LE MATIN
28 Décembre 2025
À 12:59
Après avoir stagné à 83 condamnés en 2022 et 2023, le nombre de personnes sous le coup d’une condamnation à mort a enregistré une hausse limitée de cinq cas en 2024. Une évolution mesurée, qui confirme le caractère exceptionnel du recours à cette peine dans le système judiciaire marocain.
Sur l’ensemble des condamnés recensés, 33 personnes voient encore leurs affaires pendantes devant la justice, tandis que 55 condamnations sont devenues définitives, acquérant l’autorité de la chose jugée. Les dossiers en cours se répartissent entre 10 affaires devant les cours d’appel, 7 devant la Cour de cassation, et 16 devant les chambres criminelles d’appel après cassation et renvoi.
Contrôle judiciaire dès l’enquête, régulation des dénonciations anonymes, procédures numériques encadrées, alternatives élargies aux poursuites, limitation stricte de la détention provisoire… la loi 03.23, qui va entrer en vigueur dans moins de trois semaines, redéfinit en profondeur le travail du Ministère public. Plus qu’un ajustement technique, le nouveau texte place le Parquet au cœur de la nouvelle réforme du système judiciaire. Il se voit ainsi confier à la fois davantage de pouvoirs et de garanties, mais aussi une exigence nouvelle de rigueur, de transparence et de justification. C’est un équilibre subtil que la loi 03.23 tente de dessiner : une justice plus efficace, mais aussi plus juste.
La
Présidence du ministère public souligne que cette situation juridique ouvre la voie à une éventuelle révision des peines, que ce soit à l’issue de l’examen des voies de recours ou dans le cadre de la grâce royale, laquelle peut conduire à la commutation de la peine de mort en réclusion criminelle à perpétuité ou en peine privative de liberté à durée déterminée. Cette possibilité concerne également les condamnés dont les décisions sont définitives.
L’analyse de la structure démographique met en évidence une forte concentration des condamnations dans les tranches d’âge actives. Les personnes âgées de 30 à 40 ans et de 40 à 50 ans représentent à elles seules 59 condamnés, traduisant une prédominance de cette peine dans des catégories en pleine activité sociale. Les jeunes adultes de 18 à 30 ans comptent 12 condamnés, tout comme la tranche des 50 à 60 ans, tandis que les condamnés âgés de 60 à 80 ans ne sont que cinq, constituant la catégorie la moins représentée.
Sur le plan pénal, la Présidence du ministère public rappelle que la peine de mort n’est prononcée que pour des crimes d’une gravité exceptionnelle, principalement des meurtres aggravés. Il s’agit notamment d’homicides prémédités, de crimes commis avec usage d’armes, de meurtres d’ascendants ou de descendants, ou encore de faits combinés à d’autres crimes lourds tels que l’enlèvement, la séquestration, le viol, la mutilation ou la dissimulation de corps, l’incendie criminel ou le vol qualifié.
Le rapport fait également état d’un poids significatif des affaires liées au terrorisme et à l’extrémisme violent. À ce titre, 17 condamnations à mort ont été prononcées dans des dossiers de cette nature, ayant causé à elles seules 76 victimes.
Au total, les crimes ayant conduit à des condamnations à la peine capitale ont fait 200 victimes à fin 2024, contre 183 en 2023, soit une augmentation de 17 victimes. Parmi elles figurent 42 femmes, dont 11 mineures, 26 enfants, majoritairement âgés de 2 à 12 ans, 11 victimes issues de l’entourage familial des auteurs, ainsi que les victimes des crimes terroristes.
Pour la seule année 2024, les juridictions marocaines ont prononcé 11 nouvelles condamnations à la peine de mort, toutes à l’encontre d’hommes. Ces affaires concernaient principalement des meurtres aggravés, notamment des crimes commis au sein de la famille, des homicides contre les ascendants ou des faits accompagnés de tentatives d’effacement des traces du crime afin d’entraver l’action de la justice. Le rapport rappelle à ce titre les dispositions de l’article 422 du Code pénal, qui exclut toute circonstance atténuante en cas de meurtre d’ascendants.
Sur le plan territorial, ces condamnations ont été prononcées dans sept ressorts judiciaires, couvrant les cours d’appel d’Agadir, Casablanca, Laâyoune, Nador, Béni Mellal, Marrakech et Ouarzazate, illustrant la dispersion géographique de ce type de criminalité.
Au terme de son analyse, la Présidence du ministère public insiste sur le fait que le recours à la peine de mort demeure strictement encadré et limité aux crimes portant une atteinte grave au droit à la vie et à la sécurité collective. Le suivi statistique et juridique de ces décisions s’inscrit, selon l’institution, dans une démarche visant à mieux comprendre l’évolution de la criminalité grave et à apprécier les contours de la politique pénale adoptée en la matière.