d’innovation sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Pour la ministre, les Fintech et les sociétés technologiques constituent pour les assureurs une occasion pour gagner en agilité, automatiser les processus, digitaliser le parcours clients et proposer des offres adaptées au nouveau mode de consommation. En plus, assure Nadia Fettah Alaoui, les nouvelles technologies offrent aux assureurs la possibilité de gérer les risques en se basant sur la data qui leur fournit de l’actuariat de pointe. «De nouvelles solutions émergent dans le monde pour accompagner ces enjeux comme les produits d’assurance comportementale grâce aux objets connectés qui permettent aux clients de bénéficier d’un tarif modulé en fonction des risques et de la sinistralité», indique la ministre.
Selon elle, si les nouvelles technologies offrent des opportunités de développement, elles sont également porteuses de risques comme les cyber-attaques. D’où la nécessité, souligne-t-elle, de promouvoir la sécurité du secteur des assurances en se basant sur un cadre réglementaire adapté qui garantit la stabilité financière sans pour autant brider l’innovation. «Ainsi, une réflexion devrait être menée sur l’évolution du cadre juridique de l’assurance en relation avec la révolution digitale continue et plus rapide. En effet, le cadre juridique régissant les assurances a été rédigé selon des modèles économiques plus traditionnels ce qui le rend peu évolutif pour tenir compte de la transformation numérique», souligne Nadia Fettah Alaoui qui ne fournit pas de précisions sur ce chantier.
La ministre s’est contentée de soutenir qu‘au-delà de la stabilité et de l’innovation, le nouveau cadre juridique devra permettre d’accueillir de nouveaux acteurs dans la sphère de l’assurance. En effet, poursuit-elle, les nouveaux entrants dans le secteur, notamment les startups technologiques et les prestataires de services techniques, ne correspondent plus aux catégories d’intermédiaires classiques. «Leur supervision nécessitera sans aucun doute un dialogue avec ces nouveaux acteurs non habitués à la réglementation financière afin de mieux comprendre leurs modèles économiques et nécessitera une coordination avec les autres régulateurs au regard des interactions qu'ils peuvent créer», explique l’argentière du Royaume. La ministre conclut son intervention en soulignant que son département est conscient de l’importance de disposer d’un cadre juridique «équilibré» entre le besoin d’encourager l’innovation et le souci de protéger le consommateur et le marché des risques émergents.
Le secteur des assurances a amorcé avec «succès» une première phase de réformes engagées depuis 2002 avec des résultats «à la hauteur de nos attentes», se félicite le patron de l’ACAPS. Résultats des courses, le secteur draine aujourd’hui plus de 55 milliards de dirhams de chiffre d’affaires, dont à peu près 20 milliards au titre de l’épargne, et investit quelque 220 milliards de dirhams dans l’économie nationale. S’agissant de l’assurance automobile, elle pèse 14 milliards de dirhams. Mais le défi pour le patron de la FMSAR, Hassan Bensalah, ce sont les populations à faibles revenus et les TPE qui demeurent largement sous-assurés, en dépit du taux de pénétration de l’assurance qui a dépassé les 4% du PIB. «Nous sommes heureux du chemin parcouru, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale de l’inclusion financière.
Plusieurs expériences réussies de micro-assurance ont vu le jour, mais il reste encore fort à faire», insiste Hassan Bensalah. Selon lui, l’autorisation accordée aux établissements de paiement pour la distribution des produits de micro-assurance, ainsi que les réflexions que la profession mène avec les ministères de l’Inclusion économique et de l’Industrie et du commerce vont «contribuer à rendre l’assurance accessible à un grand nombre de nos concitoyens». De même, recommande le président de la FMSAR, les opérateurs Takaful, qui ont démarré leurs activités en 2022, en collaboration avec les banques participatives, devraient également apporter leur contribution à l’effort collectif.
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