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Comment les régions peuvent répondre aux objectifs de développement

Avec son nouveau modèle de développement (NMD), le Maroc s’est assigné de grands objectifs à atteindre d’ici 2035 en termes de réduction des inégalités, d’inclusion sociale, de renforcement de l’économie, de création d’emplois de qualité, d’amélioration des conditions de vie, de développement durable, etc. Néanmoins, les régions, auxquelles il incombe de décliner territorialement ces objectifs, à travers notamment les Plans de développement régionaux (PDR), sont-elles à la hauteur de cette ambition ?

Ph. Sradni

05 Février 2024 À 10:35

«Il y a là un enjeu majeur, celui du croisement de ces deux grands projets que sont le NMD avec ses objectifs de doublement du revenu par habitant, de montée en gamme de la structure de notre économie et d’équilibre entre les dimensions économiques et sociales, et les PDR qui incarnent les objectifs de chaque région», souligne le doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Aïn Chock, Abdellatif Komat. «Alors comment aujourd’hui, à travers les PDR, allons-nous aller vers un meilleur déploiement des objectifs de développement inclusif, durable et résilient au Maroc, en adéquation avec les principes du NMD et de la régionalisation avancée ?» se demande M. Komat, qui s’exprimait à l’ouverture d’un colloque national organisé, les 2 et 3 février, par l’Université Hassan II, la FSJES Aïn Chock, la région de Casablanca-Settat et le Centre national pour la recherche technique et scientifique.

Le besoin en ressources humaines politiques et administratives des régions reste important

Le NMD et le PDR sont le résultat d’une concertation élargie, l’un au niveau national et l’autre au niveau régional. Ils représentent également une feuille de route, comme l’a souligné le président du Conseil régional de Casablanca-Settat, Abdellatif Maazouz, qui est intervenu sur les grandes stratégies nationales et les priorités du PDR Casablanca-Settat 2022-2027. Le PDR, a-t-il indiqué, «a intégré au préalable une série d’orientations, en premier lieu les Orientations Rroyales, puis celles du NMD et du gouvernement, étant donné que les régions sont le prolongement du gouvernement au niveau territorial, avec cette spécificité que nous avons actuellement la même majorité qui gère le gouvernement et chacune des douze régions, sans oublier de prendre en compte les expériences du mandat précédent, du fait que le mandat actuel est le deuxième dans le cadre de la nouvelle configuration régionale et de la Constitution de 2011 qui octroie des prérogatives importantes aux régions.

Cependant, note le président du Conseil de la région de Casablanca-Settat, «la problématique relative aux ressources humaines nécessaires pour mettre en place ces feuilles de routes persiste toujours». Mais, nuance-t-il, «ce constat est en voie de dénouement». La régionalisation, rappelle M. Maazouz, «est un processus progressif et nous ne devons pas perdre de vue cet aspect. Les pays qui nous ont précédés sur ce chemin, comme l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la France, ont mis plusieurs années pour parvenir à une véritable régionalisation, et aujourd’hui nous sommes au deuxième mandat et les choses se mettent en place, avec toutes les difficultés que l’on peut imaginer, mais ce que je peux dire, c’est que les choses avancent. On est mieux que le mandat précédent, mais on est loin de ce que nous espérons».

Et de faire observer qu’il y a un triangle qui constitue le moteur du développement : le secteur public, le secteur privé et l’université. C’est pourquoi M. Maazouz (qui est également professeur à l’Université Hassan II et à l’ISCAE) a tenu, une fois élu président de la région, à mettre en place des partenariats entre la région et l’Université Hassan II, l’ISCAE, l’École Hassania des travaux publics, etc., pour initier des projets de recherche et de formation des futurs cadres territoriaux.

