Économie

Les pistes des Directions financières pour garder le cap face à l’incertitude

Le cycle de conférences du Groupe «Le Matin» revient pour une nouvelle édition en 2023 en partenariat avec PwC sur les priorités pour les directions financières en 2023 pour garder le cap dans une conjoncture économique incertaine. L’occasion de débattre des enseignements de l’étude «Priorités 2023 des Directions financières au Maroc», réalisée pour la première fois au Maroc.

Ph : Sradni

22 Janvier 2023 À 16:37

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Face aux contextes économiques incertains, quelles priorités pour garder le cap en 2023 ? Ce questionnement soulevé par Mohammed Haitami, président-directeur général du Groupe «Le Matin» en introduction de la Matinale du Groupe «Le Matin», en partenariat avec PwC, a été au centre des échanges des experts sollicités pour débattre des enjeux à venir des directions financières.

En effet, la direction des affaires financières (DAF) est aujourd’hui plus que jamais appelée à se transformer pour accompagner les managers pour tenir la barre dans un climat de «permacrise» ou de crise sans fin. Inflation, pandémie, conflit russo-ukrainien, changements réglementaires… les risques sont multiples et complexes, d’où la nécessité pour les responsables des directions financières de veiller au bon pilotage de la performance à la fois organisationnelle et financière.

«Depuis le lancement de l’étude sur les priorités des directions financières, nous demandons le niveau de confiance ou d’inquiétude sur les perspectives de croissance. Aujourd’hui, il y a quelques signaux faibles qui montrent que l’inquiétude sur la croissance à trois ans est revenue au même niveau que durant la période Covid», a indiqué Laurent Morel, associée Consulting Finance, PwC France et Maghreb, notant que cet aspect est à prendre en compte dans la manière dont les directions financières se projettent dans l’avenir, malgré la confiance affichée (78% des directeurs financiers au Maroc sont confiants dans les perspectives de croissance de leurs entreprises).

La data, le nerf de la guerre

De son côté, Alexandre Javelle, directeur financier Maroc Groupe Bel, a souligné que l’enjeu à venir pour les directions financières est de former les collaborateurs et trouver les ressources en dépenses d’investissement (Capex) et en temps pour déployer les outils d’exploitation de la data afin d’optimiser la performance des entreprises. «Il est clair pour tout le monde qu’on n’aura plus à gérer que des périodes de crise. Maintenant, il faut qu’on réagisse très rapidement et l’une des premières exigences est la gestion du cash et avoir la capacité de prévoir où on va. Pour ce faire, il faut investir pour développer les moyens qui permettent d’utiliser la data», a-t-il affirmé.r>C’est d’ailleurs l’un des constats phares relevés par l’étude de PwC auprès des directeurs financiers au Maroc présentée lors de la Matinale. Selon l’étude, 92% des directions financières interrogées envisagent d’investir dans la digitalisation de la fonction finance à court terme et 69% envisagent de faire évoluer leur modèle budgétaire à court terme. Un défi qui nécessite une transformation de cette fonction vitale au sein des entreprises et son ouverture sur son environnement. Les process prévisionnels au sein des directions financières doivent être plus digitalisés et plus dynamiques.

Pour Assia Benhida, Partner, Market & ESG Leader Maghreb, PwC France et Maghreb, «il y a urgence à prendre en main le sujet de la transformation de la direction financière, qui est extrêmement important dans le contexte d’incertitude que nous vivons. Car, aujourd’hui plus que jamais, la fonction finance est celle qui va aider de plus en plus à aiguiller les décisions en entreprise». Et d’ajouter que la transformation de la DAF passe à la fois par l’upskilling des compétences et leur hybridation.

Les critères ESG au cœur des transformations de la DAF

La globalisation a un impact direct sur les transformations qui s’opèrent au sein des entreprises. Des évolutions qui se font sentir notamment au niveau réglementaire où la décarbonation et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont devenus impératifs. Un constat partagé par Assia Benhida : «la donnée extra-financière est aussi importante que la donnée financière pour les entreprises. La vague ESG est aussi importante que celle du digital, sauf que celle-ci ne prendra pas autant de temps pour s’installer. Les entreprises, plus particulièrement les directions financières, ont quelques années pour s’adapter et être prêtes».

