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Presse et édition : pourquoi le projet de loi 15-23 n’enfreint aucune règle juridique ou constitutionnelle

Le projet de loi 15-23 portant création de la commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition n’en finit pas de susciter le débat. S’il est compréhensible de ne pas être d’accord avec le texte d’un point de vue politique, remettre en question sa légalité, voire sa constitutionnalité, dénote une confusion conceptuelle et une interprétation tendancieuse des dispositions juridiques.

02 Mai 2023 À 18:50

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Le projet de loi 15-23 portant création de la commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition est-il en porte à faux avec les dispositions constitutionnelles et juridiques ? C’est ce que l’ancien ministre de la Culture et de la communication, Mohamed Laaraj s’est efforcé de prouver. Mais tout à son acharnement contre ce texte de loi, l’ancien membre du gouvernement s’est perdu dans des arguties pointilleuses en se livrant à des raisonnements, tirés par les cheveux et qui ne résistent guère à l’analyse objective.r>Dans un long post sur Facebook, l’ancien député haraki, l’un des détracteurs dudit texte, s’est employé vainement à montrer comment la mise en place d’une «commission provisoire» portait atteinte à la «légalité constitutionnelle et à la légitimité juridique». Peine perdue, car l’argumentaire de l’ancien ministre ne tient pas bon face l’examen critique et à l’analyse approfondie.

M. Laaraj, dans son réquisitoire contre le projet de loi 15-23, a fait une lecture politique du texte en instrumentalisant les dispositions de la Constitution et en faisant une interprétation tendancieuse des articles de la loi. À défaut de faire une analyse réfléchie et pondérée du texte, il a vite fait de tomber dans les jugements hâtifs en exerçant une sorte de censure constitutionnelle à priori, au lieu de faire appel aux outils d’étude scientifique et aux approches objectives.

Le raisonnement de M. Laaraj autour de la création de la commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition appelle les réponses suivantes :

• S’agissant de la prétendue violation par l’Exécutif de l’article 19 de la loi organique n°65-13 relative à l'organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres, il convient de préciser, contrairement aux assertions de M. le ministre, qu’il n’est pas nécessaire, dans le cas du projet de loi n°15-23 de réaliser une étude d’impact. Tout bonnement parce que la réalisation d’une telle étude n’est pas systématique et obligatoire. Donc, il n’y a pas lieu de parler de violation de la Constitution. On peut arguer, d’un point de vue politique, que c’est souhaitable, mais dire que, constitutionnellement, c’est obligatoire, dénote une incompréhension flagrante des textes en vigueur.

• Concernant la prétendue atteinte à la garantie de la sécurité juridique, comme relevé par M. Laaraj, elle renvoie à la base constitutionnelle du projet de loi en question. Cette dernière relève-t-elle du domaine de la loi ou du règlement ? M. Laaraj affirme que la «commission provisoire» aurait pu être créée par décret et non par une loi. Or ce débat n’a pas lieu d’être, car il est évident que la mise en place d’un «mécanisme provisoire» pour remplacer le Conseil national de la presse (CNP) relève intrinsèquement du domaine de la loi. En effet, ce point fait partie intégrante de l’arsenal juridique relatif à la presse dont l’élaboration et l’amendement incombent au législateur (articles 28 et 71 de de la Constitution). L’article 71 de la Loi fondamentale stipule clairement que tout ce qui est en rapport avec le régime de la presse entre dans le domaine de la loi et le «mécanisme provisoire» s’inscrit à l’évidence dans ce régime. Arguer qu’il est difficile de faire la distinction entre le domaine de la loi et du règlement et qu’il faut faire appel à l’article 73 de la Constitution est une assertion qui dénote une lecture erronée de la Loi fondamentale. Les dispositions dudit article ne pouvant tout simplement être invoquées dans ce cas de figure.

En tout état de cause, le gouvernement dans sa démarche visant à dynamiser le secteur et à sortir le CNP de sa léthargie n’avait que deux options :r>– Renouveler le CNP pour un second mandat à travers l'élection de ses membres nonobstant les contraintes et les empêchements.r>– Mettre en place une commission provisoire ayant pour mission de prendre les dispositions nécessaires à l’organisation des élections des membres du CNP. Dans les deux cas, cela doit passer inéluctablement par une loi spécifique conformément à la Constitution.

• Pour ce qui est de l’assertion qui dit qu’il faut définir les objectifs du projet de loi portant création de la commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition, force est de préciser qu’il s’agit là d’une prérogative du législateur, qui peut l'utiliser selon les cas et quand il le juge nécessaire. Il ne s’agit donc aucunement d’une règle générale à respecter absolument.

• En réponse à l’accusation selon laquelle ledit projet de loi «suspend la légalité constitutionnelle» en portant atteinte notamment à l’article 28 puisqu’il donne les pleins pouvoirs à l’Exécutif, il est clair qu’il s’agit d’une lecture outrancière de la Constitution, laquelle cache une lecture politique ayant une façade juridique. De même, prétendre que le texte portant création de la commission provisoire remet en question la légitimité juridique puisqu’il suspend un texte législatif existant est faux. Car le législateur, qui avait adopté la loi 90-13 portant création du Conseil national de la presse, est celui-là même qui a la prérogative d’avaliser ou de rejeter le projet de loi 15-23. Dans ce cas de figure, on peut dire que le législateur ne suspend pas la loi 90-13, bien au contraire, il œuvre pour en assurer la continuité. Et pour s’en convaincre, il suffit de consulter l’article 3 du projet de loi 15-23 en examen actuellement au Parlement.

• Au-delà des considérations juridiques et constitutionnelles, le fait que M. Laaraj affirme que les motivations des promoteurs de ce texte de loi sont d’ordre politique est réfutable, étant donné qu’au nom de la même logique on peut attaquer et rejeter toute initiative législative. Toujours est-il que la motivation politique n’est jamais répréhensible en soi. Ce qui est blâmable, c’est le fait de l’invoquer pour justifier et défendre le maintien d’un statu quo au lieu de trouver des solution et des alternatives de nature à relancer le secteur de la presse et de l’édition.

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