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Le SGG prône la «qualité législative» comme culture juridique de l’État

Le secrétariat général du gouvernement (SGG) renforce la conception et l’élaboration des textes juridiques au Maroc. Devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants, mardi 5 novembre 2025, Mohamed Hajoui a dévoilé une vision ambitieuse fondée sur «l’effet transformatif» des lois et la «qualité législative». Au cœur de cette mutation : un guide des procédures législatives et réglementaires, une formation interministérielle massive touchant 300 cadres juridiques et la création d’une base de référence commune pour tous les départements ministériels. Cette approche, qui s’inscrit dans les Hautes Orientations Royales, vise à faire du droit un levier authentique de transformation plutôt qu’un simple exercice normatif bureaucratique.

07 Novembre 2025 À 09:00

Mardi 5 novembre 2025, le rendez-vous annuel entre le secrétariat général du gouvernement et les élus de la Chambre des représentants a pris une dimension particulière. Au-delà de la présentation classique du budget sectoriel pour l’exercice 2026, Mohamed Hajoui a saisi l’occasion pour exposer une vision qui bouleverse les pratiques établies en matière d’élaboration législative. Face aux membres de la Commission de la justice, le secrétaire général du gouvernement a posé une question fondamentale : quel est véritablement «l’effet transformatif» des lois dans l’accélération de l’entrée du Maroc dans le club des pays émergents ? Cette interrogation n’est pas rhétorique. Elle traduit une préoccupation centrale qui anime désormais l’ensemble de l’action du SGG et qui s’inscrit dans le droit fil des Hautes Orientations Royales, constamment réitérées depuis l’accession de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Trône.

Les Hautes Orientations Royales au cœur de la mutation juridique

Le secrétaire général du gouvernement n’a pas manqué de rappeler que Sa Majesté le Roi a «toujours insisté sur l’importance de l’effet transformatif des lois, la nécessité de garantir la qualité législative des lois et d’éviter l’inflation législative». Cette insistance Royale constitue la boussole qui guide aujourd’hui l’ensemble des travaux du SGG et fixe le cap d’une réforme en profondeur de la culture juridique gouvernementale. Car il ne s’agit plus simplement de produire des textes législatifs en réponse à telle ou telle urgence administrative ou politique. L’ambition affichée est bien plus haute : faire en sorte que chaque loi adoptée reflète véritablement «les aspirations de la société et réponde à ses besoins», tout en mettant en œuvre «les principes et les règles constitutionnels dans leurs dimensions pratiques».

Mohamed Hajoui a été explicite sur ce point : le droit doit devenir «un outil de développement et un levier de réformes». Cette vision suppose des lois «complètes et cohérentes, qui contribuent à soutenir les efforts déployés pour améliorer la situation économique, sociale et environnementale actuelle». Elle implique également de rompre avec certaines pratiques du passé, notamment cette tendance à la prolifération législative qui dilue l’efficacité normative et crée de l’insécurité juridique.

Un guide pour révolutionner les méthodes de travail

La traduction concrète de cette philosophie prend la forme d’un guide des procédures législatives et réglementaires, véritable manuel de bonnes pratiques destiné à transformer radicalement les méthodes de travail de l’ensemble des départements ministériels. Ce document, dont l’élaboration a été menée en «coordination conjointe avec les départements ministériels», a déjà commencé à être testé dans le cadre d’ateliers de formation organisés par le SGG.

Les objectifs poursuivis à travers ce guide se déclinent en trois axes essentiels, chacun porteur d’une petite révolution dans les pratiques administratives marocaines. Premier axe : insister sur le fait que «les réformes ne requièrent pas toujours et nécessairement l’adoption de lois». Cette affirmation peut sembler paradoxale venant d’une institution dont la raison d’être est précisément l’élaboration législative. Mais elle traduit une maturité institutionnelle salutaire : toute réforme n’appelle pas systématiquement une réponse législative, et d’autres instruments peuvent parfois s’avérer plus appropriés.

