19 Avril 2020 À 23:49
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Peut-on parler d’exception marocaine ?r>Le propos n’est pas de verser dans le cynisme et se réjouir d’avoir été atteints par la vague de la pandémie, loin de là, mais de voir en quoi cette situation dramatique, inédite et imprévue, pourrait être mise à profit par nous, marocains, africains, pour tirer les enseignements, capitaliser sur les bonnes décisions prises et surtout saisir les opportunités induites par la nouvelle donne post Covid-19.r>Il faut reconnaître que le moment s’y prête : notre pays est en pleine réflexion sur le nouveau modèle de développement, qualifié de modèle de croissance ou encore de nouveau pacte social. En réalité, la solution doit intégrer les deux dimensions avec un mix harmonieux et prolifique pour une croissance durable.r>Bien que nous vivions encore assez d’incertitudes concernant la maladie, notamment que plus de la moitié de la population mondiale est toujours confinée, que beaucoup de pays, et pas des moindres, se débattent avec la pandémie ou n’ont pas encore atteint le pic, que pour d’autres pays comme ceux d’Afrique subsaharienne le pire est semble-t-il à venir, qu’il n’y a encore ni vaccin ni molécule spécifique pour vaincre la maladie, nous pouvons tirer quelques conclusions :r>• Il n’y a pas de frontières quand il s’agit de virus. Il a voyagé et voyagera encore. Nul n’en est à l’abri, quand bien même les précautions les plus draconiennes auraient été prises ;r>• Les dégâts sont d’ores et déjà incommensurables sur les plans humain, social, économique et financier. L’enjeu de la trésorerie n’a jamais été aussi crucial dans la survie à court terme des foyers, des entreprises et des gouvernements. La perception de l’épargne et les modes de consommation vont complètement changer ;r>• Le modèle de production à l’échelle du monde, la spécialisation, la délocalisation sur la seule base du coût et les schémas de division internationale de la production ont montré leurs limites. Ils amèneront certainement à repenser ce modèle et justifieront l’intervention des États, soucieux de la sécurité de leurs populations. Le concept de sécurité nationale aura désormais une nouvelle définition ;r>• La solidarité internationale, surtout au niveau des pays occidentaux, a montré ses limites. Le chacun pour soi est malheureusement la règle. Pas besoin de rappeler les cargaisons de masques détournées et les surenchères entre États pour obtenir des équipements au détriment d’autres. Même des fabricants y ont vu une opportunité de faire des affaires ;r>• Les pays en développement et à revenu intermédiaire souffriront beaucoup plus que les pays avancés. L’on craint la disparition de dizaines de milliers d’entreprises, la perte d’emplois et la précarisation de larges couches de la population ;r>• Le retour à la normale prendra des mois, voire des années. La reprise ne sera tout de même que partielle. Il suffit de voir les événements internationaux annulés et/ou reportés comme les Jeux olympiques de Tokyo, l’Euro de football, les tournois de tennis de Roland-Garros et de Wimbledon, les Tours cyclistes de France et de Suisse, sans compter les foires et expositions ;r>• Le jour d’après sera dur et l’économie mondiale connaîtra de grandes perturbations. Des secteurs entiers ne se relèveront pas de sitôt. La baisse mondiale de la demande entraînera mécaniquement une baisse généralisée du PIB mondial, évaluée jusqu’à maintenant à moins 7,5 %, donc une baisse de la croissance avec toutes ses conséquences. L’injection de sommes pharamineuses par la majorité des États pour faire face à la pandémie aggravera les déficits – et partant la dette publique – qui devra, tôt ou tard, même à taux zéro, être remboursée. La marge de manœuvre des États n’en sera que plus réduite. Premiers touchés, les secteurs du tourisme, du transport aérien, de l’automobile, toutes les activités exportatrices, mais aussi beaucoup de PME et de TPE dans des secteurs employant de la main-d’œuvre, notamment dans les services. Des études récentes ont montré que le tourisme ne retrouvera la situation de 2019 qu’en 2022, sachant que les premiers postes de charges sacrifiés par les entreprises sont les dépenses de communication, les séminaires et les congrès. De nombreuses entreprises auront malheureusement déposé le bilan ou réduit leurs effectifs. La baisse de l’emploi engendrera mécaniquement une baisse du pouvoir d’achat, donc de la consommation. 