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La justice marocaine en chantier : modernisation et défis à l'horizon 2026

Face aux députés de la Commission de la justice, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a dévoilé mardi dernier les contours du projet de budget sectoriel de son département pour l’année 2026. Dans son exposé, le ministre a mis en avant les mutations profondes que connaît l'institution judiciaire, entre révolution numérique, transformation des infrastructures et réformes législatives d'envergure.

05 Novembre 2025 À 17:17

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a présenté, mardi dernier, devant les députés de la Commission de la justice, un bilan chiffré et détaillé des réalisations de son département en 2025, ainsi que les grandes priorités pour l'année budgétaire 2026. Le document a dressé le portrait d'une administration en pleine mutation, engagée dans un vaste processus de modernisation.

Une année 2025 sous le signe des réformes structurelles

S’agissant du bilan législatif, l'année écoulée a été marquée par une activité législative intense. Plusieurs textes majeurs ont été publiés au Bulletin officiel, dont la loi 03.23 relative à la procédure pénale, qui entrera en vigueur trois mois après sa publication, et la loi 46.21 organisant la profession des commissaires de justice. Parallèlement, des projets structurants, comme celui portant sur la création de l'Agence nationale de protection de l'enfance (29.24), ont été déposés au Parlement.

La révolution numérique : une priorité stratégique

La digitalisation a constitué également un axe stratégique prioritaire. Le ministère a déployé plusieurs plateformes opérationnelles, à l'instar de la plateforme de dématérialisation des actes authentiques, qui permet désormais de traiter électroniquement les procédures de mariage dans les tribunaux de Salé, Rabat et Témara. L'interconnexion électronique avec des institutions comme la DGSN, l'ANCFCC (Conservation foncière) )et NARSA a été renforcée pour fluidifier les échanges de données. En outre, un portail dédié aux demandes de grâce et de libération conditionnelle a été mis en service, simplifiant les démarches pour les citoyens.

Infrastructures et équipements : un effort soutenu

Sur le terrain, l'effort de modernisation des infrastructures s'est concrétisé par le lancement de 84 projets de construction et de rénovation de tribunaux à travers le Royaume. Si un seul projet a été inauguré en 2025 – le département de la justice familiale de Benslimane,18 autres sont déjà dans le pipeline et prêts à être inaugurés, pour un engagement financier dépassant 109,3 millions de dirhams bientôt. L'accent a également été mis sur l'équipement, avec la création et l'équipement de 39 cellules d'accueil pour les femmes et enfants victimes de violence et de 23 espaces «bleus» spécialement aménagés pour les enfants.

Politique criminelle et protection des vulnérables

Le renforcement de la politique criminelle a vu l'opérationnalisation de la loi 43.22 sur les peines alternatives, avec la publication de son décret d'application et l'organisation de sessions de formation pour les magistrats. Les mécanismes de protection des personnes vulnérables ont quant à elles été renforcés, et les chiffres de la grâce et de la libération conditionnelle sont significatifs : 26.190 personnes ont bénéficié d'une mesure de grâce et 447 d'une libération conditionnelle en 2025.

Investir dans le capital humain

Le capital humain n'a pas été oublié non plus. Selon le projet de budget sectoriel présenté par M. Ouahbi, le ministère a lancé 15 concours de recrutement pour 714 postes, ayant pourvu 332 postes à ce jour. Une avancée institutionnelle majeure a été la création effective de l'Institut national de la magistrature et des métiers du greffe, désormais doté de sa propre structure et de son cadre juridique.

2026 : l'année de la consolidation et de l'approfondissement

S’agissant de l'année à venir, cette dernière s'annonce comme celle de la consolidation et de l'approfondissement. Le volet législatif restera dense, avec la finalisation attendue de projets de loi majeurs, notamment la révision du Code de la famille, l'adoption d'un Code des droits de l'enfant et la loi créant la Banque nationale des empreintes génétiques.
La transformation numérique se poursuivra aussi à un rythme soutenu. Parmi les projets phares figurent le développement d'une plateforme dédiée aux ventes aux enchères judiciaires, la gestion électronique des procès-verbaux d'infraction au Code de la route et la mise en place d'un système de délivrance de l'apostille pour les documents judiciaires.
Le budget 2026, qui sera soumis au vote du Parlement, reflète ces ambitions. Le chapitre des personnels se voit allouer 4,12 milliards de dirhams, incluant la création de 300 nouveaux postes budgétaires. Le chapitre des équipements et dépenses diverses sera doté doté pour sa part de 376,45 millions de dirhams (MDH), avec des enveloppes spécifiques pour l'aide judiciaire (40 MDH), les dépenses de justice pénale (45 MDH) ou encore les factures d'eau et d'électricité des tribunaux (40 MDH). Enfin, le budget d'investissement prévoit 232,49 MDH en autorisations de paiement pour 2026.
Ce bilan détaillé témoigne d'une dynamique de réforme résolue et concrète. Entre modernisation numérique, renouvellement des infrastructures et approfondissement des réformes législatives, le ministère de la Justice semble engagé dans une transformation profonde de son action. Les chantiers ouverts en 2025 trouvent leur prolongement naturel dans les priorités affichées pour 2026, dessinant les contours d'une justice qui se veut plus moderne, plus accessible et plus efficace. La feuille de route est tracée, les moyens budgétaires sont annoncés : reste maintenant le défi de la mise en œuvre, qui devra confirmer, sur le terrain et pour les justiciables, l'ampleur de cette métamorphose annoncée.
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