Deuxième axe : souligner que «l’élaboration des lois est une question extrêmement importante qui nécessite souvent la réalisation d’études approfondies et de consultations multiples». Autrement dit, légiférer ne s’improvise pas et exige une démarche méthodique, documentée, consultative. Exit les textes rédigés dans l’urgence sans véritable évaluation préalable de leur impact.

Troisième axe, peut-être le plus crucial: insister sur le fait que «les projets de loi doivent être accompagnés de leurs textes d’application afin de permettre à notre législation de produire pleinement ses effets et d’avoir son impact transformatif dans des délais raisonnables». Ce principe vise à mettre fin à une pratique largement répandue au Maroc, celle des lois votées, mais restant inapplicables faute de décrets d’application, créant ainsi un fossé entre le droit formel et le droit effectif.

Une «base de référence commune» pour unifier les pratiques

Au-delà du guide, le SGG a engagé un chantier encore plus ambitieux : la création d’une «base de référence commune pour le travail conjoint dans le domaine de l’élaboration et de l’étude des projets de textes juridiques». Cette initiative répond à un constat : le contact quotidien et la coordination permanente entre le secrétariat général du gouvernement et les différents départements ministériels ont fait ressortir «le besoin urgent» de disposer de standards partagés. Cette base de référence ne se limite pas à «mettre en évidence les aspects relevant du travail des services du secrétariat général du gouvernement». Elle s’étend à «la rationalisation et à l’unification des méthodes de travail législatif des départements ministériels», créant ainsi un langage commun et des procédures harmonisées à l’échelle de tout l’appareil gouvernemental.

Les objectifs visés sont multiples. Il s’agit de faire en sorte que «les initiatives législatives et réglementaires des départements gouvernementaux soient établies sur des bases solides sur les plans normatif, logique et linguistique», tout en étant «en harmonie avec les références nationales et conventionnelles». Ces initiatives doivent également refléter «des besoins réels, nécessaires et justifiés» et permettre «de maîtriser les délais d’élaboration des projets de textes et le temps nécessaire à leur examen et à leur finalisation».

Mohamed Hajoui a explicité l’objectif final de cette démarche : «L’instauration des meilleures pratiques dans le travail quotidien des administrations en ce qui concerne l’élaboration des projets de textes juridiques dont elles ont besoin dans la gestion des affaires publiques dont ils sont en charge». L’application de ces pratiques devrait permettre de «rehausser la qualité du système juridique national et de le mettre au service de l’essor de réformes et d’efforts de construction du Maroc émergent».

Une formation massive au profit de 300 cadres

La transformation des mentalités et des pratiques ne se décrète pas, elle s’accompagne. C’est pourquoi le SGG a lancé un programme de formation interministérielle d’une ampleur inédite. Trois cents cadres juridiques appartenant à différents départements ministériels ont déjà bénéficié des ateliers organisés à cet effet. Ces sessions visent à «partager les problématiques juridiques posées à notre système juridique national dans plusieurs domaines».

Parmi les thématiques abordées figurent «l’importance de la consultation et de la prise en compte des exigences de qualité des lois, les techniques de consolidation des textes et leurs avantages, la manière d’exploiter le mécanisme de l’étude d’impact qui doit être jointe à certains projets de loi ainsi que les différentes questions liées à l’actualisation et à la mise à jour des textes juridiques». Cette démarche pédagogique s’inscrit dans une politique plus large de mise à niveau des ressources humaines. Le secrétariat général du gouvernement a adopté «une politique de formation et de perfectionnement dont ont bénéficié de larges catégories de fonctionnaires du SGG», avec pour objectif de «renforcer les capacités d’analyse, d’améliorer les compétences rédactionnelles et de renouveler les approches méthodologiques et pédagogiques».

Cette montée en compétences s’appuie également sur un programme de veille juridique qui constitue l’un des fleurons de l’action du SGG. Ce dispositif consiste en «des ateliers thématiques spécialisés de haut niveau, organisés de manière régulière et combinant présence physique et participation à distance». À ce jour, cinquante-cinq ateliers ont été organisés depuis le lancement du programme, créant une dynamique de «partage d’expériences et de renforcement de l’esprit de coopération entre les différentes spécialités juridiques».

