MAP
06 Avril 2024
À 11:57
Parmi ce patrimoine, l’ancienne Médina, un des quartiers populaires les plus emblématiques de Casablanca qui résiste encore à l’usure du temps, bien à l’abri derrière ses murailles. Pour y accéder, il existe de nombreux portails dont le plus connu et le plus fréquenté, Bab Marrakech, se trouve en face de la place des Nations-Unies, l’un des lieux les plus dynamiques de la ville blanche.
En franchissant ce portail, le visiteur laisse derrière lui tous les attributs de la modernité pour plonger intra-muros dans un autre univers. C'est une autre époque qui s'ouvre avec à chaque détour des ruelles étroites, des bâtisses très anciennes ou encore des souks traditionnels. Bref, toutes les caractéristiques des constructions historiques et qui font que cette ancienne Médina attire de plus en plus de touristes, admirablement frappés par sa richesse architecturale et son mode de vie.
"C’est le cœur historique battant de Casablanca", tient à le souligner d’emblée Mahja Nait Barka, Secrétaire générale de l’association Casamémoire, avant d’ajouter, dans une déclaration à la MAP, que l’ancienne Médina est le point de commencement du Casablanca d’aujourd’hui, une des grandes métropoles économiques sur le plan continental.
Intarissable sur son histoire, Mme Nait Barka rappelle que dès le 11e siècle, la ville est signalée sur les cartes comme une petite ville portuaire de la province de la Tamesna, ouverte sur le commerce extérieur avec l’Espagne, le Portugal et l'Italie. Elle porte alors le nom berbère d’Anfa, qui fait référence à une "petite colline". Elle est alors administrée par la puissante tribu des Berghwatas.
En 1068, le sultan almoravide Youssef Ben Tachfine assiège et détruit la ville. Quatre siècles plus tard, en 1468, la ville est attaquée et détruite à nouveau, cette fois-ci par les Portugais, en représailles au danger que les pirates locaux faisaient courir à leurs navires marchands. Casablanca subit alors une longue éclipse de trois siècles. Il faut attendre le règne du Sultan alaouite Sidi Mohammed Ben Abdellah (1747-1789) qui fait reconstruire et fortifier la ville en ruine. Il la dote de remparts, d’un bastion militaire (la Sqala), d’une grande mosquée (Jemaa Kebir), d’écoles, de fours et de hammams. Le Sultan souhaite aussi doter le pays d’un grand port moderne.
Pour cela, il fait ouvrir une douane à Casablanca. Entre le 18e et la fin du 19e siècle, le port de Casablanca devient le premier port d’exportation du Maroc pour la laine, les céréales et le thé. C’est aussi sous le règne de Sidi Mohammed Ben Abdellah que la ville commence à être connue sous le nom de "Dar Al Beida". La ville est en plein essor et attire alors massivement une population originaire de toutes les régions du Maroc, mais aussi d’Europe méridionale.
Jusqu'à la mise en place des premiers plans d’urbanisme développés sous le Protectorat, rappelle la SG de Casamémoire, Casablanca se réduisait à sa médina, qui abrite les monuments les plus anciens de la ville : Jemaa Kebir et Jemaa Ould El Hamra, les mausolées de Sidi Allal Al Kairouani, Lalla Taja, Sidi Bousmara et Sidi Belyout mais aussi la résidence du gouverneur, le bureau de la douane et les consulats étrangers.
Elle note que ce quartier, inscrit au Patrimoine National par le Ministère de la Culture en 2013, présente une très grande diversité architecturale : architecture religieuse, architecture funéraire, architecture militaire, architecture domestique, architecture administrative. Elle incarne aussi la tolérance de la cohabitation entre habitants d'origines et de religions différentes. Enfin, la médina se distingue des cités anciennes avec ses rues et ses constructions qui ressemblent davantage aux villes côtières qu’aux médinas impériales de l’intérieur du pays.
Tout en estimant que la préservation de l'ancienne Médina de Casablanca nécessite une approche multifacette, cette experte en management rappelle que ce quartier historique a bénéficié et fait toujours l’objet de grands travaux de réhabilitation et de mise à niveau, outre des actions de sauvegarde et de valorisation des édifices à caractère architectural et patrimonial; le tout pour améliorer la vie des habitants de la médina, tout en faisant du quartier une destination attractive par son authenticité.
Elle note ainsi que de nombreux monuments historiques ont fait l’objet de restauration et la Médina a aussi vu la création d’un Centre d’Interprétation du Patrimoine. Mais il n’en reste pas moins, selon elle, que "la préservation de la Médina en tant que patrimoine historique exige une vision et des actions plus larges encore, entre autres la mise en place de directives strictes pour les rénovations et les constructions dans la Médina, l’amélioration de la réglementation existante en matière de conservation du patrimoine pour garantir une protection efficace.
Autres actions préconisées par interlocutrice, l’organisation de programmes éducatifs destinés à sensibiliser à l’importance de la Médina en tant que patrimoine en mettant en lumière son histoire, son architecture, le lancement de travaux de recherche et documentation sur l’histoire, l’architecture et les pratiques culturelles de la médina qui pourront servir de ressources sur les efforts de conservation, la mise en place d’usages des bâtiments historiques compatibles avec leur conservation comme des musées, des galeries, des espaces communautaires, des commerces ou des petites entreprises.
Toujours sur le registre de la valorisation et la réhabilitation de ce bel héritage, Mahja Nait Barka indique que l’association Casamémoire a organisé les 22 et 23 mars dernier la 4e édition des Nocturnes du Patrimoine de Casablanca, un voyage immersif le temps de deux soirées pour découvrir ou redécouvrir le patrimoine de Casablanca à travers trois de ses quartiers emblématiques : la Médina, le Centre-Ville et les Habous.
"Cet événement est l’une des nombreuses initiatives portées par notre association qui a vu le jour en 1995 suite à la démolition de la Villa Mokri de l’architecte Marius Boyer", relève-t-elle, avant d’ajouter que cet événement a attiré pas moins de 4.000 visiteurs.
Et de conclure en insistant encore une fois que la préservation de la Médina en tant que patrimoine historique exige une vision à long terme, une planification minutieuse et l’engagement de tous les acteurs concernés, de la communauté locale aux institutions nationales. Seule approche, selon elle, à même de sauvegarder ce précieux patrimoine pour les générations à venir.
Une préservation nécessaire et une nécessité vitale qui s’imposent donc, car l’Ancienne Médina, telle une racine, a donné naissance au Casablanca d’aujourd’hui, une grande ville dynamique tournée vers l’avenir et qui ne cesse de changer de visage, au grand plaisir de ses nombreux visiteurs nationaux et internationaux.