Brahim Mokhliss
05 Novembre 2025
À 18:16
Le paysage associatif marocain et l'écosystème des professions réglementées sont en pleine recomposition. Mardi 5 novembre 2025, en présentant le budget sectoriel du secrétariat général du gouvernement pour l'exercice 2026 devant les parlementaires, Mohamed Hajoui a consacré un développement substantiel à une direction dont l'action irrigue autant la société civile que de la vie économique : la Direction des associations, des professions réglementées et des organismes professionnels. Les chiffres dévoilés et les orientations tracées révèlent une institution en pleine mutation, qui cherche à adapter ses missions aux transformations profondes que connaît le Maroc. Cette direction a connu, dans le cadre de la restructuration globale du SGG, une transformation organisationnelle significative. Désormais, les missions relatives aux associations et celles concernant les professions réglementées sont regroupées au sein d'une même structure administrative, «dans un souci d'efficacité administrative et compte tenu de la similitude des missions exercées», a précisé le secrétaire général du gouvernement.
Le secteur associatif sous l'œil vigilant de l'État
Les statistiques présentées par Mohamed Hajoui dressent un tableau contrasté de la dynamique associative marocaine. Au titre de l'année 2025, sept demandes de reconnaissance d'utilité publique ont été approuvées, contre six en 2023 et seulement quatre en 2024. Cette progression modeste porte à 257 le nombre total d'associations reconnues d'utilité publique au Maroc, statut qui confère des prérogatives particulières et une légitimité renforcée à ces organisations.
Concernant les autorisations de collecte de dons auprès du public, le secrétaire général du gouvernement a relevé une diminution notable. Huit associations ont été autorisées à faire appel à la générosité publique en 2025, contre dix-huit autorisations en 2024 et vingt-trois en 2023. Cette baisse s'explique par un contexte particulier : l'augmentation enregistrée au cours des années 2023 et 2024 était directement liée «à la mobilisation des associations pour porter aide et soutien aux victimes touchées par le séisme d'Al Houz», a rappelé Mohamed Hajoui.
La nouvelle législation sur l'appel à la générosité publique commence à produire ses effets. Les demandes d'autorisation sont désormais soumises aux dispositions de la loi n°18-18 relative à l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives, ainsi qu'à son décret d'application. Or les dix-sept demandes reçues par la Direction pour l'année en cours «ne remplissaient pas, dans leur ensemble, les conditions et la procédure de dépôt prévues par la loi susmentionnée et son décret d'application», a constaté le responsable du SGG.
Des flux financiers étrangers en léger recul
L'un des aspects les plus sensibles de la gouvernance associative concerne les financements d'origine étrangère. Les chiffres communiqués par Mohamed Hajoui révèlent une activité soutenue en la matière, même si elle connaît un léger reflux. La Direction a reçu 846 déclarations émanant de 241 associations ayant déclaré avoir reçu des aides financières ou en nature provenant de parties étrangères. Le montant total de ces aides s'établit à 580.567.759 dirhams, soit environ 580,6 millions de dirhams. Cette somme considérable marque néanmoins une diminution par rapport à l'année précédente où la valeur de ces aides atteignait 765 millions de dirhams, soit un recul d'environ 24%.
Cette baisse peut s'interpréter de multiples façons : normalisation après la période exceptionnelle du séisme d'Al Houz, durcissement des conditions d'accès aux financements internationaux, ou encore évolution des priorités des bailleurs de fonds étrangers. Quoi qu'il en soit, ces montants illustrent le poids économique substantiel du secteur associatif marocain et son intégration dans les circuits de la solidarité internationale.
Une refonte du cadre juridique de l'utilité publique
Face à ces évolutions, le SGG ne compte pas rester dans une posture passive. Mohamed Hajoui a annoncé l'ouverture prochaine d'un chantier majeur : «la révision du cadre juridique régissant l'octroi du statut d'utilité publique, notamment en réexaminant les conditions et la procédure d'octroi de ce statut». Cette réforme potentielle vise à adapter un dispositif juridique qui, pour l'essentiel, remonte à plusieurs décennies et ne correspond plus nécessairement aux réalités contemporaines du tissu associatif marocain.