Une architecture institutionnelle repensée

Pour porter cette ambition de qualité législative, le SGG a profondément revu son organisation interne. La création de la Direction de la qualité du droit, des techniques de législation et de la traduction constitue le symbole le plus éclatant de cette mutation. Cette nouvelle structure administrative a vocation à incarner institutionnellement la priorité accordée à la qualité normative. Elle s’inscrit dans une restructuration plus large qui a vu la création de trois nouvelles directions, témoignant de l’adaptation de l’institution aux défis contemporains. Ces changements organisationnels ont nécessité «l’extension du siège actuel de l’institution grâce à l’ajout de deux nouveaux sièges qui ont considérablement contribué à améliorer l’environnement du travail pour le personnel et à moderniser les mécanismes et les méthodes de travail».

Cette transformation structurelle s’accompagne d’un renouvellement significatif du capital humain. Au cours des six dernières années, l’institution a recruté 86 cadres, «contribuant à renouveler l’élite administrative et à rajeunir l’institution, à y insuffler un sang nouveau, à diversifier les spécialités et à créer l’équilibre nécessaire dans la composition de ses ressources humaines».

Des consultations et études au service de la qualité

Le travail du SGG ne se limite pas à l’examen des projets de textes soumis par les départements ministériels. L’institution reçoit régulièrement «des demandes variées de consultation portant sur des questions et des problèmes juridiques directement liés à l’exercice de leurs missions et attributions». Ces sollicitations «requièrent des services du secrétariat général du gouvernement la réalisation d’études et de recherches approfondies afin de déterminer la position juridique appropriée».

Par ailleurs, le SGG mène également des «initiatives d’étude menées d’office», qui visent «pour la plupart à proposer des solutions permettant de surmonter les problèmes et les difficultés posés par certains systèmes de gestion». Parmi les chantiers engagés cette année figurent «la révision du cadre juridique de l’expropriation, la réforme du cadre juridique des équivalences des diplômes, la mise à jour du cadre juridique de l’École nationale supérieure d’administration et la contribution à l’étude du système juridique de l’économie verte et des énergies renouvelables». Des groupes d’étude horizontaux, composés de compétences multidisciplinaires, ont également été mis en place pour suivre de près les évolutions dans certains domaines d’action essentiels tels que le sport, la digitalisation et les questions liées au genre.

La loi n’est pas une fin en soi

Mohamed Hajoui a tenu à souligner, face aux parlementaires, que «l’édiction des lois n’est pas une fin en soi». Les lois doivent être considérées comme «le moyen démocratique idéal pour exprimer la volonté de réforme souhaitée et pour concrétiser de manière adéquate le contrat social qui lie l’État à la société, garantissant les droits et définissant les devoirs». Plus encore, les lois doivent être appréhendées comme «des mécanismes efficaces pour la construction et le développement de l’État, susceptibles d’être révisées et mises à jour à tout moment, en réponse aux événements imprévus et en fonction des exigences grandissantes du développement économique, social et environnemental».

Cette conception dynamique et pragmatique du droit rompt avec une vision statique de la norme. Elle rappelle que la législation doit rester un instrument au service d’une finalité supérieure : la transformation effective de la société et l’amélioration concrète des conditions de vie des citoyens. Le défi qui se dessine désormais consiste à «faire de l’action législative un moteur pour construire un Maroc moderne, équilibré et juste», et à faire en sorte que «la production juridique, dans le contexte de l’essor que connaît notre pays, serve la dynamique de transformation observable à tous les niveaux».

C’est précisément cette ambition qui justifie l’attention particulière portée à la question du «perfectionnement des méthodes de travail du secrétariat général du gouvernement afin de donner une image fidèle, précise et représentative des rôles qu’il assume». Car au-delà de la technique juridique, c’est bien d’un projet de société qu’il s’agit, celui d’un État de droit moderne et efficace, capable de mobiliser l’outil législatif au service du développement et de la justice sociale.
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