Il est à noter que, selon une étude présentée par Fatima Zahra Alami, professeur à la FSJES de Aïn Chock, sur le niveau d’instruction de 2.211 élus relevant de la région de Casablanca-Settat, 28% ont un niveau universitaire, 43% ont un niveau d’enseignement secondaire (24% de lycée et 19% de collège) et 17% ont un niveau primaire (le niveau des 12% restants n’a pas pu être spécifié).

Une nouvelle génération de PDR, beaucoup plus précise, a vu le jour

Pour sa part, le ministre de l’Industrie et du commerce est revenu sur les premiers PDR qui, selon ses termes, «étaient un petit peu comme une "foire aux rêves”, où l’on mettait tout ce qu’on avait envie de mettre». Mais aujourd’hui, a-t-il souligné, «nous avons une nouvelle génération de PDR beaucoup plus précise, incisive et ciblée en termes de ce qu’on souhaite développer». Aujourd’hui, poursuit le ministre, «c’est le gouvernement qui est devenu le complément de la région et c’est lui qui est interpellé par celle-ci. Ce sont les régions qui se présentent avec les CRI dans les bureaux des ministres pour leur faire part de ce qu’elles veulent faire, de ce dont elles ont besoin et de la nature de l’accompagnement qu’elles souhaitent obtenir de la part du gouvernement».

L’initiative, affirme M. Mezzour, «est devenue territoriale et le territoire a pris le pouvoir de manière forte et intelligente». Et de rappeler qu’«avant, les équipes du ministère de l’Industrie et du commerce qui planifiaient des zones industrielles, le faisaient pour l’ensemble du territoire en fonction des nœuds autoroutiers, des bassins d’emploi, etc., et ensuite les collectivités territoriales étaient saisies pour leur demander de retenir cette zone». Mais aujourd’hui, relève le ministre, c’est aux régions, avec les chambres professionnelles, les CRI, etc., qu’il revient de sécuriser le foncier, de rechercher les financements ou de s’occuper de l’étude de positionnement.

Cela ne veut pas dire, précise M. Mezzour, qu’«au niveau ministériel on ne fait rien, qu’on n’a pas de plan ou qu’on n’est pas sur cette trajectoire de développement, mais l’équilibre (entre le centre et la région) est déjà là». Et le ministre d’annoncer que «le NMD a fixé le cap pour 2035, mais nous pouvons, sans trop d’hésitation, dire que de grands objectifs seront atteints d’ici 2030. Il y a une dynamique qui s’accélère par rapport à certains chantiers». «Sa Majesté a donné des orientations très claires que nous sommes en train de mettre en œuvre, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau régional, d’abord pour le développement social, pour le fameux État social avec des engagements extrêmement lourds. Je pense que l’objectif escompté sera atteint d’ici 2 ou 3 ans, compte tenu des schémas qui sont en train d’être mis en place pour la couverture médicale généralisée et le revenu minimum par famille», a-t-il affirmé.

Le NMD s’axe sur la montée puissance de la subsidiarité des territoires

Le directeur général de la convergence et de l’évaluations des politiques publiques au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, Omar Hassouni, a rappelé, quant à lui, que «le NMD place au cœur de ses principes d’action le renforcement de l’approche "résultats” et de l’impact pour le citoyen à travers, notamment, la définition claire d’une vision partagée et d’objectifs communs et la conception de solutions, étayées par des analyses et études rigoureuses basées sur des données fiables, actualisées et consolidées par l’expérimentation, et corrélant l’engagement des deniers publics à l’atteinte de résultats». Le NMD, d’après M. Hassouni, «a également mis au cœur de ses principes d’action le développement de l’approche «systémique et partenariale» qui intègre la complexité et l’interdépendance croissante et décloisonne les silos en mettant en place les conditions de la transversalité et de la coordination». Aussi, «le NMD s’axe sur la montée en puissance de la subsidiarité des territoires avec des politiques au plus proche des citoyens et des territoires qui émergeront dans le cadre de la coordination entre acteurs régionaux et à travers la mutualisation des efforts locaux», a-t-il soutenu.
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