Mounia Senhaji
21 Septembre 2025
À 19:17
Rabat et
New Delhi s'apprêtent à franchir une étape décisive dans la consolidation de leur partenariat stratégique. Une délégation de haut niveau, conduite par le ministre indien de la Défense,
Rajnath Singh, entame ce lundi une visite de deux jours dans le Royaume. Intervenant en réponse à l’invitation de
Abdellatif Loudyi, ministre délégué chargé de l’Administration de la Défense nationale, cette visite officielle vise à consolider les liens d'amitié historiques et à approfondir le partenariat stratégique entre les deux nations. Au programme, des réunions en tête-à-tête et au niveau des délégations pour faire le point sur les acquis et ouvrir de nouveaux volets de coopération : industrie de défense, développement des compétences, partenariats technologiques et formation seront au cœur des questions à aborder.
Industrie de la défense : un accord majeur dans le pipe
Signe de la bonne santé des relations entre Rabat et New Delhi, un important accord dans le domaine de l'industrie de la défense devrait être signé. Cet accord viendra conforter une coopération militaire entre les deux pays et porte principalement sur le développement des capacités, la formation conjointe et le partage des meilleures pratiques et expériences.
Les échanges ne se limiteront pas aux discussions stratégiques. Les deux parties, qui coopèrent déjà dans le domaine des exercices d'entraînement conjoints et de maintien de la paix, devront explorer activement de nouvelles pistes pour des projets d’avenir. Pour rappel, la coopération bilatérale couvre aussi la sécurité maritime, un domaine crucial qui voit les navires de la marine indienne visiter fréquemment le Maroc pour discuter de la lutte contre la piraterie et de la sûreté en haute mer.
Temps fort : une usine de blindés inaugurée à Berrechid
Point d’orgue de la visite de M. Singh, l’inauguration d’une usine Tata Advanced Systems Ltd à Berrechid, dédiée à la fabrication de véhicules blindés à roues (WhAP 8x8). Ce site illustre une ambition partagée : co-développer et co-produire sur le sol marocain, en synergie avec l’écosystème industriel local. L’objectif est double : ancrer de la valeur ajoutée et accélérer le transfert de savoir-faire entre partenaires. L'impact local de cette usine n’est pas à démontrer : le véhicule fabriqué sera spécialement conçu pour le Maroc, et l’unité devra employer plus d'une centaine de personnes, majoritairement des Marocains. Ces employés ont d'ailleurs bénéficié d'une formation intensive en Inde, où ils ont appris à assembler et à monter ces véhicules.
Au-delà de la défense : commerce, phosphates et identité numérique
Pour souligner la nature multidimensionnelle de la relation entre les deux pays, le ministre de la Défense indien devrait rencontrer également, lors de sa visite, le ministre marocain de l'Industrie et du commerce, Ryad Mezzour. Les discussions se concentreront sur le renforcement du partenariat industriel et commercial, visant la consolidation des liens de l'industrie de défense, le transfert de technologie, la création de joint-ventures et l'accès au marché dans les secteurs stratégiques.
Défense, industrie, commerce : la visite trace les contours d’une chaîne de valeur complète, de la décision politique à l’industrialisation, avec en ligne de mire des retombées concrètes sur les économies des deux pays. D’ailleurs, le commerce bilatéral est déjà en plein essor. L'Inde est le plus grand acheteur mondial des engrais phosphatés marocains, avec des achats annuels dépassant 1,5 milliard de dollars. La croissance de l'agriculture indienne laisse présager une augmentation constante de ces achats. Dans l’autre sens, les exportations indiennes vers le Maroc comprennent une gamme variée de produits, notamment des produits d'ingénierie, des produits pharmaceutiques, des textiles, du riz, mais aussi des câbles, des fils et des produits technologiques.
En matière de technologie, le Maroc a adopté avec succès le système indien d'identité biométrique «MOSIP», instauré au cours des cinq dernières années. Développé avec le soutien de sociétés indiennes, ce système a été utilisé pour créer le registre national de la population (RNP) et le registre social unifié (RSU). Par ailleurs, la coopération culturelle et éducative est renforcée par le programme ITEC (programme indien de coopération technique et économique), qui offre chaque année à environ 100 professionnels marocains l'opportunité de suivre une formation professionnelle en Inde, tous frais pris en charge.
La visite de Rajnath Singh marque ainsi une étape cruciale pour l'Inde et le Maroc dans la promotion des intérêts communs, en pariant sur des projets opérationnels aux retombées concrètes. Pour Rabat, c’est un moyen de renforcer son autonomie capacitaire et son rôle de hub régional. Pour New Delhi, c’est l’opportunité d’étendre sa projection industrielle et technologique sur une zone charnière entre Afrique, Atlantique et Méditerranée. Le tout s’inscrit dans une relation bilatérale présentée comme un partenariat stratégique, nourri par la confiance et une vision partagée de la paix, de la stabilité et de la prospérité.