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Retraites : reprise des concertations pour une réforme devenue urgente

La commission technique gouvernementale se réunira de nouveau le 18 septembre avec les syndicats et le patronat pour relancer la réforme des retraites. Face à un système éclaté, inéquitable et menacé de faillite, le Maroc s’oriente vers une refonte structurée autour de deux pôles – public et privé – afin d’assurer l’équité et la pérennité de ce pilier du contrat social.

09 Septembre 2025 À 15:05

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Le diagnostic ne laisse place à aucune ambiguïté : le système de retraites marocain est à bout de souffle. Neuf régimes coexistent, avec des règles et des avantages très disparates. Les écarts de pensions sont flagrants : 8.394 dirhams en moyenne dans le public contre 2.163 dirhams dans le privé. Plus de la moitié de la population active (près de 6,3 millions de personnes) n’a aujourd’hui aucune couverture, ce qui accentue la fracture sociale et fragilise la cohésion nationale.

Des finances sous pression

Selon les travaux de la commission, trois régimes sont déjà en déficit structurel : le CMR affiche un déficit de 7,8 milliards de dirhams et pourrait épuiser ses réserves (68 milliards) dès 2028 ; le RCAR enregistre un déficit de 3,3 milliards et ses réserves (135 milliards) devraient s’épuiser à l’horizon 2052 ; la CNSS, qui profite encore d’un équilibre démographique favorable, risque de voir ses réserves (61 milliards) disparaître en 2038. La situation est d’autant plus critique que le ratio cotisants/retraités s’est effondré : de 7 pour 1 au début des années 2000, il n’est plus que de 2 pour 1 aujourd’hui.



La feuille de route gouvernementale, discutée avec les syndicats et les organisations patronales, confirme l’orientation vers un système à deux pôles :
  • un pôle public, avec un régime de base plafonné et un régime complémentaire obligatoire,
  • un pôle privé, intégrant à la fois les salariés et les travailleurs indépendants, avec possibilité de souscrire à des régimes complémentaires facultatifs.
Ce modèle vise à harmoniser les règles (âge de départ, taux de cotisation, méthode de calcul), à réduire les inégalités entre assurés et à améliorer la portabilité des droits.

Parmi les mesures discutées figurent :
  1. le relèvement progressif de l’âge de départ à 65 ans pour tous les secteurs,
  2. une hausse des taux de cotisation, avec un partage équilibré entre salariés et employeurs,
  3. la révision du mode de calcul des pensions, basé sur un nombre plus élevé d’années de référence,
  4. l’extension de la couverture aux indépendants, saisonniers et travailleurs informels,
  5. le gel temporaire de la revalorisation automatique des pensions, dans une logique de stabilisation financière.

Une réforme à la croisée des chemins

Le chantier ne date pas d’hier : la Commission nationale avait déjà recommandé en 2013 la mise en place d’un système structuré autour de deux pôles. Depuis, plusieurs réformes paramétriques ont repoussé l’échéance, comme l’augmentation progressive de l’âge de départ à 63 ans pour les fonctionnaires et la hausse du taux de cotisation à 28%. Mais ces ajustements n’ont fait que gagner quelques années de répit.

La reprise des réunions de la commission technique le 18 septembre constitue donc une étape cruciale. Gouvernement, syndicats et patronat devront s’accorder sur un compromis historique. Comme le souligne un expert : « Mieux vaut une réforme progressive et concertée aujourd’hui qu’une crise brutale et irréversible demain ».

Au-delà des équilibres financiers, c’est la pérennité du contrat social qui est en jeu. La réforme des retraites doit protéger les droits acquis, corriger les inégalités et préparer un avenir où chaque actif pourra espérer une pension digne, quelles que soient sa profession ou sa trajectoire.
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