Même son de cloche auprès de Mouna Mahfoud, directrice exécutive Finance du Groupe Managem, qui a mis l’accent sur l’importance de la veille réglementaire aussi bien fiscale qu’environnementale. «Au-delà des exigences réglementaires, la RSE et les critères ESG deviennent une exigence opérationnelle de performance de toute entreprise. Ces critères interviennent aussi bien sur l’environnement, l’impact sociétal et la gouvernance, ce qui en fait un must-have à tous les échelons de l’entreprise», a-t-elle assuré. Et de conclure que la DAF se positionne aujourd’hui comme un business partner aussi bien du CEO que du comité exécutif de l’entreprise avec toutes ses fonctions et ses dimensions opérationnelles en termes de pilotage de la performance. 

Mohamed Sellam

 

Étude PwC au Maroc : Les Directions financières doivent se transformer pour répondre aux multiples crises

Entre tensions économiques et géopolitiques, les directions financières font face à de nouvelles problématiques. Dans l’optique d’identifier ces enjeux, le cabinet PwC a publié une étude sur les priorités 2023 des directions financières.

Le cabinet international de conseil et d’audit PwC a publié la première d’étude des priorités des directeurs administratifs et financiers (DAF) du Maroc, intitulée «Garder le cap face à l’incertitude». S’appuyant sur les réponses de plus de 50 directions financières de dix secteurs différents, elle vise à identifier les défis et les enjeux majeurs auxquels sont et seront confrontés les DAF à court terme et d’ici trois ans. Dans un climat de «permacrise», c’est-à-dire un état de crise permanent, le secteur de la finance fait face à de nombreux challenges. L’enjeu principal est d’anticiper l’évolution du modèle économique de l’entreprise tout en apportant des réponses financières et opérationnelles adaptées.

Plusieurs risques ont été identifiés. Pour les grands groupes, il s’agit, hiérarchiquement, de l’inflation, des impacts de la guerre en Ukraine et de la pénurie de talents. Du côté des PME, l’ordre de priorité diverge avec, en premier lieu, les impacts de la guerre en Ukraine, puis l’inflation et, enfin, les nouvelles réglementations. Les directeurs financiers sont sollicités par la direction générale, mais aussi les actionnaires pour répondre à ces problématiques. Or il y a un décalage entre les capitaux actuels (humains, financiers, produit, etc.) et ceux nécessaires pour pallier ces risques.

Une restructuration du secteur de la finance

D’ici les trois prochaines années, une transformation du secteur est alors primordiale. Les entreprises interrogées ont identifié trois enjeux d’évolution majeurs : maîtriser les risques (24%), appuyer davantage les métiers de la prise de décision (23%) et gagner en efficacité opérationnelle (23%). À noter que les priorités des directions financières pour 2023 ne suivent pas cette hiérarchie : gestion du cash, maîtrise des risques et, enfin, pilotage des performances.r>Le numérique est un axe principal de travail pour 92% des DF qui envisagent d’investir dans le digital. Principalement, dans la Robotic Process Automation (33%) et la data (44%). L’objectif est de fournir une information de meilleure qualité à moindre coût, plus rapidement et efficacement.

Or cette digitalisation s’accompagne de nouvelles compétences liées à la data, à l’IT et à la RSE. Les directions financières ont besoin à moyen terme de business partner avec, principalement, des soft skills. Le DAF actuel aiguille dorénavant la direction. Pour trouver ce type de profils, la majorité des directions financières (52%) préfèrent miser sur la formation. Cependant, retenir les «talents» reste difficile. Le secteur de la finance doit se rendre attractif, selon les critères des jeunes générations que sont la rémunération, les perspectives d’évolution, la culture de l’entreprise et la politique RSE.r>D’ailleurs, ce dernier point est également un axe majeur de travail pour les directeurs financiers, étant une exigence pour les organes de gouvernance, les investisseurs et la société civile. Face à une évolution des réglementations, les directions financières doivent gérer les risques RSE tout en créant de nouveaux modèles d’activités liés aux enjeux ESG (neutralité carbone, etc.).r>Enfin, pour être adaptées à la conjoncture économique, 69% des directions financières sont prêtes à faire évoluer leur modèle budgétaire à court terme en misant sur des prévisions glissantes (25%), une approche par scenarii (24%) et un modèle d’analyses prédictives (17%). 

r>Margaux Nourry (journaliste stagiaire)

 