Parallèlement, la Direction se prépare à franchir un cap technologique significatif avec le lancement d'un système d'information spécial pour la gestion des dossiers des associations. Cet outil numérique devrait «permettre d'améliorer les activités de gestion des associations, notamment en matière de demandes de reconnaissance d'utilité publique et de collecte de dons auprès du public, ainsi que des déclarations relatives à la réception d'aides provenant de sources étrangères», a précisé le secrétaire général du gouvernement. Cette digitalisation s'inscrit dans une logique plus large de modernisation administrative et de transparence accrue. Elle devrait permettre de fluidifier les procédures, de réduire les délais de traitement et d'offrir une meilleure traçabilité des dossiers. Pour les associations, elle constituera également un gain de temps et une simplification des démarches administratives.
Les professions réglementées : d'un rôle de contrôle à une mission d'accompagnement
Si le volet associatif représente un pan important de l'activité de la Direction, c'est sans doute sur le terrain des professions réglementées que la mutation engagée par le SGG apparaît la plus profonde. Mohamed Hajoui a clairement exposé le changement de paradigme à l'œuvre : «Le secrétariat général du gouvernement poursuit la mise en œuvre de sa nouvelle approche de gestion du système des professions réglementées et des organismes professionnels». Cette approche consiste à opérer une transition fondamentale, «passant d'un simple rôle d'octroi d'autorisations à un rôle de suivi et de veille juridique vis-à-vis de l'ensemble du système des professions libérales».
Le SGG ambitionne désormais d'assumer «un rôle d'orientation, d'accompagnement juridique et d'encadrement consultatif des organismes professionnels issus de ces professions». Ce basculement ne relève pas d'une simple réorganisation bureaucratique. Il traduit une conception renouvelée du rôle de l'État face aux professions réglementées. Plutôt que de se cantonner à une fonction de guichet délivrant des autorisations, le SGG entend se positionner comme un partenaire stratégique accompagnant l'évolution de ces professions dans un contexte économique et social en mutation rapide.
Le transfert symbolique des autorisations pharmaceutiques
L'une des manifestations les plus concrètes de cette nouvelle orientation a été actée au cours de l'année 2025. Le secrétaire général du gouvernement a annoncé «le transfert de la compétence d'octroi des autorisations d'ouverture des établissements pharmaceutiques industriels ou des établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs à l'Agence marocaine des médicaments et des produits de santé». Ce transfert de compétence revêt une portée symbolique forte. Il illustre la volonté du SGG de se décharger de missions purement administratives au profit d'agences spécialisées, tout en se concentrant sur ses fonctions de veille, de régulation et d'accompagnement juridique. Cette logique de spécialisation institutionnelle devrait permettre une meilleure efficacité dans le traitement des dossiers et une expertise plus pointue dans chaque domaine.
Cette réorientation se traduit également par «l'ouverture par la Direction d'une série de chantiers liés aux professions, en coordination étroite avec les organismes concernés, afin de les réorganiser, de réviser leur cadre juridique ou d'examiner les moyens à même de surmonter les difficultés pratiques qui empêchent la rationalisation et la modernisation des conditions d'exercice de certaines catégories de ces professions», a détaillé Mohamed Hajoui. L'objectif affiché est d'accompagner «les mutations rapides» que connaissent ces professions dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel et technologiquement avancé. Cette démarche suppose un dialogue permanent avec les ordres professionnels et une capacité d'anticipation des évolutions sectorielles.
Plus de 2 000 autorisations délivrées en 2025
Malgré cette réorientation stratégique, l'activité quotidienne de délivrance d'autorisations demeure substantielle. Le secrétaire général du gouvernement a communiqué un bilan chiffré significatif : au 31 octobre 2025, le nombre total d'autorisations relatives aux professions délivrées par la Direction s'élève à 2.055. Cette masse se répartit entre 1.696 autorisations pour les professions de santé et 359 pour les professions techniques. Ces chiffres témoignent du dynamisme des secteurs concernés et du renouvellement constant des professionnels qui les composent. Ils reflètent également l'attractivité persistante de ces professions réglementées, malgré les défis économiques auxquels nombre d'entre elles sont confrontées. La prédominance des professions de santé dans ce total n'a rien de surprenant. Elle s'explique par la diversité des métiers concernés (médecins, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, etc.) et par la croissance soutenue de la demande de soins.