En 2025, la diplomatie marocaine a enchaîné les jalons. Le 28 avril, au palais Royal de Rabat,
S.M. le Roi Mohammed VI reçoit les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso, du Mali et du Niger, réunis au sein de l’
Alliance des États du Sahel, et place au centre de l’échange une promesse de désenclavement : faciliter l’accès de ces pays à l’océan Atlantique. Le 1er juin, Londres bascule à son tour et juge le plan marocain d’autonomie «le plus crédible, viable et pragmatique» pour sortir le dossier du Sahara de son enlisement. Le 23 septembre, à New York, le Paraguay dit soutenir la souveraineté du Maroc sur son Sahara et évoque l’ouverture d’un consulat dans les provinces du Sud. Le 26 novembre, le Parlement européen rejette une tentative de blocage de la mise en œuvre de l’accord agricole UE-Maroc, dans une séquence où le juridique, le commercial et le politique se superposent. Ces dates, dispersées sur la carte, dessinent une même logique : Rabat avance sans bruit, mais avec méthode, en articulant souveraineté, partenariats et image. Le fil rouge, martelé au sommet de l’État, tient en trois principes : clarté sur le Sahara, constance et pragmatisme dans les alliances. C’est-à-dire une diplomatie qui privilégie l’utilité, l’anticipation et la crédibilité au discours incantatoire.
31 octobre 2025 : la résolution qui change tout
Le tempo diplomatique de l’année se cristallise autour d’une seule date : le 31 octobre 2025. Ce jour-là, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 2797, qui consacre pour la première fois l’initiative marocaine d’autonomie comme seule base «sérieuse et crédible» pour une solution politique au conflit du Sahara. Le vote, obtenu avec 11 voix pour et 3 abstentions, confirme une bascule diplomatique progressive. «Après cinq décennies de querelles politiques et juridiques, cette résolution marque un tournant décisif», analyse Yasmine Hasnaoui, professeure universitaire et experte en diplomatie internationale. «Elle consacre la pleine légitimité internationale de l’offre d’autonomie sous souveraineté marocaine comme unique solution réaliste et durable.» Sur le terrain, l’effet est immédiat. À
Rabat, Casablanca, Laâyoune ou Dakhla, des rassemblements populaires spontanés saluent ce que beaucoup perçoivent comme une victoire historique. Le soir même, dans un discours solennel, S.M. le Roi Mohammed VI donne à cette journée une portée politique assumée «Il y aura désormais un avant et un après 31 octobre 2025». Il y évoque un «Maroc uni, de Tanger à Lagouira».
À New York, le Maroc a multiplié rencontres bilatérales, accords et initiatives, inscrivant son action dans la droite ligne de sa doctrine en matière de politique extérieure. Du 9 au 23 septembre 2025, il a été sur tous les fronts faisant de la 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU le rendez-vous idéal pour faire entendre sa voix et décliner ses visions. Derrière ce déploiement d’activité, un fil rouge s’impose : défendre le Sahara tout en projetant l’image d’un Royaume ouvert et fortement engagé dans les grandes questions de la diplomatie globale. Hub numérique avec le PNUD, groupe sur le sport et la migration, accord de coopération Sud-Sud, relance du processus atlantique et prolongement du plan «femmes, paix et sécurité» : autant de réalisations pour consolider les soutiens politiques et économiques, sans jamais perdre de vue le renforcement des acquis s’agissant de la souveraineté sur les provinces du Sud.
Au-delà de sa portée symbolique, la résolution 2797 introduit aussi une nouvelle lecture juridique. «Elle infléchit la notion d’autodétermination, en l’inscrivant dans une logique de participation politique au sein d’une souveraineté existante», souligne Mme Hasnaoui. Une évolution qui, selon elle, rejoint la jurisprudence internationale sur des cas comparables, comme les îles Åland (Finlande) ou le Tyrol du Sud (Italie). Enfin, l’experte relève une autre nouveauté passée presque inaperçue : «La résolution suggère, pour la première fois, une possible évolution du mandat de la Minurso, en l’orientant vers l’appui à une solution permanente plutôt que la simple gestion d’un statu quo.» Une manière de reconnaître que le processus politique est désormais au cœur du dispositif onusien.