2020 s’annonce une «annus horribilis».r>Cette dure épreuve a aussi donné toute sa dimension à ce qu’on peut qualifier d’exception marocaine, grâce à plusieurs facteurs, dont principalement l’Institution Royale qui fluidifie et facilite des décisions difficiles, même en temps de crise. Fermer les frontières avec l’Europe, puis le monde sur initiative marocaine est une décision qui paraît simple, mais c’est la plus belle expression de Souveraineté géopolitique et d’amour du bien-être de la Patrie. Sur impulsion Royale, tout le Maroc est passé du jour au lendemain à un Plan de continuité d’activité (PCA) qui a limité de manière significative l’impact immédiat et futur de la pandémie et fait éviter une catastrophe sanitaire et humanitaire.r>L’exception marocaine, c’est aussi un peuple au rendez-vous qui a su se mobiliser derrière le Souverain en citoyens fiers de la Patrie et acteurs responsables et solidaires dans la gestion quotidienne de la crise. Toutes couches sociales confondues, le citoyen marocain s’est montré confiant dans ses institutions et a adopté une attitude constructive qui bannit les divergences d’opinion et les querelles idéologiques pour se concentrer sur l’urgence nationale. Même la décision de fermeture des mosquées a été comprise et acceptée par toutes les franges de la société.r>Ramer dans le même sens avec la même cadence permet d’aller loin et plus vite, du moment que le cap et la destinée sont jugés communs. Le Maroc a grand besoin d’une telle mobilisation, pour faire face au terrible impact socio-économique qui se dessine en tableau sombre pour l’ensemble du continent, qui peine déjà à émerger.
Le pouvoir de l’empathie collectiver>Un nouvel état d’esprit et une dynamique nouvelle sont ressentis. Le citoyen s’est réconcilié avec l’administration, dont la crédibilité est au plus haut niveau. Le Marocain a confiance dans ses dirigeants et adhère aux décisions prises. Une certaine sérénité est perceptible à travers les comportements, les messages et les attitudes. L’élan de solidarité qui a suivi la mise en place, sur Hautes Instructions de S.M. le Roi, du Fonds de solidarité Covid-19, a créé une atmosphère de symbiose entre les grands groupes nationaux, les différents corps de l’État – hauts commis et fonctionnaires – les entreprises, les particuliers, les salariés, le mouvement associatif, etc., chacun contribuant selon ses capacités.r>La proactivité de nos décideurs, la synchronisation entre la multitude des intervenants, le langage et les messages concordants, la chronologie et le timing des décisions, leur explication, la communication et la transparence de l’information, tout ceci a fait oublier aux citoyens ou, du moins, accepter les contraintes du confinement et fait naître un espoir, peu palpable quelques semaines auparavant.r>Le fait d’utiliser un discours franc et réaliste, bien relayé par les médias nationaux, de décrire la situation telle qu’elle est, de s’adresser aux populations en les considérant comme responsables et matures, de proposer des mesures de compensation du pouvoir d’achat, même si elles ne couvrent pas l’intégralité des besoins, tout ceci a donné un gage de sincérité et d’engagement pour mobiliser au maximum les ressources de l’État. Nos concitoyens sont convaincus que si notre pays avait plus de moyens, il les aurait mis à leur disposition. Le terme «solidarité» a recouvré tout son sens. Cette communauté de destinée a montré que les barrières entre riches et pauvres, ouvriers et patrons, urbains et citadins pouvaient être dépassées. L’optimisme a remplacé la sinistrose !
