L’OMS alerte sur une baisse critique de l’efficacité des antibiotiques en Afrique
L’Organisation mondiale de la Santé tire la sonnette d’alarme face à la progression fulgurante de la résistance aux antibiotiques. L’Afrique figure parmi les régions les plus touchées, où certaines infections courantes ne répondent plus aux traitements, y compris les plus récents. Ce phénomène, nourri par l’usage excessif et souvent inadapté des antibiotiques, remet en cause des décennies de progrès médicaux et fait craindre un retour à une époque où une simple infection pouvait s’avérer mortelle.
Saloua Islah
13 Octobre 2025
À 11:31
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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alerte sur une menace qui s’intensifie à l’échelle mondiale. Les antibiotiques, longtemps considérés comme les armes les plus sûres contre les infections, perdent rapidement leur efficacité. En cause, une résistance bactérienne en forte hausse qui transforme des maladies autrefois bénignes en infections presque impossibles à soigner. Selon le dernier rapport de l’OMS, un sixième des infections bactériennes dans le monde ne répondait plus aux traitements antibiotiques courants. Autrefois simples à soigner, les infections urinaires, digestives ou respiratoires deviennent de plus en plus difficiles à traiter, au point de menacer les avancées médicales du siècle dernier.
Entre 2018 et 2023, la résistance aux antibiotiques a progressé dans plus de 40 % des associations entre bactéries et traitements surveillées. Dans certaines régions, cette progression atteint des niveaux inquiétants. En Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, une infection sur trois est devenue résistante. EnAfrique, elle touche une personne sur cinq, signe d’un recul inquiétant de l’efficacité des traitements médicaux.
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rappelé que la résistance aux antimicrobiens évolue plus vite que les progrès de la médecine. Il appelle à un usage responsable des antibiotiques, à un accès équitable aux médicaments et à un effort collectif pour développer de nouvelles molécules.
Les bactéries dites à " Gram négatif" figurent parmi les plus dangereuses. Ces microbes sont responsables d’infections graves du sang et des poumons. Or, plus de 40 % d’entre eux résistent déjà aux céphalosporines de troisième génération, les antibiotiques les plus utilisés pour les traiter. En Afrique, ce taux grimpe parfois au-delà de 70 %. Dans les services de réanimation, cette situation se traduit par des infections si résistantes que même les antibiotiques les plus puissants n’arrivent plus à les combattre, affirme l’OMS.
Les traitements de dernier recours existent, mais ils sont coûteux, difficiles d’accès et souvent absents des hôpitaux publics dans les pays à revenu intermédiaire. L’automédication empire le problème, notamment lorsque des antibiotiques sont utilisés sans prescription pour soigner des maladies virales, alors qu’ils n’ont aucun effet contre ces infections.
Malgré la gravité du constat, tout n’est pas perdu. L’OMS souligne quelques avancées encourageantes : en sept ans, le nombre de pays engagés dans son système mondial de surveillance, le GLASS, a été multiplié par quatre, passant de 25 en 2016 à 104 en 2023. Les données se font plus nombreuses, même si près de la moitié des États restent encore dépourvus d’outils fiables pour mesurer l’évolution réelle de la résistance aux antibiotiques.
En 2024, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une déclaration visant à renforcer la lutte mondiale contre la résistance aux antibiotiques. Le texte promeut l’approche « Une seule santé », qui relie la santé humaine, animale et environnementale pour mieux coordonner les efforts internationaux. L’OMS appelle enfin les pays à transmettre d’ici 2030 des données fiables sur l’usage et la résistance aux antimicrobiens, ultime condition pour contenir une menace qui remet en cause l’avenir même de la médecine moderne.