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Le Maroc prend pour la première fois la présidence du Forum des Nations unies sur les forêts

Du 5 au 9 mai 2025, le Maroc préside à New York la 20e session du Forum des Nations unies sur les forêts. Une première qui marque un tournant stratégique : le Royaume y défend sa vision d’une gouvernance forestière inclusive, capable de concilier urgence climatique, développement rural et souveraineté écologique.

07 Mai 2025 À 17:43

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Pour la première fois, du 5 au 9 mai 2025, le Maroc préside les travaux du 20ème Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF), à New York. Une fonction assurée par Abderrahim Houmy, directeur général de l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF). L’enjeu est de taille : le Forum réunit les États membres autour de la mise en œuvre du Plan stratégique des Nations unies pour les forêts 2017-2030, dans un contexte global de dégradation accélérée des écosystèmes. En effet, alors que les écosystèmes forestiers du monde entier sont en tension, le Royaume veut faire entendre une approche singulière, nourrie d’expérience de terrain et de réformes structurelles.

Au cœur de son plaidoyer : la stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 », présentée comme un modèle de gestion intégrée face aux défis du climat, de la biodiversité et du développement rural. Mais au-delà des discours, la situation est tendue. Le domaine forestier marocain, à titre d’exemple, couvre 13% du territoire, mais se dégrade à un rythme alarmant : 17.000 hectares disparaissent chaque année, victimes du changement climatique, des incendies et de la surexploitation. Or sept millions de Marocains vivent dans ou autour de ces espaces. Pour eux, la forêt est tout sauf abstraite : elle chauffe, nourrit, soigne, protège. Elle est, aussi, un lieu de conflit latent entre protection et survie. Le directeur de l’ANEF n’a pas éludé cette réalité. Il a insisté sur le rôle central des populations locales dans la stratégie nationale, qui vise à reboiser 600.000 hectares d’ici 2030, produire 460 millions de plants forestiers et générer plus de 27.500 emplois directs.

Une gouvernance repensée, un modèle à partager

Ainsi, lors de ce Forum, le Maroc a présenté sa nouvelle gouvernance forestière, fondée sur la création de deux agences publiques – l’ANEF et l’Agence des parcs nationaux – et la mise en place de plus de 200 groupements locaux de développement forestier. Objectif : faire des communautés rurales des partenaires à part entière, et non plus des usagers tolérés. Cette approche, expérimentée notamment dans le Rif, à Ifrane ou dans l’arganeraie du Sud-Ouest, a permis de structurer des circuits de décision plus inclusifs et des projets d’écodéveloppement co-construits. Elle s’accompagne d’un plan de reboisement ambitieux : 600.000 hectares programmés d’ici 2030, soutenus par la production de 460 millions de plants forestiers, avec une place grandissante du secteur privé.

Un défi financier, technologique et humain

Si l’ambition est claire, sa concrétisation pose une équation délicate. Comment financer, à l’échelle nationale, une transition forestière capable de répondre aux urgences écologiques, sociales et climatiques ? Le Fonds forestier national, qui représentait près de 70% du budget de l’administration des eaux et forêts en 2016, reste un levier structurant. Mais à lui seul, il ne suffira pas à couvrir l’ensemble des besoins liés à la reforestation, à la régénération des écosystèmes ou à l’équipement des territoires. C’est pourquoi le Maroc explore plusieurs pistes complémentaires : recours à l’intelligence artificielle pour mieux surveiller les incendies et suivre l’évolution des plantations, mise en place de dispositifs de certification forestière et développement de filières à forte valeur ajoutée, comme l’écotourisme, la sylviculture ou la valorisation des plantes aromatiques et médicinales.
Dans cette dynamique, le Forum de New York a aussi servi de tremplin pour la prochaine échéance : en juin 2025, un événement international sera organisé à Agadir, consacré à la gestion communautaire des forêts. L’objectif sera d’échanger des expériences concrètes, de valoriser les innovations technologiques et d’identifier de nouveaux mécanismes de financement durable. Par ailleurs, l’élection du Maroc en mai 2024 au Bureau du Forum pour la période 2024-2026, en tant que représentant du continent africain, confirme son engagement croissant dans la gouvernance forestière internationale. Une position qui lui permet de contribuer activement à la mise en œuvre du Plan stratégique des Nations unies pour les forêts 2017-2030, articulé autour de six objectifs majeurs : lutte contre la déforestation, restauration des écosystèmes, mobilisation des ressources et renforcement de la coopération entre États.
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