Quid du Maroc post-urgence sanitaire ?r>En plus d’une année agricole très moyenne, plusieurs secteurs seront touchés par les difficultés post-pandémie et Il est à craindre que notre balance de paiement soit sous pression. Trois principales sources de recettes en devises seront affectées : le tourisme, les transferts des MRE et une grande partie des exportations, comme le textile. Des questionnements subsistent quant au comportement des industries automobile et aéronautique, deux piliers des métiers mondiaux du Maroc. Les chaînes de production automobile – ainsi que tout l’écosystème autour – sont maintenant à l’arrêt et il serait hasardeux de dire que le rythme de production reprendrait comme avant. Le plus probable est une reprise de la production, mais avec un taux de 50 ou 60% sur les mois à venir, le temps de voir s’il y a une reprise de la consommation en Europe. Pour l’aéronautique et vu les dégâts subis par les compagnies de transport aérien, évalués à ce jour à 314 milliards de dollars, et la baisse inéluctable de l’activité de transport aérien – liée notamment au tourisme –, le carnet de commandes devrait se rétrécir avec les conséquences que l’on connaît. Il faut noter que les outils de travail et de réunion à distance, les visioconférences, de par les économies de temps, d’argent et de limitation des risques, contribueront fortement à la diminution des déplacements professionnels, notamment aériens, à l’avenir.r>Les finances de l’État seront également sous tension. Par un effet domino, la baisse d’activité et les difficultés financières des entreprises se traduiront par une baisse des recettes fiscales. Cette même baisse d’activité engendrera du chômage, donc moins d’impôt sur le revenu. Dans les deux cas – défaillances des entreprises et chômage chez les ménages –, il y aura une détérioration de la qualité des crédits bancaires, donc des provisions à constituer et in fine moins d’impôt sur les sociétés à payer de la part des banques, principales contributrices fiscales.r>Pour le reste de nos exportations et dès lors qu’elles sont tributaires en grande partie du consommateur européen, si les économies de ces pays sont en difficulté, nos exportations le seront également. Seul motif de consolation, le cours du pétrole au plus bas et les taux d’intérêts également bas à l’international tempéreront partiellement ces manques, s’ajoute à cela la ligne de précaution et de liquidité du Fonds monétaire international de 3 milliards de dollars, qui permettra à notre balance des paiements de résister à ces chocs. Est-ce pour autant une fatalité que de subir passivement ce véritable tsunami ? Nos mécanismes éprouvés de gestion de la crise sanitaire devraient lui survivre, tant ils étaient efficaces et convaincants.r>Le temps de réponse exceptionnel du Maroc à la pandémie ne provient pas du néant. Tous les ingrédients étaient là et surtout un immense travail déjà réalisé, sans avoir l’occasion de s’exprimer à sa juste valeur et surtout sans pouvoir bénéficier de la mobilisation et des concessions nécessaires pour atteindre le résultat escompté.r>Plébiscité par les pays frères africains, le Maroc a été érigé en exemple par nombre de vidéos virales qui ont vanté les initiatives publiques et privées pour la protection, l’enseignement et l’innovation de manière générale, à un moment ou les grandes puissances industrielles peinent à faire pareil.r>Plusieurs verrous et complications administratives ont sauté pour laisser place à l’agilité et la performance. La porte est donc grande ouverte au nouveau modèle de développement, avec des axes qui se sont distingués durant cette période de pandémie.
Le digital, une entrée en forcer>Le digital a démontré, si besoin est, qu’il doit être un choix de gouvernance et constituer réellement un socle prioritaire pour le fonctionnement de l’État, de l’économie et de la société. La pandémie a poussé vers une sorte de «marche forcée» dans la voie du digital. Comme par miracle, l’enseignement à distance, via divers moyens et plateformes, a démarré en trombe en quelques jours, touchant tous les niveaux, depuis le primaire jusqu’à l’enseignement universitaire. Les écoles supérieures et les groupes scolaires privés s’y sont engouffrés.r>Des milliers d’entreprises se sont converties au télétravail. Beaucoup en ont découvert les vertus et disent vouloir garder une partie de leur activité sous cette forme. La veille sanitaire, le suivi de l’évolution de la pandémie, la collecte des données et le pilotage de la lutte contre le virus ne pouvaient se faire sans recours aux nouvelles technologies de traitement et d’analyse des données.r>Toutes les mesures d’aide et de soutien aux salariés, aux ramédistes, aux ménages vivant d’activités informelles, les