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Que se passe-t-il au sein de l’Agence Marocaine du Médicament ?

Plus de 80% des employés de l’Agence Marocaine du Médicament et des Produits de Santé (AMMPS) auraient demandé à réintégrer leurs postes d’origine, précise un communiqué de l’UMT, soulignant un climat social tendu au sein de l’établissement. Le syndicat appelle à l’intervention urgente du ministre de la Santé, alors que l’Agence doit poursuivre son chantier de modernisation et assurer la régulation du marché pharmaceutique national.

30 Octobre 2025 À 14:53

Moins d’un an après le démarrage effectif de ses activités, l’Agence Marocaine du Médicament et des Produits de Santé (AMMPS) semble déjà traverser des tensions internes, d’après la centrale syndicale et des sources dans le secteur pharmaceutique. Un mouvement de « fin de détachement collectif » serait en préparation au sein de l’Agence, chargée de réguler le marché du médicament marocain. Si cette information s’avère vraie, le risque de paralysie des mécanismes d’évaluation et de contrôle des produits de santé compromettrait la stabilité de la chaîne d’approvisionnement nationale. Contacté à ce sujet, le ministère de la Santé et de la Protection sociale n’avait pas encore répondu à notre sollicitation au moment de la publication de cet article. Le bureau national du syndicat de l’AMMPS, membre de la Fédération nationale de la santé affiliée à l’Union marocaine du travail (UMT), a, lui, adressé le 28 octobre une demande urgente de réunion avec le ministre afin d’examiner les mesures nécessaires à la réintégration du personnel de l’Agence dans leurs postes d’origine au sein du ministère de la Santé.

Le personnel réclamerait un retour à ses postes d’origine

Dans cette lettre, dont « Le Matin » détient copie, le Bureau National du syndicat de l’AMMPS rappelle que, conformément à l’article 19 de la loi n°10-22 relative à la création de l’Agence, la durée de rattachement temporaire des fonctionnaires et employés est fixée à six mois à compter du 1er juin 2025, échéance prévue le 30 novembre 2025. À l’approche de cette date, et afin d’éviter tout vide administratif ou dysfonctionnement, le Bureau indique avoir tenu une réunion élargie le 22 octobre 2025 pour examiner les répercussions de cette échéance. « Les participants ont, en effet, exprimé leur intention et leur détermination de ne pas poursuivre leur mission au sein de l’Agence et de mettre leur expertise à nouveau au service de l’administration centrale, surtout que celle-ci a récemment connu une refonte offrant plus d’opportunités de carrière », précise la même source. Ces constats, dit le syndicat, ont été confirmés par l’évaluation menée vendredi dernier sous la supervision du bureau national de l’Agence relevant du syndicat, qui révèle que plus de 80% des employés auraient souhaité réintégrer leurs postes d’origine. La même source note que 20% seulement des fonctionnaires détachés auraient marqué leur souhait de rester au sein de l’Agence, à condition de bénéficier des mêmes avantages que ceux prévus par le décret n°2-21-344 relatif à la formule de rattachement. Fort de ces constats, le bureau a demandé au ministre de donner ses instructions aux services compétents, pour organiser une réunion urgente, sous la supervision de la Fédération nationale de la santé, afin d’étudier les modalités pratiques et les dispositions nécessaires à la réintégration des fonctionnaires concernés avant le 30 novembre 2025, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Inquiétudes au sein du secteur pharmaceutique

Du côté des laboratoires pharmaceutiques, l’inquiétude est perceptible. Des sources professionnelles évoquent un état de démotivation, une absence de vision et une dégradation de la confiance qui, d’après eux, auraient poussé les fonctionnaires affectés à l’Agence, considérés comme le noyau dur de l’expertise nationale en matière d’évaluation des médicaments et d’analyse des dossiers techniques, à vouloir mettre fin à leurs missions et retrouver leurs affectations d’origine. Elles estiment que cette situation risque de perturber toute la chaine d’approvisionnement pharmaceutique, allant jusqu’à alerter que la sécurité médicamenteuse nationale serait en jeu.

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L’AMMPS au cœur du chantier de modernisation du système de santé

Rappelons que l’AMMPS, placée sous la tutelle du ministère de la Santé et de la Protection sociale, a pour mission d’assurer la régulation du marché pharmaceutique national, le contrôle de la qualité des médicaments et produits de santé, la fixation des prix, ainsi que la surveillance post-commercialisation. Elle est en outre chargée de l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle devrait donc jouer un rôle central dans la mise en œuvre des orientations stratégiques de l’État, visant à consolider la souveraineté pharmaceutique du Royaume, à garantir la disponibilité des produits de santé essentiels et à veiller à leur sécurité et à leur qualité. Dans cette optique, l’Agence s’est engagée récemment dans un vaste chantier de modernisation et de refonte de ses services, inspiré des meilleures pratiques internationales en matière de régulation pharmaceutique. Ce processus vise à renforcer la transparence, l’efficience administrative et la traçabilité tout au long de la chaîne du médicament, en passant par le contrôle et la surveillance post-commercialisation. Cette dynamique de réforme s’inscrit pleinement dans la mise en œuvre du nouveau système national de santé, conformément aux Hautes Orientations Royales, et ambitionne de doter le Maroc d’une agence forte, indépendante et capable de soutenir les politiques publiques en matière de souveraineté sanitaire. Dans ce contexte, toute tension pourrait représenter un défi majeur pour la poursuite de son action stratégique.

Nous reviendrons sur ce sujet important qui touche à un secteur sensible, tant les enjeux industriels, de souveraineté sanitaire, de prix des médicaments qui impactent le citoyen et d’équilibre des systèmes d’assurance maladie, en font un dossier complexe dont l’approche doit forcément être multidimensionnelle.
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