Hiba Chaker
26 Novembre 2025
À 17:08
Le Conseil du
gouvernement a validé, jeudi 20 novembre 2025, un texte qui pourrait transformer en profondeur une profession à laquelle presque tous les Marocains ont recours au moins une fois dans leur vie : celle des adouls, ces officiers publics chargés d’établir les actes essentiels de la vie, mariage, héritage, reconnaissance d’enfants, transactions, donations... Avec le projet de loi n°16.22, le gouvernement veut adapter ce métier aux évolutions de la société et aux exigences d’un système judiciaire modernisé. Le document adopté introduit une série de nouveautés importantes, dont certaines attendues depuis des années.
«Une profession appelée à jouer un rôle croissant»
Dès les premières pages, le texte justifie la réforme par l’évolution rapide du pays et l’importance prise par ces actes authentifiés dans le quotidien des Marocains. La note de présentation souligne ainsi que la profession occupe «un rôle central dans la préservation des droits, la sécurité documentaire et la protection des individus». Mais après près de vingt ans sans refonte juridique majeure, le système montre ses limites. Le document rappelle qu’il est devenu indispensable d’adapter les règles à «l’essor des services numériques, des besoins administratifs et des transformations sociales».
L’ouverture assumée aux femmes
Même si les premières femmes adouls exercent depuis 2018, la législation n’avait jamais été mise à jour pour entériner cette évolution. Cette fois, c’est explicite. Le texte stipule clairement l’ouverture de la profession aux Marocaines, conformément aux Hautes Orientations Royales. Le projet précise que la réforme vise notamment à «consacrer l’égalité d’accès à la profession et harmoniser les conditions d’accès aux métiers judiciaires». Pour de nombreux observateurs, c’est une étape symbolique mais aussi pratique : dans certaines régions, la présence d'adouls femmes facilite l'accès des citoyennes aux services juridiques.
Des contrats mieux protégés et mieux conservés
Autre changement majeur : la profession devra moderniser sa manière de rédiger, classer et conserver les documents. Le texte introduit des nouveautés très concrètes. «Le projet prévoit de renforcer les règles de conservation des contrats, certificats et registres, notamment à travers des mécanismes modernisés d’archivage et de gestion documentaire». Pour le citoyen, cela signifie que les actes seront plus lisibles et mieux standardisés, leur conservation sera plus sûre et le risque de perte ou de litiges liés à une mauvaise tenue des registres diminuera. C’est particulièrement important pour les actes sensibles : héritages, reconnaissances, ventes de biens.
Digitalisation : la grande transformation silencieuse
La réforme s’inscrit aussi dans la stratégie nationale de digitalisation. Si le texte reste prudent, il ouvre la voie à une transition majeure. Il rappelle ainsi que le nouvel encadrement vise à permettre «l’intégration progressive des technologies numériques dans l’élaboration, l’authentification et la conservation des actes». Concrètement, cela peut mener, une fois les décrets d’application publiés, à des procédures plus rapides, moins de déplacements pour les citoyens, une réduction des erreurs et des doublons et une meilleure coopération entre adouls, tribunaux et administrations.
Un Ordre national des adouls renforcé
Le projet de loi donne également plus de poids à l’Ordre national des adouls et à ses conseils régionaux. Son rôle est clarifié : formation, discipline, supervision et organisation interne. L’objectif affiché est double : professionnaliser davantage le métier et harmoniser les pratiques à l’échelle du Royaume. Le texte prévoit aussi une révision du régime disciplinaire pour mieux encadrer la profession. Mais, surtout, certaines dispositions visent à protéger directement les citoyens. Le projet reconnaît par exemple la nécessité d’assurer «une plus grande transparence dans l’exercice des fonctions» et de garantir la «responsabilité de l’adoul dans la rédaction et la vérification des actes» . En clair : plus de clarté, plus de rigueur et moins de place aux erreurs.