dispositifs d’accompagnement des entreprises, tous les services publics ont eu recours au traitement à distance via des plateformes, des applications ou des call centers.r>Une multitude d’initiatives business ou d’action de bénévolat ont vu le jour, sur la base d’offres digitales de services, comme les courses portées à domicile, l’assistance à la personne, etc. Le zéro papier s’est imposé dans toute sa splendeur et les gros parapheurs de paperasse difficiles à gérer ont disparu avec tout ce que cela implique comme économie de temps et d’argent. Les craintes relatives aux difficultés d’accéder à ces services de la part de personnes peu familières avec les nouvelles technologies, à l’analphabétisme ou aux bénéficiaires dans le monde périurbain ou rural ont toutes été balayées.r>Deux maîtres mots dans ce domaine : convergence et approche globale. Le premier renvoie à la nécessité que les projets ne soient pas pris, ni appréhendés comme des silos à part, mais qu’il y ait à la base un écosystème consensuel ou un socle sur lequel se grefferaient tous les projets, qu’ils soient étatiques, d’entreprises, d’universités, de banques, etc. Les systèmes doivent communiquer entre eux, ce qui suppose une réelle volonté politique et une agence digitale dotée de pouvoirs exécutifs et d’autonomie, avec toutefois un cahier des charges piloté et une gouvernance permettant l’agilité.r>L’approche globale implique des choix irréversibles et suppose d’en accepter les conséquences. Si la décision est par exemple de remplacer le cartable par la tablette d’écolier, il n’y a pas lieu de tergiverser, même si la solution, à notre avis, est entre les deux. La convergence et la globalité a pour corollaire, en outre, de ne laisser personne en marge. Le système éducatif et les modes d’apprentissage doivent reposer sur les nouvelles technologies et le codage doit être intégré à l’enseignement dès le plus jeune âge.
Le E-Gov doit être érigé en projet national avec des bilans d’étape. La recherche et, osons le dire, l’intelligence artificielle (IA) et la robotique ne doivent plus être des sujets inaccessibles ou «pas faits pour nous». Un dernier point : la souveraineté digitale. Autant que la défense militaire ou l’autosuffisance alimentaire, elle sera un enjeu primordial de la sécurité des États. Notre pays doit s’y mettre en associant public et privé.
Miser à fond sur la Green Economyr>La pandémie Covid-19 amènera certainement tous les pays à tenir compte, beaucoup plus que par le passé, de la dimension écologique. Les opinions publiques forceront les politiques – otages de lobbys industriels et financiers – à prendre les décisions qu’ils ont essayé par divers moyens de retarder. La raison est que, d’une part, et de l’avis de plusieurs scientifiques, cette pandémie est le résultat du dérèglement provoqué par l’Homme de l’écosystème sauvage, de la biodiversité et sa promiscuité avec des espèces, créant des opportunités de transmission de virus. D’autre part, le confinement et la baisse d’activité ont eu des effets rapides sur la propreté de l’air et la pollution. Les climatosceptiques sont mis à nu. La preuve est administrée que le réchauffement du climat est une réalité tangible.r>C’est donc une réelle opportunité que de jouer la carte de l’économie verte, d’autant plus que l’Union européenne (UE) vient de valider le projet «Green deal» qui mobilise des sommes considérables. Il est indéniable que dans ce domaine, notre pays a fait de grandes avancées, sous l’impulsion, la clairvoyance et la vision de S.M. le Roi. La dimension verte n’est malheureusement pas totalement assimilée au niveau de notre appareil productif. Celui-ci n’inclut pas suffisamment l’enjeu environnemental comme critère de performance et de productivité de notre industrie et de nos services. Toute notre offre de valeur doit désormais être décarbonée. La barrière non tarifaire future sera certainement la norme environnementale. L’orange exportée doit justifier d’un bilan carbone contrôlé et conforme. C’est la tomate ou l’orange qui aura coûté, dans toute sa chaîne de production et de commercialisation, le moins en émissions de gaz à effets de serre qui aura plus de chance de pénétrer certains marchés, peut-être même à prix supérieur. La pompe à eau qui a irrigué cette orange est-elle diesel ou à énergie solaire ou éolienne ? le tracteur ? la station de traitement et d’emballage fonctionne-t-elle à l’énergie propre ou à l’électricité générée par du charbon ? La caisse dans laquelle elle est emballée ? Le camion qui l’a transportée ? A-t-on utilisé des systèmes d’économie d’eau ? etc. Le même raisonnement vaut pour le tourisme, les articles confectionnés ou les produits de la pêche. La norme et la traçabilité seront les maîtres mots.
