Brahim Mokhliss
27 Novembre 2023
À 14:05
Lors de sa participation à «Africa XXI» à Lisbonne, Mohammed Tawfik Mouline, directeur général de l’Institut Royal des études stratégiques (IRES), a brillamment souligné le rôle prépondérant du Maroc dans l’établissement de la souveraineté énergétique en Méditerranée. Cette intervention a mis en lumière les efforts soutenus du Royaume dans ce domaine crucial, sa coopération énergétique régionale et ses réponses stratégiques à la crise ukrainienne. Mouline a exposé plusieurs points essentiels.
Défis énergétiques méditerranéens : une complexité croissante
Dans ses réflexions, le patron de l’IRES a mis en lumière la complexité des défis énergétiques qui se posent à la région méditerranéenne. Il a souligné que cette zone, bien qu’elle ne contribue que modestement à la production mondiale de pétrole et de gaz (moins de 6%), demeure une voie majeure pour le transit international de ces ressources, notamment à travers le Détroit de Gibraltar, où transite plus d’un tiers du trafic mondial des hydrocarbures. Selon lui, la région méditerranéenne, représentant actuellement 7% de la demande énergétique mondiale, est confrontée à une forte dépendance vis-à-vis de sources énergétiques extérieures. Il a cité des statistiques alarmantes : en rive Nord, des pays comme Malte (97%), l’Italie (74%), l’Espagne (69%), le Portugal (67%), et même dans une moindre mesure la France (44%), affichent une forte dépendance énergétique externe. Il a également mentionné que malgré les efforts du Maroc (90%) et de la Tunisie (47%) pour améliorer leur mix énergétique, leur dépendance reste élevée.
Abordant les scénarios prospectifs, le directeur général de l’IRES a énoncé que, selon les prévisions de l’Observatoire méditerranéen de l’énergie, la demande énergétique pourrait croître de manière significative d’ici 2050. Il a décrit trois scénarios prospectifs contrastés, projetant des hausses considérables, surtout pour les pays du Sud, suggérant ainsi que cette région serait à l’origine de l’essentiel de l’accroissement de la demande énergétique, dépassant probablement la consommation de la rive Nord dès le début des années 2030. Dans son analyse, il a mis en évidence les conséquences alarmantes du changement climatique sur la Méditerranée, soulignant que cette région est particulièrement vulnérable à ce phénomène. L’expert a également pointé du doigt les énormes enjeux liés à la question de l’eau dans cette région. Il a évoqué l’interdépendance entre l’eau et l’énergie, insistant sur la nécessité de considérer ces deux ressources de manière intégrée.
À cet égard, il a indiqué que l’exploitation des énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien, la géothermie et l’hydroélectricité pourrait représenter une solution prometteuse pour pallier ces défis multiples. Il a insisté sur l’impératif d’une approche holistique et concertée pour relever ces défis énergétiques et climatiques, préconisant une transition vers des politiques d’efficacité énergétique, de diversification du mix énergétique et d’exploitation accrue des énergies renouvelables pour assurer un avenir durable à la région méditerranéenne.
Vers une Méditerranée énergétiquement durable
Le directeur général de l’IRES a mis en exergue l’état actuel de la coopération énergétique en Méditerranée, soulignant la nécessité d’une politique globale et concertée. Il a relevé que malgré l’émergence d’une coopération énergétique entre le nord et le sud de la Méditerranée, la mise en place d’une politique commune était longtemps restée en suspens. Mentionnant les étapes historiques, il a rappelé que cette question énergétique n’a été intégrée dans les traités européens qu’en 2009, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Évoquant le manque d’interconnexions électriques entre le nord et le sud de la Méditerranée, M. Mouline a souligné que les échanges en matière d’électricité sont encore limités dans la région Sud-Est de la Méditerranée. Il a notamment cité l’exemple du Maroc, soulignant que bien que connecté au réseau européen via Gibraltar depuis 1997, le réseau maghrébin nécessite un renforcement des liaisons pour favoriser une interconnexion plus fluide. En lien avec la guerre en Ukraine, Mouline a exposé que cette crise avait entraîné une crise énergétique sans précédent, particulièrement ressentie en Europe et dans les pays riverains de la Méditerranée. Il a souligné l’impact géopolitique et économique de cette crise, notant que l’Europe, confrontée à une diminution significative des livraisons de gaz de la Russie, a cherché à diversifier ses sources d’énergie et à promouvoir les énergies renouvelables. Faisant écho à la réponse européenne à cette crise, il a précisé que l’Union européenne avait lancé le plan «REPowerEU» pour réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie en gaz naturel et accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Il a également mentionné les efforts déployés par certains pays méditerranéens pour atténuer les effets de la crise, notamment en matière de transition énergétique et d’augmentation des parts des énergies renouvelables dans leur mix énergétique.
Soulignant le cas spécifique du Maroc, M. Mouline a évoqué la volonté du pays de renforcer son indépendance énergétique en augmentant la part des énergies renouvelables dans son mix électrique national. Il a notamment fait mention du partenariat vert entre le Maroc et l’Union européenne, confirmant ainsi l’engagement du pays à accroître son utilisation des énergies renouvelables. M. Mouline a également souligné les avancées du méga projet énergétique «Gazoduc atlantique Maroc-Nigeria», illustrant les efforts du Maroc dans la création de nouvelles opportunités énergétiques à l’échelle continentale. Il a enfin mis en lumière les ambitions du Maroc dans le domaine de l’hydrogène vert, une initiative visant à positionner le pays comme un acteur majeur dans cette filière énergétique d’avenir.