La «patience stratégique»
Deux jours après le vote, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, revient publiquement sur la séquence. Dans une intervention télévisée, il décrit une «sortie du cycle du référendum impossible» et rappelle que l’initiative d’autonomie, présentée en 2007, a été patiemment consolidée jusqu’à devenir le cadre de discussion dominant. «Ce n’est pas un hasard mais le fruit d’un long et patient travail», affirme-t-il, en évoquant une trajectoire construite pays par pays. Une stratégie délibérée, selon Mme Hasnaoui : «Ce chemin diplomatique a été mené avec méthode, sous la supervision directe de S.M. le Roi Mohammed VI. Le Maroc a privilégié une logique d'accumulation, inscrite dans la durée et conforme aux exigences du droit international.»
Dans ce contexte, le message marocain évolue : «Hier, on parlait de l’autonomie comme d’une option. Aujourd’hui, elle est la solution», résume M. Bourita. Une formule qui sonne comme une fin de cycle. Pour Mme Hasnaoui, ce basculement affaiblit structurellement les positions séparatistes : «La résolution de 2025 réduit considérablement leur légitimité juridique. Elle renforce la place du Maroc comme acteur engagé dans une solution politique, au sein même du système des Nations unies.» Autre élément notable, ajoute-t-elle : «L'inclusion explicite de l’Algérie comme partie prenante dans le processus rééquilibre la table des négociations et met fin à la fiction d’un conflit bilatéral Maroc-polisario. Juridiquement, l’Algérie ne peut plus se retrancher derrière un simple "défaut de juridiction”.»
Sahara : l’effet domino des soutiens
Ce tournant du 31 octobre 2025 n’est toutefois pas survenu ex nihilo. Il s’inscrit dans une dynamique plus longue, patiemment construite tout au long de l’année, au fil d’alignements successifs qui ont préparé le terrain diplomatique du vote onusien. Bien avant que le Conseil de sécurité ne se prononce, plusieurs capitales avaient déjà commencé à acter, chacune à son rythme, un déplacement du centre de gravité du dossier du Sahara vers la proposition marocaine d’autonomie. C’est dans cette séquence préparatoire que s’inscrit la prise de position britannique. Le 1er juin 2025, au sein du Parlement britannique, le ministre des Affaires étrangères, David Lammy, qualifie publiquement l’initiative marocaine d’autonomie de «base la plus crédible, viable et pragmatique» pour parvenir à un règlement durable du différend. L’expression n’est pas nouvelle dans le lexique diplomatique européen, mais son énonciation par Londres revêt une portée particulière : elle émane d’un membre permanent du Conseil de sécurité, à un moment où les équilibres au sein de cette instance sont scrutés avec attention. Ce positionnement est formalisé dans un communiqué conjoint maroco-britannique, qui évoque une convergence appelée à se traduire «bilatéralement, régionalement et internationalement», et inscrit le Sahara au cœur d’un dialogue stratégique élargi entre Rabat et Londres.
Autre signal, cette fois en Amérique latine, longtemps considérée comme un terrain favorable aux thèses du front Polisario : le 23 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, le ministre paraguayen des affaires étrangères, Rubén Ramírez Lezcano, affirme le soutien de son pays à la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Il évoque même l’ouverture prochaine d’un consulat à Dakhla ou Laâyoune. Ce geste diplomatique, isolé en apparence, illustre une dynamique plus profonde : la marginalisation progressive du discours du Polisario sur la scène internationale, face à une stratégie marocaine jugée plus lisible et soutenue par un appareil diplomatique actif sur tous les continents.
