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Médiateur du Royaume : record de plaintes en 2024, des décisions toujours peu appliquées

Le Médiateur du Royaume a présenté, hier, son rapport annuel au titre de l’année 2024 et il en ressort un constat préoccupant quant à l’engagement réel des administrations publiques envers les recommandations émises par cette institution constitutionnelle. Si 146 nouvelles propositions ont été formulées et 845 recommandations antérieures suivies, seulement 201 ont été effectivement mises en œuvre par les administrations concernées contre 640 restées sans suite, révélant ainsi un sérieux déficit d’engagement. S’ajoute à cela un ralentissement manifeste dans les interactions avec les usagers : le délai moyen de traitement d’une recommandation est encore de 646 jours, tandis qu’une décision prend en moyenne 216 jours à être appliquée. La première réponse administrative à une sollicitation prend 69 jours en moyenne, et la réponse détaillée 83 jours. Autant de chiffres qui interrogent la réactivité et la volonté réelle de coopération des services publics.

Ph : Saouri

24 Juillet 2025 À 16:20

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Le Médiateur du Royaume a présenté, ce jeudi 24 juillet à Rabat, son rapport annuel au titre de l’année 2024. Ce document met en lumière une forte progression du nombre de réclamations citoyennes, témoignant à la fois d’une insatisfaction croissante vis-à-vis de certains services publics et d’un recours accru à l’institution comme espace de réparation. Selon les chiffres dévoilés, pas moins de 7.948 dossiers ont été enregistrés. Parmi eux, 5.755 relèvent de réclamations formelles (soit 72,41%), traduisant une contestation massive des décisions administratives. Viennent ensuite 2.182 demandes d’orientation (27,45%). Quant aux sollicitations pour une médiation à l’amiable, elles restent marginales (11 dossiers), mais certaines, comme lors de la crise des étudiants en médecine, ont révélé leur poids symbolique et leur potentiel de transformation.

Une administration au cœur des conflits

S’agissant de la répartation des plaintes par secteur administratif, on apprend que les griefs des citoyens se concentrent principalement sur trois types de dossiers : administratifs (2.325 cas), financiers (1.761) et fonciers (926), représentant ensemble plus de 87% des réclamations. Les départements les plus visés sont ainsi ceux de l’Intérieur, de l’Économie et des finances, ainsi que du Tourisme et de l’économie sociale, suivis par les collectivités territoriales, l’Éducation nationale et la Santé. Un autre constat inquiétant du rapport est la centralisation excessive de l’administration. En effet, une majorité des dossiers concerne les services centraux des ministères, mettant en exergue le retard accusé dans la mise en œuvre du chantier de la déconcentration administrative.

Des efforts de traitement réels, mais un rythme lent

Le rapport relève des améliorations néanmoins en matière de traitement des dossiers par le Médiateur, notamment grâce à une réduction du délai d’étude initial à 16 jours. En parallèle, l’institution poursuit sa politique de plaidoyer auprès des administrations. On apprend ainsi 4.616 demandes d’information ont été adressées aux administrations concernées, accompagnées de 1.158 relances urgentes, conformément à l’article 36 de la loi 14.16.

Il convient de souligner que l’activité de traitement des réclamations est confiée à de commissions de suivi. Ces dernières ont tenu d’ailleurs 585 séances d’audition en 2024, débouchant sur l’examen de 921 dossiers. Ces travaux ont permis de statuer sur 1.781 décisions de règlement, 1.034 cas de non-recevabilité, 573 déclarations d’incompétence, et 2.240 classements sans suite.

Côté recommandations adressées aux administrations, le rapport fait état de 146 nouvelles propositions formulées et 845 recommandations anciennes suivies. Toutefois, seulement 201 d’entre elles ont été effectivement mises en œuvre par les administrations, contre 640 restées lettre morte, ce qui illustre un sérieux déficit d’engagement de la part des administrations.

Une administration encore peu réactive

L’analyse des réponses des administrations laisse par ailleurs apparaître une coopération inégale. 70% des recommandations mises en œuvre se concentrent dans quatre secteurs : les collectivités territoriales, la Santé et la protection sociale, l’Économie et les finances, et l’Intérieur. D’autres ministères ne comptabilisent qu’un nombre infime de recommandations, allant de 1 à 11 maximum. Concernant les décisions effectives, les 1.781 mesures prises concernent surtout l’Économie et les finances (344 décisions), le Tourisme et l’économie sociale (285), l’Éducation nationale (282), l’Intérieur (188) et la Santé (122).

Sur le plan des délais, le rapport note une baisse du temps moyen d’exécution des recommandations, désormais de 672 jours, contre 1.003 jours en 2023. Le délai de réponse à une première correspondance est de 69 jours, celui d’une réponse détaillée de 83 jours. Le traitement global des recommandations s’étale sur 646 jours, tandis que les décisions sont exécutées en moyenne en 216 jours. Ces chiffres interrogent la réactivité réelle de l’administration.

Pour un service public plus équitable

Au final, ces constats révèlent un paradoxe de plus en plus visible : l’institution du Médiateur gagne en crédibilité et en efficacité, mais l’administration peine à suivre, ralentissant la dynamique de réparation et de dialogue. Si certains ministères, comme ceux des Finances ou de l’Intérieur, se montrent relativement coopératifs, d'autres accusent un retard manifeste dans l’application des décisions et recommandations. Cela milite pour une meilleure culture de l’écoute, de la transparence et du respect du droit, socles indispensables pour un service public moderne, juste et performant.
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