08 Août 2023 À 14:55
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Les prisons marocaines sont plus que jamais bondées. La DGAPR vient de mettre en garde contre cette situation très préoccupante et qui risque de se compliquer si rien n'est fait. Dans un communiqué paru lundi, la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion appelle les autorités judiciaires et administratives à se saisir au plus vite du problème de la surpopulation carcérale pour y apporter des solutions.
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«Tout en exprimant sa grande préoccupation face à cette hausse criante, la DGAPR demande aux autorités judiciaires et administratives de trouver dans les plus brefs délais les solutions susceptibles de résoudre la problématique de la surpopulation dans les établissements pénitentiaires pour éviter les dysfonctionnements ou les complications d'ordre sécuritaire pouvant découler de cette situation inquiétante, outre les problèmes liés aux conditions d'hébergement, de restauration, de soins de santé et d’accès aux programmes de réhabilitation et de réinsertion», lit-on dans le communiqué.
Selon la même source, le nombre des pensionnaires des établissements pénitentiaires a atteint, à la date du 7 août 2023, 100.004, soit un chiffre record, sachant que la capacité d’accueil de ces établissements ne dépasse pas actuellement les 64.600 places, et ce malgré les efforts soutenus déployés par la DGAPR pour la modernisation et l'augmentation du nombre de prisons dans le Royaume. Pour éclairer davantage l'opinion publique sur la surpopulation des établissements pénitentiaires, la Délégation indique, à titre d’exemple, que le nombre des détenus dans la prison locale de Aïn Sebaâ à Casablanca a atteint 10.877, alors que la capacité d’accueil ne dépasse pas les 3.800 places. Et la DGAPR de conclure que le volume de la population carcérale devrait continuer à augmenter à l’avenir en cas de maintien de la cadence actuelle de détention et de l’absence des mesures nécessaires et urgentes pour remédier à cette situation.
Ce communiqué n'a cependant pas été apprécié par l'Alliance des magistrats du Maroc qui, dans un communiqué publié le même jour, «exprime son étonnement de voir la DGAPR rendre le pouvoir judiciaire responsable du surpeuplement des prisons en raison du taux toujours croissant des détentions». L'Alliance marque également son refus catégorique de toute ingérence susceptible de toucher à l'indépendance du pouvoir judiciaire ou d'influencer les décisions des magistrats, qui sont tenus d'appliquer la loi de manière correcte et équitable, y compris en ce qui concerne la motivation de leurs décisions de poursuivre dans un état de liberté ou de détention.r>Tout en soulignant qu'elle ne s'est jamais écartée des orientations fixées par l'État en matière de politique pénale et de lutte contre la criminalité, ainsi que du fait que la détention doit être l'exception et non la règle, l'Alliance considère que la DGAPR doit s'adresser uniquement au Chef du gouvernement, qui est son autorité de tutelle, afin de lui fournir les moyens matériels et logistiques nécessaires pour pallier ce problème.
Suite à ce record de surpeuplement dans les prisons marocaines, le débat sur la détention provisoire, première cause montrée du doigt dans cette situation, est relancé. Ainsi, et selon Abderrazak Jbari, président du Club des magistrats du Maroc, les causes de la problématique de la détention provisoire sont multiples et complexes, et sont surtout le fait du travail des pouvoirs législatif et exécutif, et non du pouvoir judiciaire, qui ne fait qu'exécuter la loi. Et M. Jbari de préciser, dans une déclaration à la presse, que la politique pénale que mène le gouvernement s'appuie sur les sanctions privatives de liberté comme solution facile pour faire face à la délinquance (hooliganisme dans les stades, tricherie aux examens ou violation de l'état d'urgence sanitaire, par exemple). Pourtant, poursuit-il, la politique pénale contemporaine fait appel à des mesures sociales, économiques, culturelles et éducatives pour s'attaquer aux causes des actes répréhensibles avant même qu'ils ne surviennent.
Le président du Club des magistrats marocains relève également une augmentation de la délinquance sous toutes ses formes (notamment les plus graves) et une hausse significative du taux de récidive, ce qui reflète l'échec des programmes de réhabilitation et de réinsertion. Il pointe aussi du doigt la non-activation de l'institution de la libération conditionnelle, confiée à une commission administrative présidée par le ministre de la Justice et chargée de statuer sur les propositions des directeurs d'établissements pénitentiaires de remettre en liberté les détenus ayant fait preuve d'un comportement exemplaire.