S.Ba.
02 Octobre 2025
À 12:05
Casablanca, Rabat, Fès, Tanger, Tétouan... Ces derniers jours, des groupes de
jeunes sont descendus dans la rue pour exprimer leurs doléances autour de préoccupations sociales et économiques. Dans leur majorité, ces
manifestations pacifiques se sont déroulées dans le calme, sous l’œil vigilant des autorités, sans interventions ni entraves.
Mais dans certaines villes, ces rassemblements ont dégénéré en
violences. Des groupes ont commis des actes de
vandalisme, de
pillage et de
destruction de biens publics et privés, transformant la contestation en affrontements avec les
forces de l’ordre.
Quand la contestation bascule dans la violence
Les débordements les plus graves ont notamment été enregistrés à
Leqliaa (préfecture d’Inezgane Aït-Melloul), où des groupes d’individus ont attaqué, hier mercredi 1er octobre dans la soirée, la brigade territoriale de la
Gendarmerie Royale, incendiant un véhicule et une partie du bâtiment avant de tenter de s’emparer de munitions et d’armes de service. Deux assaillants ont trouvé la mort après l'usage des gendarmes de leurs armes à feu dans le cadre de la légitime défense.
À
Taroudant, le climat est devenu insoutenable, avec des scènes de destruction, d’incendies et des agressions contre les forces de l’ordre. Un élément des forces auxiliaires a échappé de peu à la mort après avoir été piégé par un groupe de protestataires dans un garage.
Dans la commune de Sidi Bibi, les tensions se sont transformées en véritables émeutes. Des jeunes ont multiplié les actes de sabotage et de destruction, causant d’importants dégâts aux biens publics.
À Salé, dans la nuit de mercredi à jeudi, des adolescents et des repris de justice se sont livrés à des scènes de saccage et de pillage. Des véhicules des forces de l’ordre ont été incendiés, des agences bancaires et commerces attaqués, leurs vitrines brisées et leurs marchandises dérobées.
Ces incidents viennent s’ajouter à ceux recensés à Oujda, Skhirat-Témara, Béni Mellal, Tiznit ou encore Agadir, confirmant l’ampleur nationale de ces débordements.
Au 30 septembre, le bilan était déjà lourd : 263 éléments des forces de l’ordre blessés, 142 véhicules officiels et 20 véhicules de particuliers endommagés, sans compter les banques, commerces et administrations détruits.
Les parquets du Royaume ont déjà ouvert des poursuites contre 193 suspects, parmi lesquels figurent des mineurs. Les enquêtes révèlent aussi un usage massif des réseaux sociaux pour inciter aux attroupements, parfois à travers de fausses vidéos importées de l’étranger.
La colère des citoyens face aux fauteurs de troubles
Au-delà des bilans et des chiffres, c’est surtout l’indignation citoyenne qui monte. Dans toutes les régions, les habitants disent comprendre et même partager les doléances exprimées par les jeunes qui manifestent pacifiquement, mais rejettent catégoriquement la spirale de violence et de destruction qui dénature l’esprit de cette mobilisation.
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Manifester est un droit, mais brûler des voitures et casser des vitrines, c’est nous mettre en danger. Nous travaillons déjà dans des conditions difficiles, et voilà qu’on doit aussi craindre les casseurs”, s’indigne Samira B., commerçante à Casablanca, qui a vu plusieurs boutiques de son quartier fermer par peur de pillage.
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À Rabat, j’ai vu des familles, des étudiants, des gens de tout âge marcher calmement pour exprimer leurs idées. Mais dès que des groupes de jeunes se sont mis à lancer des pierres, tout a basculé. Ces casseurs ne représentent pas les manifestants”, témoigne Youssef M., étudiant en droit.
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Nous avons peur pour nos enfants et nos commerces. Ces violences doivent cesser. La colère est légitime, mais elle doit s’exprimer autrement que par le chaos”, insiste Hicham A., chauffeur de taxi à El Jadida, qui dit avoir vu des collègues agressés et leurs véhicules endommagés.
À Taroudant, où les scènes de saccage se sont multipliées, la lassitude est palpable : "
On ne peut plus vivre ainsi. Les rues sont devenues dangereuses dès la tombée de la nuit. Ceux qui détruisent n’apportent rien, ils détruisent nos vies”, déplore Abdelkader H., père de famille.
Même constat à Salé, où des commerces ont été pillés et des voitures incendiées : "
Ce ne sont plus des manifestants, ce sont des criminels. Ils nous volent, ils brûlent nos moyens de subsistance. Nous ne voulons pas que notre ville soit associée à ce chaos”, tranche Touria W., gérante d’une petite épicerie.
Mais dans d’autres communes, la réaction a pris une tout autre tournure. Des habitants ont choisi de marcher pacifiquement pour affirmer leur fierté d’appartenir à une Nation qui se développe. Ces cortèges citoyens ont rappelé que si les attentes de la jeunesse sont réelles et légitimes, la solution réside dans le travail collectif et non dans la casse. Dans certaines localités, les forces de l’ordre ont même été applaudies et saluées pour leur retenue et leur rôle protecteur, témoignant d’un climat d’unité et de reconnaissance.
"Nous sommes fiers d’avoir une jeunesse dynamique qui rayonne dans le monde. Elle doit continuer à porter ses revendications, mais dans un cadre constructif qui renforce notre pays, au lieu de l’affaiblir”, souligne Amina R., enseignante à Sidi Bernoussi.
Partout, une conviction s’installe : il faut distinguer clairement entre les manifestations pacifiques, considérées comme une expression démocratique, et les actes criminels commis par une minorité. L’opinion publique rejette le chaos et salue les initiatives citoyennes qui défendent la stabilité, la sécurité et l’image d’un Maroc en mouvement.