Les 5 actions essentielles pour garder le cap

Face à l’incertitude, les directions financières ont plus que jamais besoin de garder le cap et de mettre l’accent sur 5 actions essentielles :r>1. Poursuivre et développer l’agilité sur l’ensemble des processus prévisionnels et réels, en intégrant différentes natures de données (financières, opérationnelles, ESG), en dépassant les frontières de la finance pour appréhender les différents facteurs de risques (inflation, pénurie, etc.).r>2. Accélérer la digitalisation et la capacité à traiter la data non seulement pour des raisons de recherche d’efficacité, mais également pour mieux anticiper les comportements des clients et des marchés, dans un contexte économique marqué par une incertitude et une volatilité fortes.r>3. Développer le capital humain pour que les compétences au sein de la fonction finance soient adaptées aux nouveaux métiers et enjeux auxquels elle sera confrontée à court et moyen terme.r>4. Assumer son rôle en matière d’ESG, notamment sur la communication, le financement, le reporting, le pilotage de la performance… Les directions financières ont une contribution majeure à apporter à l’ensemble de l’entreprise et sa stratégie RSE.r>5. Être à l’affût des changements de modèles économiques complexes et rapides, notamment avec l’accélération des e-business et meta-business… des évolutions durables du coût de l’énergie et des modèles de financement des activités.

 

  ILS ONT DIT

Assia Benhida, Partner, Market & ESG Leader Maghreb, PwC France et Maghreb 

• La réforme du métier de DAF passe forcément par un modèle d’hybridation, d’élargissement de compétences et de digitalisation.r>• En parallèle, il y a la réflexion pour un recentrage sur le cœur de métier.r>• La réforme doit être menée selon une vision globale, il ne s’agit pas seulement de rajouter des couches en oubliant la valeur ajoutée d’un DAF.r>• La donnée extra-financière devient aussi importante que la donnée financière pour les entreprises. Les investisseurs étrangers intègrent systématiquement le critère ESG dans leur évaluation des entreprises.r>• Près de 65% des exportations marocaines devront répondre au critère de la décarbonation à l’horizon 2026.r>• La vague de l’ESG est aussi importante que la vague du digital.r>• La conformité au critère ESG est pressante. Nous avons au maximum 4 ans pour nous adapter et être prêts pour ce changement.r>• La réglementation relative à l’ESG s’accélère au Maroc, en témoigne le nombre de lois mises en œuvre par les différents établissements concernés.r>• Les entreprises ont une obligation de transparence vis-à-vis de leurs parties prenantes. Cette transparence se traduit notamment par les données extra-financières.r>• La politique RSE de l’entreprise n’est plus un effet de marque employeur, c’est une exigence et une attente des parties prenantes (clients, investisseurs, fournisseurs, jeunes talents, etc.).

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Alexandre Javelle, directeur financier Maroc Groupe Bel 

• Nous sommes rentrés dans un contexte de «permacrise», il nous faut donc nous préparer à le gérer en permanence.r>• Les entreprises sont tenues de réagir rapidement et notamment au niveau de la gestion du cash.r>• Les entreprises doivent savoir évaluer la situation financière en termes de rentabilité, mais également en termes d’indicateurs financiers.r>• La priorité pour les DAF est de développer les outils qui permettent de mieux utiliser la data.r>• Il faut également investir sur les compétences IT à intégrer dans la direction financière.r>• L’autre priorité est la gestion de l’inflation de manière rapide, agile et pragmatique.

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Mouna Mahfoud, directrice exécutive Finance du Groupe Managem 

• La finance ne se positionne plus comme un métier de chiffres et de comptabilité, mais elle devient un business partner de la direction générale.r>• La DAF va désormais agir au niveau du pilotage de la performance et de la recherche de profitabilité.r>• L’hybridation au sein de la fonction finance devient indispensable.r>• La mutation de la direction financière signifie également une capacité à interconnecter les compétences.r>• Une direction financière a aujourd’hui besoin d’analystes de la data pour aller au-delà du traitement comptable.r>• Le traitement approfondi de l’information va permettre au DAF d’accélérer la prise de décision et même d’anticiper avec une célérité de plus en plus importante.

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Laurent Morel, Associé Consulting Finance, PwC France et Maghreb 

• La direction financière doit être capable d’aller au-delà de son rôle purement financier et comptable.r>• Les attentes aujourd’hui en termes de compétences est d’avoir une capacité à gérer selon une vision transversale et business.r>• Les directions financières ont certes du mal à recruter, mais il va falloir revaloriser la fonction DAF et la rendre plus attractive.r>• La direction financière doit s’intégrer dans la dynamique globale de la culture de l’entreprise pour donner un sens à sa mission.r>• Les jeunes diplômés mettent leurs compétences au service d’une cause.r>• Nous avons un métier à refaire briller et à ouvrir vers de nouvelles compétences.r>• Certains groupes ont intégré des data scientists à la direction financière pour créer une nouvelle alchimie entre les différents profils.

 

 

>> Lire aussi : Les trois priorités des directeurs financiers au Maroc (PwC Maroc)

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