La relocalisation en Europe : une aubaine ?r>Dépendre à 90% d’un seul pays pour ses besoins en pénicilline ou ne pas disposer de masques en quantités suffisantes et ne pas être en mesure d’en produire au moment où des vies en dépendent. Avoir des centaines de respirateurs inutilisables faute de disponibilité d’une valve produite dans un pays, quelque part dans le monde. Autant de situations que beaucoup de pays ne voudront plus vivre. Tout à coup, on commence à parler de «recouvrement de la souveraineté» et le «circuit court» retrouve son droit de cité. Il y aura donc une volonté européenne de relocaliser certaines activités considérées comme stratégiques, abstraction faite du coût qu’elles peuvent engendrer. Cela mettrait fin également aux aberrations liées au concept du moindre coût, où un habit va, par exemple, faire un trajet de 20.000 kilomètres pour que les pièces le composant puissent être produites à moindre coût. Notre pays, de par sa proximité avec l’Europe, peut constituer l’alternative idoine. Il y a là une opportunité de créer un bassin de solidarité et de complémentarité avec l’Europe.
L’Union africaine : une nécessité de survie et de stabilitér>Les divergences politiques stériles ne doivent plus être une priorité pour les nations en ces temps d’urgence sanitaire. Les pays africains ont tout à gagner à prioriser l’intérêt général de leurs populations, sur les calculs politiques. L’heure est à l’ouverture de tous les ponts terrestres, aériens et navals. Les choix de fermeture et d’isolationnisme défavoriseront en premier ceux qui les ont adoptés. Tous les moyens doivent se focaliser sur la gestion de la crise et les synergies possibles, afin d’assurer au citoyen africain la vie digne à laquelle il aspire. Une des conséquences heureuses imprévisibles de cette pandémie sera le ralentissement de la course à l’armement en Afrique. Deux raisons à cela. Les injections de sommes importantes des États pour soutenir leurs économies respectives se traduiront par des déficits publics qui réduiront d’autant la capacité d’emprunt pour les dépenses de défense. La deuxième raison est la baisse importante de la quasi-totalité des cours des matières premières et pas seulement le pétrole, ce qui impactera négativement les revenus de ces États.r>Les initiatives de S.M. le Roi pour la prospérité de l’Afrique et de l’Africain sont innombrables et n’attendent que l’adhésion des différents acteurs, pour avoir plus d’efficacité et surtout produire la richesse nécessaire au développement de l’Afrique. Les initiatives privées ont aussi créé des noyaux de synergie qui peuvent être renforcés et soutenus, afin de mieux promouvoir l’intelligence collective africaine.
La disruption comme modèle est possible ! r>Juste avant le déclenchement de la pandémie, nous avions, au Groupe Le Matin, organisé des Matinales consacrées au nouveau modèle de croissance. Deux de ces Matinales avaient traité respectivement de l’éducation et la formation et du système de santé. C’était aussi l’occasion de présenter des sondages réalisés en partenariat entre Le Matin et IPSOS. Les conclusions de ces sondages étaient que les Marocains considéraient ces deux secteurs comme défaillants et qu’ils devaient être réformés de fond en comble.r>Dès le déclenchement de la pandémie et conformément aux hautes instructions de S.M. le Roi, la mobilisation de notre système national de soins de santé, les synergies et les complémentarités entre médecine publique, militaire, privée, les cliniques, l’industrie pharmaceutique, l’industrie tout court (fabrication de masques) ont permis de faire face, dans des conditions très satisfaisantes, à la pandémie et de la garder sous contrôle. Le même constat est fait pour ce qui est de l’éducation nationale. Encore une fois, toutes les forces ont été mobilisées pour assurer la continuité de l’enseignement. Les plateformes et les contenus pédagogiques ont été assurés dès les premiers jours, l’apprentissage à distance est devenu la règle pour tous les niveaux. Des synergies merveilleuses ont vu le jour, notamment le partenariat entre l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et le ministère de l’Éducation nationale, permettant aux 9.000 élèves des classes préparatoires aux grandes écoles d’accéder à la plateforme éducative prepadigitale.com de l’UM6P. Le dispositif est désormais opérationnel et donne satisfaction aux parents, aux étudiants et au corps enseignant, grâce à sa grande valeur ajoutée qui réside dans l’ingénierie d’optimisation des cours. Le temps d’une séance est réduit de 80% avec un rendu meilleur. Si la question avait été posée il y a juste deux mois au citoyen lambda, sur la capacité de notre système de santé et d’enseignement à faire face à une telle situation, il n’aurait pas parié un centime sur leurs exploits présents. Nous avons assisté à une métamorphose grandeur nature de notre système de santé et d’éducation. Posons-nous maintenant la question : Qui nous empêche de capitaliser sur cette opportunité et de poursuivre ? Notre pays surfe sur la vague. Pouvons-nous nous mobiliser ensemble pour aller de l’avant et rester sur cette lancée ? Le plus difficile a été fait : la rupture. Nous sommes sortis des sentiers battus, nous avons osé et réussi, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
S’attaquer aux grands mauxr>Réduire les inégalités, redistribuer les richesses, lutter contre la pauvreté, permettre l’accès à l’échelle de l’ensemble du territoire national aux services sociaux de base, assurer une vie digne à tous les citoyens… Autant de chantiers sur lesquels notre pays a fait des avancées. Voyons quelques exemples de ce que nous enseigne la gestion du Covid-19 et quelles sont les initiatives sur lesquelles on pourrait capitaliser.
