Hiba Chaker
01 Décembre 2025
À 19:18
Le Conseil de
l’Internationale socialiste (IS), réuni à Malte les 27 et 28 novembre 2025, a marqué un infléchissement significatif dans sa position s’agissant du dossier du
Sahara. Pour la première fois, la Commission Afrique de l’organisation a salué, dans une déclaration politique adoptée à l’unanimité, «l’opportunité que représente la
résolution 2797 du Conseil de sécurité» comme base possible d’un consensus international en faveur d’un règlement politique «juste et durable». Cette résolution, adoptée le 31 octobre 2025 à New York, réaffirme la centralité d’une solution pragmatique et réaliste, appelant les parties à s’engager dans un processus de négociation ayant pour matrice l’initiative d’autonomie sous souveraineté marocaine.
Un vote inédit, un front politique élargi
C’est une dynamique que
Khaoula Lachguar, vice-présidente de l’Internationale socialiste, revendique clairement. Contactée par «Le Matin», cette membre du bureau politique de l’
USFP insiste sur «l’importance de ce vote, à l’unanimité, au sein de la Commission Afrique, où certaines positions étaient historiquement très réservées, voire hostiles». Une avancée permise, selon elle, par un travail diplomatique de longue haleine : «Avant la réunion de Malte, nous avons mené des consultations avec plusieurs partis africains, européens et latino-américains, pour expliquer en détail ce que représente la résolution 2797. Son contenu, sa portée et, surtout, sa capacité à remettre en mouvement un processus longtemps enlisé.»
Elle y voit aussi un signal plus large, révélateur d’une évolution interne : «Beaucoup de partis ont admis qu’il n’était plus possible de rester figés sur des positions héritées des années 1980. Le contexte international a changé, les équilibres régionaux aussi. La résolution 2797 reflète cette nouvelle réalité et, à Malte, une majorité a compris qu’il fallait s’y inscrire.» Selon elle, l’USFP a également mis en avant les implications régionales du texte : «Nous avons insisté sur le fait que la stabilité au Sahara n’est pas seulement une question bilatérale. Elle conditionne la sécurité du Sahel, la gestion migratoire en Méditerranée et même la relance économique dans le Maghreb. Cet argument a trouvé un écho, y compris parmi des délégations traditionnellement prudentes.»
Un basculement stratégique pour l’Internationale socialiste
L’adoption de cette position constitue «un tournant» pour l’organisation socialiste, estime
Dr Machij El Karkri, membre du bureau politique de l’USFP et de la commission de déontologie à l’Internationale socialiste. Pour lui, l’importance du vote ne tient pas seulement au dossier du Sahara, mais au poids même de l’organisation : «L’Internationale socialiste reste l’une des plus grandes familles politiques au monde. Quand elle ajuste sa position, cela influe naturellement sur les partis membres, et, à terme, sur les opinions publiques et sur les politiques nationales dans plusieurs régions. Ce n’est pas un geste symbolique : c’est un effet d’entraînement.» Il souligne que, dans les jours précédant le vote, plusieurs délégations ont manifesté un intérêt spécifique pour le modèle proposé par le Maroc : «Nous avons échangé avec des partis issus de pays qui fonctionnent déjà avec des systèmes d’autonomie régionale, parfois très avancés. Pour eux, l’idée d’un plan d’autonomie n’a rien d’abstrait. Ils comprennent parfaitement le type d’équilibre institutionnel que cela représente. Leur lecture de la résolution 2797 est donc très concrète.» Selon Dr El Karkri, cette convergence a facilité un repositionnement de l’organisation: «La résolution 2797 consacre la démarche réaliste du Conseil de sécurité et, dans ce cadre, le plan d’autonomie marocain est identifié comme la base sérieuse et crédible des négociations. Beaucoup de partis l’ont reconnu explicitement.» Au-delà des considérations diplomatiques, il insiste sur un enjeu plus large : «Ce vote participe à clore un cycle. Le temps est venu de sortir de ce feuilleton et de rediriger l’énergie collective vers les vraies priorités : le développement interne du Royaume, l’intégration régionale, la stabilité économique. Tant que ce dossier restait bloqué, une partie de notre agenda était paralysée.» Pour lui, la nouvelle position de l’Internationale socialiste ouvre un espace politique différent : «Lorsque les grandes organisations internationales mettent à jour leur lecture d’un conflit, elles contribuent à apaiser les discours et à clarifier les perspectives. Cela crée des marges pour avancer enfin sur les chantiers essentiels. Le vote de Malte s’inscrit dans cette logique.»
Le Maghreb, la paix et le développement régional en ligne de mire
Par ailleurs, la nouvelle déclaration adoptée à Malte va au-delà du seul conflit du Sahara. Elle appelle les parties concernées à relancer des négociations sérieuses, mais aussi à remettre dans l’agenda l’intégration régionale dans l’espace maghrébin, posée comme condition de base pour «la paix, le développement et la prospérité des peuples». Une formule qui, en creux, suggère que l’enlisement du conflit freine toute dynamique régionale, un constat partagé de longue date par plusieurs acteurs économiques et politiques. La présence, pour la première fois, du mouvement «Sahraouis pour la paix», récemment admis comme membre de l’IS, n’est pas passée inaperçue. Pour de nombreux observateurs, cette ouverture traduit un changement de représentativité des voix sahraouies au sein des instances internationales et un recul progressif de la centralité du polisario dans le débat global.
Puis, au-delà du Sahara, le Conseil de l’Internationale socialiste a abordé d’autres foyers de tension du continent : la crise au Soudan, les tensions entre le Rwanda et la RDC, ou encore les reculs démocratiques dans plusieurs États. La Commission Afrique a insisté sur la nécessité de renforcer l’État de droit, le respect des Constitutions et les transitions apaisées, tout en appelant à une vigilance accrue face aux risques de fragmentation régionale. Pour sa part, l’USFP, par la voix de ses représentants, se dit déterminé à faire vivre cette nouvelle ligne du Maroc au sein des autres structures de l’Internationale socialiste, en particulier dans les commissions Méditerranée, Déontologie et Parité également réunies à Malte. Pour Khaoula Lachguar, «le travail ne fait que commencer. Cette position votée est un point d’appui. Maintenant, il faut l’ancrer dans la durée».