Brahim Mokhliss
15 Octobre 2024
À 17:54
Dans les ruelles pittoresques d'Assilah, l’ambiance est de nouveau à la fête et aux retrouvailles. De prime abord, la Bibliothèque Prince Bandar Ben Sultan, épicentre de ce rassemblement intellectuel, offre un espace en pleine effervescence. Penseurs, décideurs, artistes... Ils sont venus des quatre coins du globe pour partager leurs visions, confronter leurs idées... et imaginer l'Afrique de demain. Car tel est l'esprit du Moussem d'Assilah : offrir «une tribune de libre expression et un lieu privilégié de dialogue approfondi, marqué par sa maturité, sa lucidité et sa responsabilité», comme le souligne avec conviction Mohamed Benaïssa, secrétaire général de la Fondation du Forum d'Assilah.
Un espace de réflexion et de dialogue approfondi
Dans son discours inaugural, Mohamed Benaïssa, secrétaire général de la Fondation du Forum d'Assilah, a souligné la vocation de cet événement à offrir «une tribune de libre expression et un lieu privilégié de dialogue approfondi, marqué par sa maturité, sa lucidité et sa responsabilité».
Fidèle à son engagement d'explorer les grandes questions d'actualité tant au niveau arabe qu'international, le Moussem d'Assilah propose, cette année, cinq colloques d'envergure. «Chacun aborde des questions d'une actualité brûlante qui posent des enjeux complexes aux élites, aux peuples et aux décideurs», a précisé M. Benaïssa. Parmi les thématiques phares figurent la délicate problématique des frontières en Afrique, les élites arabes de la diaspora, les mouvements religieux et la scène politique, ainsi que les valeurs de justice et des systèmes démocratiques.
Crise des frontières en Afrique, un défi majeur
Le premier colloque, consacré à «La crise des frontières en Afrique : les parcours épineux», a suscité un vif intérêt. Comme l'a souligné Mohamed Benaïssa, ce sujet revêt une importance capitale du fait de ses implications politiques profondes, touchant à la souveraineté des États, à leur identité nationale et à leur droit de préserver l'intégrité de leurs territoires.
Victor Borges, ancien ministre du Cap-Vert des Affaires étrangères et commissaire du colloque, a rappelé les séquelles laissées par le partage arbitraire de l'Afrique lors de la Conférence de Berlin en 1885. «Les absurdités et paradoxes géographiques et politiques issus de cette initiative européenne hantent encore l'esprit des hommes et la politique en Afrique», a-t-il déploré. Néanmoins, il a appelé à dépasser les doléances pour se concentrer sur une gestion créative des frontières, favorisant la fluidité des échanges et la circulation des personnes.
Intégration africaine : opportunités et défis
La seconde partie du colloque s'est penchée sur les opportunités et défis futurs de l'intégration africaine. Hassan Abouyoub, ambassadeur du Maroc en Roumanie, a dressé un constat alarmant : 35% de la population africaine vivent en dessous du seuil de pauvreté, le quart des réfugiés mondiaux sont en Afrique et 72% des emplois y sont informels. Face à ces défis, il a appelé à réorienter les politiques et à faire preuve de courage pour réveiller les consciences.
De son côté, Hatem Atallah, ancien ambassadeur tunisien, a souligné la nécessité pour l'Union africaine d'avancer sur son programme des frontières. «Il faut arriver à œuvrer à atténuer les barrières des frontières et les transformer en atout de développement transcendant les caractéristiques nationales», a-t-il plaidé.
Des initiatives porteuses pour l'avenir du continent
Au-delà des frontières, le Moussem d'Assilah a mis en lumière des initiatives porteuses pour l'avenir du continent. Fouad Yazourh, ambassadeur et directeur général au ministère marocain des Affaires étrangères, a notamment rappelé l'Initiative Royale pour l'Atlantique, qui vise une intégration des pays riverains de l'Atlantique. «Le Maroc a su tracer les contours de cette initiative en se focalisant sur des thématiques d'intérêt majeur, dont la sécurité, l'économie bleue et la connectivité», a-t-il expliqué. Le projet de Gazoduc reliant le Maroc au Nigeria a également été salué comme un vecteur de développement pour les pays traversés. Selon M. Yazourh, «ce n'est pas seulement une vision pour l'export, mais une initiative qui va créer une dynamique pour ces pays, favorisant leur développement et leur prospérité».
La culture et la créativité à l'honneur
Fidèle à sa dimension artistique, le Moussem d'Assilah célèbre, par ailleurs, la création littéraire et plastique. L'espace «Khaimat Al Ibdaa» (La Tente de la créativité) prévoit d’accueillir un vibrant hommage à Mohammed Achaari, poète et ancien ministre marocain de la Culture. Des ateliers d'expression littéraire et d'arts plastiques sont proposés aux plus jeunes, tandis que les 45 ans des ateliers de gravure et d'impression d'Assilah sont célébrés à travers plusieurs expositions.
Jusqu'au 31 octobre, le Moussem culturel international d'Assilah continuera d'offrir un espace de réflexion, de création et de partage, fidèle à sa réputation d'événement incontournable du paysage culturel marocain et international. Avec son ambition d'éclairer les défis du présent et de tracer des perspectives pour l'avenir, il s'affirme comme un phare de la pensée et du dialogue des cultures.