Europe : du voisinage au partenariat «structurant»
Sur le continent européen, Rabat capitalise sur une diplomatie du droit et de l’économie. Le 26 novembre, le Parlement européen rejette une motion visant à bloquer l’application de l’accord agricole entre l’Union européenne et le Maroc. La Commission européenne avait quelques semaines plus tôt confirmé, via un acte délégué, les conditions d’accès préférentiel au marché européen pour les produits issus du Sahara, avec un étiquetage mentionnant explicitement les régions d’origine. La portée de cette décision est autant juridique que politique. Bruxelles entérine, de fait, l’intégration économique des provinces du Sud dans le partenariat euro-marocain. Ce même pragmatisme se retrouve dans la relation avec l’Espagne. Le 4 décembre, à Madrid, la XIIIᵉ Réunion de haut niveau débouche sur la signature de quatorze accords sectoriels. Dans une déclaration conjointe, Madrid réaffirme que le plan d’autonomie est la «base la plus sérieuse, réaliste et crédible» pour la résolution du conflit.
Sahel-Atlantique : l’offre marocaine du désenclavement
Une autre innovation stratégique de 2025 se situe ailleurs : au sud, dans le Sahel, là où les puissances occidentales ont vu leur influence reculer. Le 28 avril 2025, S.M. le Roi Mohammed VI reçoit à Rabat les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso, du Mali et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel. Les trois responsables saluent «tout particulièrement» l’Initiative Royale visant à favoriser l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, en affichant leur engagement pour en accélérer la mise en œuvre. Puis, le 25 septembre 2025, une réunion de coordination à New York relance l’opérationnalisation de cette initiative, à la veille de l’Assemblée générale. Ce que Rabat met sur la table n’est pas seulement un corridor : c’est une promesse politique, à savoir le désenclavement comme facteur de stabilité, et la stabilité comme condition de partenariat.
Culture et sport, vrai leviers de soft power
Porté par une décennie d’investissements et de résultats, le Maroc s’est affirmé en 2025 comme une véritable puissance du football, non seulement en Afrique mais aussi sur la scène mondiale. Le Royaume capitalise sur une série de performances qui ont progressivement installé ses sélections parmi les références : demi-finaliste historique de la Coupe du monde 2022, titres continentaux en CHAN (championnat d’Afrique des nations des joueurs locaux), sacres répétés chez les jeunes (U17, U20, U23), montée en puissance du football féminin, finaliste et désormais habitué du dernier carré africain. Cette continuité sportive a fait du Maroc l’un des rares pays africains à briller simultanément dans presque toutes les catégories, masculines et féminines. Cette trajectoire sportive trouve son point d’orgue avec l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2025, organisée du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026. Pour Rabat, la CAN dépasse largement l’enjeu sportif : elle sert de démonstration de capacité organisationnelle, de vitrine d’infrastructures modernes et de répétition générale à cinq ans de la Coupe du monde 2030. Le football devient ainsi un instrument de crédibilité internationale, capable de projeter l’image d’un État stable, performant et tourné vers l’avenir. Sur le registre culturel, l’Unesco a inscrit en 2025 «le Caftan marocain : art, traditions et savoir-faire» sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Un label patrimonial qui sert aussi, de fait, la diplomatie d’influence : celle qui parle par les récits, les savoir-faire et la projection d’une identité plurielle.
La main tendue au Maghreb
Enfin, 2025 aura aussi remis le Maghreb dans le champ, au moins dans le discours. Le 29 juillet 2025, dans le discours du Trône, S.M. le Roi Mohammed VI réaffirme sa volonté de «normaliser» les relations avec Alger et réitère la main tendue : «J’ai constamment tendu la main à nos frères en Algérie», tout en appelant à dépasser les tensions. Reste la question, entière, que 2025 laisse en suspens : jusqu’où l’Algérie est-elle prête à aller face à une séquence où Rabat engrange des soutiens, consolide ses alliances et transforme chaque dossier, économique, sécuritaire, culturel, sportif, en argument diplomatique ? En 2025, la diplomatie marocaine n’a pas «changé de cap» : elle a changé d’échelle. Et, à en croire les discours officiels, le plus dur commence maintenant : traduire les gains politiques en règlements durables, et les symboles en réalités concrètes sur le terrain.