Yousra Amrani
30 Juin 2025
À 20:07
Malgré les efforts soutenus déployés par le ministère de la
Justice ces dernières années pour promouvoir l’accès des femmes aux différentes professions juridiques et judiciaires, la représentation féminine reste encore largement en deçà des attentes. Les dernières statistiques, récemment présentées par le ministre de la Justice,
Abdellatif Ouahbi, en réponse à une question écrite posée par le groupe du Mouvement populaire à la Chambre des représentants, dressent un état des lieux sans équivoque : les femmes peinent toujours à s’imposer dans plusieurs métiers juridiques et judiciaires. Et cela, en dépit des mesures engagées par le ministère dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la Charte de réforme du système judiciaire, notamment celles prévues par l’axe stratégique numéro six, consacré au renforcement des capacités institutionnelles des métiers judiciaires et juridiques.
Une ouverture progressive mais encore insuffisante
Certes, cet axe préconise notamment une plus large ouverture des professions judiciaires aux femmes, mais les résultats escomptés se font toujours attendre. Il faut reconnaître que les choses évoluent mais à un rythme faible. La profession de notaire-adjoint (katib Adl), longtemps restée un apanage masculin, en est un exemple marquant. Aujourd’hui, 329 femmes exercent cette fonction, contre 3.148 hommes, soit à peine 9% de l’ensemble des professionnels du secteur. Une avancée, certes, mais on est encore loin de la parité que le gouvernement appelle de ses vœux.
Mais les efforts continuent, comme en témoigne l’élargissement par le ministère des opportunités offertes aux femmes fonctionnaires du secteur pour participer au plan de la justice à l’étranger. En coordination avec le ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, cette initiative a permis, lors de la première participation féminine, la nomination de trois femmes dans différentes ambassades et consulats, afin de renforcer les services dédiés à la diaspora marocaine.
Des disparités persistantes selon les métiers
En tous cas, la répartition hommes-femmes varie fortement d’un métier à l’autre. Du côté des avocats, les femmes représentent aujourd’hui 21% des effectifs, soit 3.367 sur un total de 15.664 professionnels. Chez les huissiers de justice, elles sont 207 contre 1.299 hommes, soit seulement 14%.
Le corps des notaires constitue, pour l’heure, la seule exception : 842 femmes y exercent, contre 978 hommes, soit près de 46% de représentativité féminine, traduisant une quasi-parité encore rare dans le secteur. Pour les experts judiciaires, la présence féminine reste limitée à 10%, avec 432 femmes pour 3.708 hommes. Les interprètes assermentés affichent un taux légèrement supérieur : 27%, soit 87 femmes contre 230 hommes. Enfin, la profession des copistes judiciaires (nassakhs) demeure largement masculine, avec seulement 47 femmes contre 348 hommes, soit 12% de l’effectif.
Un chantier encore ouvert
Si ces chiffres témoignent de quelques avancées, notamment dans la profession notariale, la féminisation des métiers juridiques et judiciaires reste globalement confinée à des niveaux insuffisants. Les disparités sont encore marquées et traduisent les résistances structurelles à l’accès des femmes à ces fonctions. Le ministère de la Justice semble toutefois déterminé à continuer sur la voie de l’ouverture et de l’égalité des chances. L’enjeu est désormais de transformer les avancées ponctuelles en véritable dynamique de fond, afin que la parité ne soit plus l’exception mais la norme dans l’ensemble des professions du secteur judiciaire au Maroc.