Un dispositif de revenu universelr>Notre pays a réussi en quelques semaines, pour ne pas dire quelques jours, à mettre en place un dispositif de distribution d’aides directes aux ménages impactés par la pandémie. C’est un exemple de partenariat parfait entre les structures de l’État, les banques, Barid Al-Maghrib et les établissements de paiement. Il serait bon d’examiner la possibilité de perpétuer ce système, en l’affinant et l’adaptant aux moyens de l’État, notamment en fusionnant les différents dispositifs spécifiques comme le Fonds de cohésion sociale, l’Entraide nationale, certaines prestations en numéraires des œuvres sociales, etc. Il s’agirait alors de repenser – voire y mettre fin – le système actuel de compensation dont les inconvénients sont décriés. L’idée serait également de lancer la réflexion sur la création d’un fonds de collecte de la Zakat qui récolterait les contributions des nationaux, de nos concitoyens à l’étranger, voire de contributions de source étrangère.
Une nouvelle manière de gérer les soins de santé r>La prise en charge des personnes atteintes du Covid-19, la gestion des cas de l’entourage susceptible d’avoir contracté la maladie, le confinement des personnes en quatorzaine dans des hôtels, la sous-traitance auprès de traiteurs privés de leur nourriture, sont autant de modèles qui peuvent être adoptés de manière permanente. C’est une forme de PPP (partenariat public privé). D’aucuns pourraient objecter qu’il faudrait des moyens énormes pour le faire. C’est certes vrai, mais lorsque c’est organisé et géré à une grande échelle, des économies peuvent être réalisées. Imaginons la baisse de pression sur les hôpitaux si un hébergement post-opératoire, ou en attendant de subir une intervention chirurgicale, en ces temps de baisse de fréquentation hôtelière, était assuré via les hôtels et centres de vacances, sachant qu’il existe des hôtels 2 et 3 étoiles, même dans les petites agglomérations. Des conventions tarifaires pourraient être conclues entre les caisses mutualistes, la CNSS, les compagnies d’assurances, les caisses de prévoyance, les formations hospitalières de l’État et la fédération des hôteliers avec, le cas échéant, une forme de ticket modérateur, à supporter par le patient. La mise en place d’un Fonds de solidarité, d’un Comité de veille économique et la mobilisation générale sont autant d’initiatives salutaires qui devraient survivre à la pandémie et contribuer à renforcer la résilience marocaine. Il faut pérenniser notre meilleur exemple d’accélération industrielle qu’est la mobilisation pour la production des masques et des respirateurs. Il faut aussi encourager plus les écosystèmes industriels nationaux capables d’être très innovants sous l’Impulsion Royale et l’accompagnement du secteur public. Ce sont ces pratiques gagnantes et bien d’autres qui nous confortent dans l’idée que notre pays a la capacité, la volonté et les moyens d’aller de l’avant. Comme durant le confinement, restons fiers de notre pays et ne manquons pas d’occasion pour scander notre hymne national. Gardons la flamme et saisissons l’opportunité de l’après Covid-19 au lieu de subir sa déferlante.
Mohammed Haitami, PDG et directeur de publication Groupe Le Matin
Kamal El Alami, Directeur général adjoint Groupe Le Matin